Question de la sécurité alimentaire dans les pays en développement

2021/2208(INI)

Le Parlement européen a adopté par 602 voix pour, 15 contre et 20 abstentions, une résolution sur la question de la sécurité alimentaire dans les pays en développement.

Le Parlement rappelle que la faim et l’insécurité alimentaire augmentent à nouveau dans le monde (environ 660 millions de personnes souffrent encore de la faim en 2030) et qu’il est hautement improbable d’atteindre les objectifs nutritionnels d’ici à 2025 ou d’éradiquer la faim d’ici à 2030, ce qui est l’ambition de l’objectif de développement durable (ODD) 2 de «faim zéro». Il estime que des actions audacieuses sont nécessaires, en particulier pour ce qui est des inégalités en matière d’accès à la nourriture et que la fin de la malnutrition sous toutes ses formes et l’ODD 2 devraient être considérés comme prioritaires dans toutes les politiques, une attention particulière devant être accordée aux personnes dans les situations les plus vulnérables.

Rappelant que le droit à l’alimentation est un droit de l’homme, le Parlement a demandé à l’Union de sauvegarder le droit à l’alimentation des pays en développement et à l’autosuffisance, en tant que moyen de parvenir à la sécurité nutritionnelle, à la réduction de la pauvreté et à des chaînes d’approvisionnement mondiales inclusives, durables et équitables et à des systèmes alimentaires plus durables, ainsi qu’au soutien des marchés locaux et régionaux, en accordant une attention particulière aux femmes et à l’agriculture familiale.

Les députés estiment que la guerre d’agression menée par la Russie en Ukraine a déstabilisé davantage des marchés agricoles déjà fragiles, empiré la situation déjà grave causée par la COVID-19 et exercé une pression supplémentaire sur les crises alimentaires en cours et la sécurité alimentaire mondiale, poussant les prix internationaux des denrées alimentaires bien au-delà de leurs niveaux déjà élevés. Cette crise risque d’accroître l’insécurité alimentaire, la pauvreté et l’instabilité dans de nombreux pays en développement qui sont fortement dépendants des importations de blé ukrainien et russe, puisque 40% des exportations de blé et de maïs de l’Ukraine vont au Moyen-Orient et en Afrique.

La résolution souligne que les gouvernements devraient éviter dans ce contexte les interdictions d’exportation et définir des mesures pour soutenir la restructuration des marchés agricoles en augmentant leur transparence et en établissant de nouvelles règles pour empêcher qu’une spéculation financière excessive n’alimente la volatilité des prix alimentaires, ce qui, surtout dans un contexte de guerre, peut gonfler artificiellement les prix de gros et conduire à la volatilité des marchés et se répercuter particulièrement sur les pays en développement et les populations les plus vulnérables.

Le Parlement a demandé à l’Union de donner la priorité à l’alimentation et à l’agriculture durable dans sa programmation du développement international et de garantir l’accès des communautés et organisations locales aux financements. Au vu de la grande diversité des systèmes alimentaires, les mesures devraient être prises à l’initiative des pays, fondées sur les besoins et adaptées au contexte. La priorité devrait être donnée à la production alimentaire locale par le financement des petits exploitants, la protection des droits de l’homme, le renforcement des systèmes d’agriculture familiale, des coopératives et des chaînes d’approvisionnement régionales. Il est par ailleurs essentiel d’accorder la priorité aux besoins en matière de nutrition maternelle et infantile pour garantir une sécurité alimentaire solide et résiliente.

La résolution a encouragé la transition des pays en développement vers une plus grande autosuffisance, en donnant aux agriculteurs la responsabilité, la propriété et l’indépendance dans la création de systèmes agroalimentaires durables et de systèmes de production plus autosuffisants.

Renforcer la résilience aux chocs à venir

Les députés estiment que le renforcement de la résilience doit répondre à la fréquence et à l’intensité croissante des conflits et des catastrophes naturelles, notamment les sécheresses, les cyclones et les inondations, ainsi qu’aux crises sanitaires, à la perte de biodiversité, aux inégalités structurelles et aux chocs économiques, qui ont souvent des répercussions multiples sur les plus vulnérables.

Le Parlement a demandé, entre autres, à l’Union de :

- favoriser le financement prévisible, spécifique et ciblé d’une action préventive et anticipée dans le but d’empêcher l’insécurité alimentaire, d’atténuer ses effets et d’accroître l’attention et le financement accordés à la résilience et à l’adaptation menées localement;

- renforcer les programmes de subsistance pour appuyer la sécurité alimentaire et pour veiller à ce que les individus soient capables de générer et de préserver leurs moyens de subsistance et d’améliorer leur propre bien-être, ainsi que celui des générations futures;

- protéger l’accès des petits producteurs aux terres et autres ressources, y compris aux semences des paysans, ainsi qu’aux infrastructures servant à lier les populations rurales aux marchés territoriaux, y compris les zones urbaines, ainsi que de protéger le contrôle des petits producteurs sur celles-ci;

- concevoir des programmes de prévention du gaspillage alimentaire qui englobent la mise en valeur de chaînes d’approvisionnement alimentaire courtes, qui réduisent le risque de gaspillage alimentaire;

- faire en sorte que la production alimentaire ait la priorité sur la production de biocarburants d’origine agricole, dans le but de trouver des approvisionnements alimentaires supplémentaires et de stabiliser les marchés de produits alimentaires de base mondiaux;

- contribuer, au moyen de l’aide au développement, à lutter contre les discriminations auxquelles les femmes sont confrontées, notamment en ce qui concerne l’accès des agricultrices à la terre, aux ressources productives et aux services financiers;

- aider les pays partenaires à adopter des pratiques agricoles durables et des solutions innovantes pour améliorer leurs capacités de résilience et d’adaptation au changement climatique.

Le Parlement a demandé la pleine intégration de l’approche visant un renforcement du lien entre l’humanitaire, le développement et la paix aux stratégies en matière de sécurité dans les pays tiers.

Une réponse complémentaire de l’Union en matière d’aide humanitaire et de développement

Le Parlement a rappelé que l’aide humanitaire doit être renforcée dans les pays touchés par des crises alimentaires ou des conflits. Il a condamné toute action utilisant l’accès à la nourriture comme moyen d’oppression ou arme de guerre.

Les députés ont rappelé que l’Ukraine et la Russie représentent près de 30% du commerce mondial pour le blé, 32% pour l’orge, 17% pour le maïs, plus de 50% pour l’huile de tournesol et 20% pour les graines de tournesol. Ils ont précisé que la réduction ou la perte des exportations ukrainiennes se répercutera forcément sur les pays dépendant fortement de ce type de production, notamment en Afrique. Ils ont invité la Commission et les États membres à évaluer d’urgence tous les moyens disponibles pour éviter un défaut de paiement dans la balance des paiements des pays importateurs de denrées alimentaires.

La Commission est invitée à assurer la mise au point d’une stratégie multisectorielle en matière de nutrition et à donner la priorité à la prise en compte de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans les interventions dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’eau, de l’assainissement et de l’hygiène, afin de garantir qu’au moins 20% de l’aide publique au développement au titre de l’instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale - Europe dans le monde sont consacrés à l’inclusion sociale et au développement humain. 

Les députés ont préconisé d’intégrer la nutrition à la couverture sanitaire universelle et ont invité la Commission européenne à i) intégrer le droit à l’eau et le développement des infrastructures liées à l’eau et à l’assainissement dans ses interventions pour la sécurité alimentaire dans les pays en développement; ii) intégrer les produits de la pêche et de l’aquaculture lors de l’adoption de stratégies relatives à la sécurité alimentaire.