Fiscalité: règles visant à empêcher l'utilisation abusive des entités écrans à des fins fiscales

2021/0434(CNS)

Le Parlement européen a adopté par 637 voix pour, 2 contre et 6 abstentions, suivant une procédure législative spéciale (consultation du Parlement), une résolution législative sur la proposition de directive du Conseil établissant des règles pour empêcher l’utilisation abusive d’entités écrans à des fins fiscales et modifiant la directive 2011/16/UE.

Les députés rappellent que l’utilisation abusive d’entités écrans à des fins fiscales entraîne une diminution des obligations fiscales et une perte de recettes fiscales au sein de l’Union. Ils estiment essentiel que la directive fixe des normes ambitieuses et proportionnées pour la définition d’exigences communes en matière de substance minimale, pour l’amélioration de l’échange d’informations entre les administrations fiscales nationales et pour la dissuasion de l’utilisation d’entités écrans promues par certains intermédiaires.

Le Parlement européen a approuvé la proposition de la Commission sous réserve des amendements suivants :

Identification des entreprises qui ne satisfont pas aux indicateurs de substance minimale

Selon les députés, les États membres devraient exiger des entreprises remplissant les critères cumulatifs suivants qu’elles effectuent une déclaration aux autorités compétentes des États membres :

- plus de 65% des recettes enregistrées par l’entreprise au cours des deux années d'imposition précédentes constituent des revenus pertinents;

- l’entreprise exerce une activité transfrontière pour l’un des motifs suivants: i) plus de 55% de la valeur comptable des actifs de l’entreprise relevant du champ d’application de l’article 4, points e) et f), étaient situés hors de l’État membre de l’entreprise au cours des deux années d’imposition précédentes; ii) plus de 55% des revenus pertinents de l’entreprise sont perçus ou versés au moyen de transactions transfrontières;

- au cours des deux années d'imposition précédentes, l’entreprise a externalisé la gestion des opérations courantes et la prise de décision sur des fonctions importantes à un tiers.

Indicateurs de substance minimale à des fins fiscales

Les entreprises remplissant les critères relatifs aux entreprises déclarantes devraient déclarer dans leur déclaration fiscale annuelle, pour chaque année d'imposition, si elles satisfont aux indicateurs de substance minimale suivants:

- l’entreprise possède ses propres locaux dans l’État membre, dispose de locaux réservés à son usage exclusif ou de locaux qu’elle partage avec des entités du même groupe;

- l’entreprise dispose d’au moins un compte bancaire ou compte de monnaie électronique actif qui lui est propre dans l’Union pour la réception des revenus pertinents;

- un ou plusieurs administrateurs de l’entreprise sont habilités à prendre des décisions en ce qui concerne les activités qui génèrent des revenus pertinents pour l’entreprise ou en ce qui concerne les actifs de l’entreprise;

- la majorité des salariés équivalents temps plein de l’entreprise ont leur résidence habituelle au sens du règlement (CE) 593/2008 dans l’État membre de l’entreprise ou sont à une distance telle dudit État membre qu’elle soit compatible avec le bon exercice de leurs fonctions.

Les entreprises devraient accompagner leur déclaration fiscale de pièces justificatives comprenant :

- une vue d’ensemble de la structure de l’entreprise et des entreprises associées et les éventuels accords d’externalisation significatifs, notamment la justification de la structure, décrits dans le contexte d’un format standardisé;

- un rapport de synthèse des pièces justificatives présentées au titre du présent paragraphe, contenant en particulier: i) une brève description de la nature des activités de l’entreprise; ii) le nombre de salariés employés en équivalent temps plein; iii) le montant du résultat avant et après imposition.

