Existence d’un risque clair de violation grave par la Hongrie des valeurs sur lesquelles l’Union est fondée

2018/0902R(NLE)

La commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures a adopté le rapport intérimaire de Gwendoline DELBOS‑CORFIELD (Verts/ALE, FR) sur la proposition de décision du Conseil constatant, conformément à l’article 7, paragraphe 1, du traité sur l’Union européenne, l’existence d’un risque clair de violation grave, par la Hongrie, des valeurs sur lesquelles l’Union est fondée.

L’Union dispose d’un ensemble d’outils pour défendre les valeurs communes consacrées à l’article 2 du traité sur l’Union européenne (traité UE) que sont le respect de la dignité humaine, la liberté, la démocratie, l’égalité, l’état de droit et le respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Parmi ces outils, l’article 7 du traité UE habilite le Conseil de l’Union à constater qu’il existe un risque clair de violation grave, par un État membre, des valeurs visées à l’article 2 du traité UE, sur la base d’une proposition motivée d’un tiers des États membres, du Parlement européen ou de la Commission européenne. 

Risque clair de violation grave des valeurs de l’Union

Le présent rapport rappelle que le Parlement européen a recensé douze domaines où il constate l’existence d’un risque clair de violation grave par la Hongrie des valeurs visées à l’article 2 du traité UE:

(1) le fonctionnement du système constitutionnel et électoral,

(2) l’indépendance de la justice ainsi que des autres institutions et les droits des juges,

(3) la corruption et les conflits d’intérêts,

(4) la protection des données et de la vie privée,

(5) la liberté d’expression,

(6) la liberté académique,

(7) la liberté de religion,

(8) la liberté d’association,

(9) le droit à l’égalité de traitement,

(10) les droits des personnes appartenant à des minorités, y compris les Roms et les Juifs, et la protection de ces minorités contre les déclarations haineuses,

(11) les droits fondamentaux des migrants, des demandeurs d’asile et des réfugiés,

(12) les droits économiques et sociaux.

Depuis l’adoption du rapport 2017/2131(INL), la Commission européenne, des organisations internationales telles que les Nations unies, le Conseil de l’Europe et l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), ainsi que des universitaires et des organisations de la société civile, ont mis en lumière des évolutions préoccupantes dans ces douze domaines.

Le Parlement européen a également exprimé à plusieurs reprises ses préoccupations concernant la détérioration rapide de l’état de droit, de la démocratie et des droits fondamentaux en Hongrie, par exemple dans sa résolution du 10 juin 2021 sur la situation de l’état de droit dans l’Union européenne et l’application du règlement (UE, Euratom) 2020/2092 relatif à la conditionnalité, et dans sa résolution du 6 juillet 2021 sur les violations du droit de l’Union et des droits des citoyens LGBTIQ en Hongrie par suite de l’adoption des modifications de la législation au Parlement hongrois.

La commission compétente estime que, pris dans leur ensemble, les faits et les tendances évoqués dans les résolutions du Parlement représentent une menace systémique pour les valeurs de l’article 2 du traité UE et constituent un risque clair de violation grave de ces valeurs. Elle se dit vivement préoccupée par les tentatives systématiques et délibérées du gouvernement hongrois de saper les valeurs fondatrices de l’Union consacrées à l’article 2 du traité UE, soulignant que ces tendances se sont aggravées de manière considérable depuis le déclenchement de la procédure prévue à l’article 7, paragraphe 1, du traité UE.

Inaction de l’UE

Les députés estiment que le gouvernement hongrois est responsable de la remise en conformité avec la législation de l’Union et les valeurs consacrées à l’article 2 du traité UE et regrettent que l’absence d’action décisive de la part de l’Union ait contribué au délitement de la démocratie, de l’état de droit et des droits fondamentaux en Hongrie, faisant du pays un régime hybride d’autocratie électorale.

En outre, les députés déplorent que le Conseil ne soit pas en mesure d’obtenir de véritables avancées dans le cadre de la procédure en cours engagée au titre de l’article 7, paragraphe 1, du traité UE. Ils ont également souligné qu’il n’est pas nécessaire d’obtenir l’unanimité au Conseil pour constater qu’il existe un risque clair de violation grave des valeurs de l’Union ou pour adresser des recommandations concrètes aux États membres concernés et fixer des échéances pour leur mise en œuvre. À ce sujet, le rapport précise que tout retard d'action supplémentaire au titre des dispositions de l'article 7 visant à protéger les valeurs de l'UE en Hongrie constituerait une violation du principe d'État de droit par le Conseil lui-même.

Utiliser tous les outils disponibles et éviter tout détournement des fonds de l'UE

La Commission est appelée à utiliser pleinement les outils disponibles pour faire face à un risque clair de violation grave, par la Hongrie, des valeurs sur lesquelles l’Union est fondée, en particulier les procédures d’infraction accélérées, les demandes en référé devant la Cour de justice et les recours pour non-application des arrêts de la Cour.

Les députés ont invité la Commission à :

- prendre des mesures immédiates au titre de ce règlement sur la conditionnalité liée à l’état de droit en ce qui concerne les violations de l’état de droit, notamment touchant à l’indépendance du système judiciaire;

- s’abstenir approuver le plan de relance hongrois jusqu'à ce que le pays respecte l'ensemble des recommandations du Semestre européen et applique toutes les décisions de justice pertinentes rendues par la Cour de justice de l'UE et la Cour européenne des droits de l'homme;

- exclure des financements tous les programmes de cohésion qui contribuent à l'utilisation abusive des fonds de l'UE ou violent l'État de droit; et

- mettre en œuvre le règlement portant dispositions communes et le règlement financier de façon plus rigoureuse afin de lutter contre tout détournement des fonds de l'UE à des fins politiques.

Le présent rapport donne au Conseil une base claire pour engager la procédure prévue à l’article 7, paragraphe 1, du traité UE, entamer un dialogue au moyen d’auditions régulières et approfondies et envisager d’adresser des recommandations à la Hongrie.