Financement privé responsable du règlement de contentieux
La commission des affaires juridiques a adopté un rapport dinitiative législative dAxel VOS (PPE, DE) contenant des recommandations à la Commission sur le financement privé responsable du règlement de contentieux.
Le financement commercial des contentieux par des tiers (FCT) est une pratique en plein essor par laquelle des investisseurs privés (les «tiers financeurs»), qui ne sont pas parties à un litige, investissent à des fins lucratives dans des procédures judiciaires et sacquittent des dépens et autres frais de justice, en échange dune partie de tout paiement prévu dans la sentence finale. Les cas de recours collectif représentent un type de contentieux dans le cadre desquels le FCT est actuellement utilisé. Dautres exemples sont larbitrage, les procédures dinsolvabilité, le recouvrement dinvestissement, les plaintes en matière de pratiques anticoncurrentielles, etc.
Nécessité de normes minimales communes à léchelle de lUnion
Le FCT est une pratique qui est en train de se transformer en un marché de services de contentieux sans quaucun cadre législatif spécifique ne soit en place à léchelle de lUnion. Daprès le rapport, le FCT pourrait, sil est correctement réglementé, être utilisé plus souvent comme un outil de soutien à laccès à la justice, en particulier dans les pays où les frais de justice sont très élevés ou pour les femmes et les groupes marginalisés qui se heurtent à des obstacles financiers supplémentaires.
Les députés sont convaincus que, pour assurer laccès de tous à la justice et sassurer que les systèmes judiciaires accordent la priorité aux parties lésées, et non aux intérêts dinvestisseurs privés susceptibles de chercher uniquement à exploiter le potentiel commercial des contentieux juridiques, il est nécessaire détablir des normes minimales communes à léchelle de lUnion, qui abordent les principaux aspects du FCT, notamment la transparence, léquité et la proportionnalité. Lobjectif dun tel régime réglementaire serait de réglementer les activités de financement des contentieux par les tiers financeurs.
Proposition de directive européenne
Le rapport invite la Commission à :
- suivre et danalyser de près lévolution du financement des contentieux par des tiers dans les États membres, tant du point de vue du cadre que de la pratique juridiques, en accordant une attention particulière à la mise en uvre de la directive (UE) 2020/1828;
- présenter, à lexpiration du délai dapplication de la directive (UE) 2020/1828, à savoir le 25 juin 2023, et compte tenu des effets de cette directive, une proposition de directive établissant des normes minimales communes au niveau de lUnion concernant le financement commercial des contentieux par des tiers.
Les objectifs de la directive demandée seraient de garantir lharmonisation des règles des États membres applicables aux tiers financeurs et à leurs activités, et donc de permettre laccès à la justice, tout en introduisant des normes minimales communes pour la protection des droits des demandeurs financés et des bénéficiaires visés dans les procédures financées en tout ou partie par des accords de financement par un tiers, qui sappliquent dans tous les États membres dans lesquels le financement des contentieux est autorisé.
Le rapport recommande ce qui suit :
- la mise en place dun système dagrément pour les tiers financeurs, afin de faire en sorte que les demandeurs aient effectivement la possibilité de recourir au FCT et que des garanties adéquates soient en place, y compris par lintroduction dexigences en matière de gouvernance dentreprise et de pouvoirs de contrôle afin de protéger les demandeurs et de garantir que le financement némane que dentités qui sengagent à respecter des normes minimales en matière dindépendance, de transparence, de gouvernance et dadéquation des fonds propres, ainsi quà observer un rapport de confiance vis-à-vis des demandeurs et des bénéficiaires visés;
- les tiers financeurs devraient être tenus de respecter un devoir de diligence fiduciale les obligeant à agir dans le meilleur intérêt dun demandeur;
- les États membres devraient exiger des tiers financeurs quils démontrent quils disposent de fonds propres suffisants pour satisfaire à leurs obligations financières;
- des mesures de protection devraient être adoptées pour prévenir les conflits dintérêts potentiels, définir les droits des demandeurs et exiger la divulgation de détails concernant les relations entre les tiers financeurs et les autres parties impliquées;
- de la même manière que les demandeurs, les tiers financeurs devraient assumer les dépens des défendeurs en cas dissue défavorable dun contentieux, par exemple en raison dune condamnation aux dépens;
- les tiers financeurs ne devraient en aucun cas réclamer des montants injustes, disproportionnés ou déraisonnables aux dépens des demandeurs. Ce nest quen présence de circonstances exceptionnelles que les accords entre les tiers financeurs et les demandeurs devraient sécarter de la règle générale selon laquelle un minimum de 60% du règlement brut ou des dommages et intérêts est versé aux demandeurs;
- dans un souci de transparence, il conviendrait de prévoir lobligation dinformer la juridiction ou lautorité administrative compétente de lexistence dun financement commercial et de lidentité du financeur, ainsi que de divulguer intégralement les accords de financement par un tiers aux tribunaux ou aux autorités administratives, à leur demande ou à la demande du défendeur, et sous réserve des limitations appropriées pour protéger toute confidentialité nécessaire;
- les autorités de contrôle, les tribunaux et les autorités administratives devraient disposer des pouvoirs nécessaires pour faciliter lapplication de la législation. Les députés recommandent la mise en place dun système de traitement des plaintes, qui nentraîne pas de coûts ou de charges administratives excessifs pour les États membres;
- enfin, les autorités de contrôle, les tribunaux et les autorités administratives devraient disposer des pouvoirs nécessaires pour lutter contre les pratiques abusives de tiers financeurs agréés, sans pour autant entraver laccès des demandeurs et des bénéficiaires visés à la justice.