Renversement de la présomption

Les États membres devraient prendre des mesures pour permettre aux entreprises présumées être dépourvues de substance minimale de renverser cette présomption, sans retard indu ni surcoût administratif. À cette fin, les entreprises devraient fournir les preuves supplémentaires suivantes: i) un document permettant de vérifier la justification commerciale de la création de l’entreprise dans l’État membre où l’activité est exercée;  ii) des informations sur les profils des salariés à temps plein, à temps partiel et freelance tout en garantissant des niveaux élevés de protection des données et de la vie privée.

L’État membre devrait étudier une demande de renversement de la présomption dans un délai de neuf mois à compter de la présentation de la demande et celle-ci serait réputée acceptée en l’absence de réponse de l’État membre après expiration de ce délai de neuf mois. Ceci s’appliquerait également aux demandes d’exemption des entreprises.

Lorsqu’un État membre estime qu’une entreprise a renversé de manière satisfaisante une présomption de manque de substance, il devrait pouvoir adopter une décision certifiant que l’entreprise est dotée de substance minimale à des fins fiscales. Cette décision pourrait rester valable jusqu’à 5 ans à compter de la date d’adoption de la décision.

Conséquences fiscales de l’absence de substance minimale

Lorsqu’une entreprise est dépourvue de substance minimale à des fins fiscales dans l’État membre où elle a sa résidence fiscale, cet État membre devrait rejeter toute demande de certificat de résidence fiscale présentée par l’entreprise en vue d’une utilisation en dehors de la juridiction de cet État membre.

Lorsqu’il rejette une demande concernant un tel certificat, l’État membre devrait établir une déclaration officielle qui justifie cette décision et indique que l’entreprise n’a pas droit aux avantages prévus dans les accords et les conventions prévoyant l’élimination de la double imposition en matière d’impôts sur le revenu et, le cas échéant, sur la fortune, ou dans les accords internationaux qui ont un objet ou un effet similaire.

Pénalités

Les députés soulignent que les États membres doivent partager les informations pertinentes auxquelles ils ont accès, mettre en œuvre des systèmes favorisant l’échange desdites informations et, enfin, infliger les sanctions proposées aux entités non conformes.

Les pénalités devraient comporter i) une sanction pécuniaire administrative d’au moins 2% des recettes de l’entreprise au cours de l’année d'imposition concernée, si l’entreprise qui est tenue d’effectuer une déclaration ne respecte pas cette exigence pour une année d'imposition dans le délai prescrit, et ii) une sanction pécuniaire administrative d’au moins 4% des recettes de l’entreprise si l’entreprise fait une fausse déclaration.

Demande de contrôle fiscal conjoint

Lorsque l’autorité compétente d’un État membre a des raisons de croire qu’une entreprise ayant sa résidence fiscale dans un autre État membre n’a pas respecté les obligations qui lui incombent en vertu de la directive, le premier État membre pourrait, en indiquant ces raisons, demander à l’autorité compétente du second État membre de procéder à un contrôle fiscal conjoint de l’entreprise. Si l’autorité compétente requérante n’est pas en mesure de procéder à un contrôle fiscal conjoint pour des raisons d’ordre juridique, l’autorité compétente de l’État membre requis devrait engager un contrôle national dans un délai d’un mois à compter de la date de réception de la demande.

Réexamen

Au plus tard cinq ans après la date de transposition de la directive, la Commission devrait présenter un rapport sur la mise en œuvre et le fonctionnement de la directive. Le cas échéant, le rapport serait assorti d’un réexamen en vue d’accroître l’efficacité de la directive et d’une proposition législative modifiant la directive.

Le rapport devrait évaluer :

- l’impact de la directive sur les recettes fiscales dans les États membres, sur les capacités de l’administration fiscale et, en particulier, la nécessité ou non de modifier la directive;

- s’il serait approprié d’ajouter un indicateur de substance fondé sur le bénéfice avant impôts par salarié et d’étendre aux entreprises financières réglementées l’obligation de déclaration des indicateurs de substance minimale à des fins fiscales et, le cas échéant, de réexaminer l’exemption qui leur est accordée.