Financement privé responsable du règlement de contentieux

2020/2130(INL)

La commission des affaires juridiques a adopté un rapport d’initiative législative d’Axel VOS (PPE, DE) contenant des recommandations à la Commission sur le financement privé responsable du règlement de contentieux.

Le financement commercial des contentieux par des tiers (FCT) est une pratique en plein essor par laquelle des investisseurs privés (les «tiers financeurs»), qui ne sont pas parties à un litige, investissent à des fins lucratives dans des procédures judiciaires et s’acquittent des dépens et autres frais de justice, en échange d’une partie de tout paiement prévu dans la sentence finale. Les cas de recours collectif représentent un type de contentieux dans le cadre desquels le FCT est actuellement utilisé. D’autres exemples sont l’arbitrage, les procédures d’insolvabilité, le recouvrement d’investissement, les plaintes en matière de pratiques anticoncurrentielles, etc.

Nécessité de normes minimales communes à l’échelle de l’Union

Le FCT est une pratique qui est en train de se transformer en un marché de services de contentieux sans qu’aucun cadre législatif spécifique ne soit en place à l’échelle de l’Union. D’après le rapport, le FCT pourrait, s’il est correctement réglementé, être utilisé plus souvent comme un outil de soutien à l’accès à la justice, en particulier dans les pays où les frais de justice sont très élevés ou pour les femmes et les groupes marginalisés qui se heurtent à des obstacles financiers supplémentaires.

Les députés sont convaincus que, pour assurer l’accès de tous à la justice et s’assurer que les systèmes judiciaires accordent la priorité aux parties lésées, et non aux intérêts d’investisseurs privés susceptibles de chercher uniquement à exploiter le potentiel commercial des contentieux juridiques, il est nécessaire d’établir des normes minimales communes à l’échelle de l’Union, qui abordent les principaux aspects du FCT, notamment la transparence, l’équité et la proportionnalité. L’objectif d’un tel régime réglementaire serait de réglementer les activités de financement des contentieux par les tiers financeurs.

Proposition de directive européenne

Le rapport invite la Commission à :

- suivre et d’analyser de près l’évolution du financement des contentieux par des tiers dans les États membres, tant du point de vue du cadre que de la pratique juridiques, en accordant une attention particulière à la mise en œuvre de la directive (UE) 2020/1828;

- présenter, à l’expiration du délai d’application de la directive (UE) 2020/1828, à savoir le 25 juin 2023, et compte tenu des effets de cette directive, une proposition de directive établissant des normes minimales communes au niveau de l’Union concernant le financement commercial des contentieux par des tiers.

Les objectifs de la directive demandée seraient de garantir l’harmonisation des règles des États membres applicables aux tiers financeurs et à leurs activités, et donc de permettre l’accès à la justice, tout en introduisant des normes minimales communes pour la protection des droits des demandeurs financés et des bénéficiaires visés dans les procédures financées en tout ou partie par des accords de financement par un tiers, qui s’appliquent dans tous les États membres dans lesquels le financement des contentieux est autorisé.

Le rapport recommande ce qui suit :

- la mise en place d’un système d’agrément pour les tiers financeurs, afin de faire en sorte que les demandeurs aient effectivement la possibilité de recourir au FCT et que des garanties adéquates soient en place, y compris par l’introduction d’exigences en matière de gouvernance d’entreprise et de pouvoirs de contrôle afin de protéger les demandeurs et de garantir que le financement n’émane que d’entités qui s’engagent à respecter des normes minimales en matière d’indépendance, de transparence, de gouvernance et d’adéquation des fonds propres, ainsi qu’à observer un rapport de confiance vis-à-vis des demandeurs et des bénéficiaires visés;

- les tiers financeurs devraient être tenus de respecter un devoir de diligence fiduciale les obligeant à agir dans le meilleur intérêt d’un demandeur;

- les États membres devraient exiger des tiers financeurs qu’ils démontrent qu’ils disposent de fonds propres suffisants pour satisfaire à leurs obligations financières;

- des mesures de protection devraient être adoptées pour prévenir les conflits d’intérêts potentiels, définir les droits des demandeurs et exiger la divulgation de détails concernant les relations entre les tiers financeurs et les autres parties impliquées;

- de la même manière que les demandeurs, les tiers financeurs devraient assumer les dépens des défendeurs en cas d’issue défavorable d’un contentieux, par exemple en raison d’une condamnation aux dépens;

- les tiers financeurs ne devraient en aucun cas réclamer des montants injustes, disproportionnés ou déraisonnables aux dépens des demandeurs. Ce n’est qu’en présence de circonstances exceptionnelles que les accords entre les tiers financeurs et les demandeurs devraient s’écarter de la règle générale selon laquelle un minimum de 60% du règlement brut ou des dommages et intérêts est versé aux demandeurs;

- dans un souci de transparence, il conviendrait de prévoir l’obligation d’informer la juridiction ou l’autorité administrative compétente de l’existence d’un financement commercial et de l’identité du financeur, ainsi que de divulguer intégralement les accords de financement par un tiers aux tribunaux ou aux autorités administratives, à leur demande ou à la demande du défendeur, et sous réserve des limitations appropriées pour protéger toute confidentialité nécessaire;

- les autorités de contrôle, les tribunaux et les autorités administratives devraient disposer des pouvoirs nécessaires pour faciliter l’application de la législation. Les députés recommandent la mise en place d’un système de traitement des plaintes, qui n’entraîne pas de coûts ou de charges administratives excessifs pour les États membres;

- enfin, les autorités de contrôle, les tribunaux et les autorités administratives devraient disposer des pouvoirs nécessaires pour lutter contre les pratiques abusives de tiers financeurs agréés, sans pour autant entraver l’accès des demandeurs et des bénéficiaires visés à la justice.