Devoir de diligence des entreprises en matière de durabilité

2022/0051(COD)

Le Parlement européen a adopté par 366 voix pour, 225 contre et 38 abstentions, des amendements à la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur le devoir de vigilance des entreprises  en matière de durabilité et modifiant la directive (UE) 2019/1937.

La question a été renvoyée à la commission compétente pour négociations interinstitutionnelles.

Obligations des entreprises

Le Parlement a précisé que la directive devrait établir des règles concernant les obligations des entreprises quant aux incidences négatives réelles et potentielles sur les droits de l’homme et sur l’environnement qu’elles ont causées, auxquelles elles ont contribué ou auxquelles elles sont directement liées, en ce qui concerne leurs propres activités, et celles de leurs filiales.

Les entreprises seraient tenues d'identifier et, le cas échéant, de prévenir, de faire cesser ou d'atténuer l'impact négatif de leurs activités sur les droits humains et l’environnement, tels que le travail des enfants, l’esclavage, l’exploitation par le travail, la pollution, la dégradation de l’environnement et la perte de biodiversité. Elles devraient également contrôler et évaluer l’impact de leurs partenaires commerciaux, non seulement de leurs fournisseurs, mais également des ventes, de la distribution, du transport, du stockage, de la gestion des déchets et d’autres domaines.

Champ d’application

Les nouvelles règles en matière de devoir de vigilance s’appliqueraient aux entreprises établies dans l’UE, quel que soit leur secteur, y compris les services financiers, avec plus de 250 salariés et un chiffre d’affaires mondial supérieur à 40 millions d’euros, ainsi qu’aux sociétés mères comptant plus de 500 salariés et réalisant un chiffre d’affaires mondial supérieur à 150 millions d’euros. Les règles s’appliqueraient également aux entreprises de pays tiers dont le chiffre d’affaires est supérieur à 150 millions d’euros, si au moins 40 millions d’euros ont été réalisés dans l’UE.

Intégration du devoir de vigilance

Les entreprises couvertes par la directive devraient :

- intégrer le devoir de vigilance dans leurs politiques d’entreprise, recenser et, si nécessaire, prioriser, prévenir, atténuer, corriger, supprimer et réduire au minimum les incidences négatives potentielles et réelles sur les droits de l’homme, l’environnement et la bonne gouvernance,

- établir un mécanisme de notification et de traitement extrajudiciaire des plaintes ou y participer,

- contrôler et vérifier l’efficacité des actions engagées conformément aux exigences mises en place dans la directive,

- communiquer publiquement sur leur devoir de vigilance et consulter les parties prenantes concernées tout au long de ce processus.

Les États membres devraient veiller à ce que les entreprises mères puissent accomplir des actions de nature à contribuer à ce que leurs filiales relevant du champ d’application de la directive satisfassent aux obligations qui leur incombent.

Les entreprises devraient appliquer une politique en matière de devoir de vigilance qui est proportionnée et proportionnelle à la probabilité et à la gravité de leurs incidences négatives potentielles et à la gravité de leurs incidences négatives réelles ainsi qu’à leurs circonstances et facteurs de risque particuliers, notamment leur secteur et lieu d’activité, la taille et la longueur de leur chaîne de valeur, la taille de l’entreprise, sa capacité, ses ressources et son levier.

Dans les régions touchées par des conflits et à haut risque, les entreprises devraient faire respecter les obligations qui leur incombent en vertu du droit humanitaire international et faire preuve d’un devoir de vigilance accru et sensible aux conflits dans leurs activités et relations commerciales.

Prévention des incidences négatives potentielles

Les sociétés seraient tenues de prendre les mesures suivantes, selon les besoins:

- envisager d’établir des dispositions contractuelles avec les partenaires avec lesquels l’entreprise entretient une relation commerciale, obligeant ces derniers à respecter le code de conduite de  l’entreprise et, en tant que de besoin, un plan d’action en matière de prévention;

- réaliser les modifications, améliorations, suppressions ou investissements nécessaires en ce qui concerne les activités propres de l’entreprise, par exemple les processus de gestion, de production ou autres processus opérationnels, les installations, les produits et la traçabilité des produits, les projets, les services et les compétences;

- adapter les modèles et stratégies économiques, y compris les pratiques d’achat, dont celles qui contribuent à des salaires et à des revenus décents pour leurs fournisseurs et utiliser des politiques d’achat qui n’encouragent pas les incidences  négatives potentielles sur les droits de l’homme ou l’environnement;

- prendre les mesures appropriées pour faire en sorte que la composition, la conception et la commercialisation d’un produit ou d’un service vendu ou distribué soient conformes au droit de l’Union et n’entraînent pas d’incidences négatives, qu’elles soient individuelles ou collectives. À cet égard, une attention particulière doit être accordée aux incidences négatives potentielles sur les enfants.

Réparation des incidences négatives réelles

Lorsqu’une entreprise a causé une incidence négative réelle, ou y a contribué, elle devrait prendre des mesures pour réparer cette incidence négative et le préjudice éventuel qu’elle a causé aux personnes ou à l’environnement, ou contribuer à cette réparation. Les mesures correctives viseraient à ramener les personnes, les groupes et les communautés lésés et/ou l’environnement à une situation équivalente à celle qui existait avant l’incidence négative, ou aussi proche que possible de cette situation.

Échanges avec les parties prenantes

Les nouvelles règles exigeraient également que les entreprises dialoguent avec les personnes affectées par leurs actions, y compris les défenseurs des droits humains et de l’environnement. Les entreprises seraient également tenues de surveiller régulièrement l’efficacité de leur politique de diligence raisonnable. Afin de faciliter l’accès des investisseurs, des informations relatives à la politique de diligence raisonnable d’une entreprise devraient également être disponibles sur le point d’accès unique européen (ESAP).

Les travailleurs et leurs représentants devraient être informés par leur entreprise de sa politique en matière de devoir de vigilance et de sa mise en œuvre.

Lignes directrices

Afin d’apporter un soutien aux entreprises ou aux autorités des États membres, la Commission, en concertation avec les États membres, les partenaires sociaux interprofessionnels et sectoriels européens et d’autres parties prenantes concernées devrait publier des lignes directrices claires et facilement compréhensibles afin de faciliter le respect des règles dans la pratique. Chaque État membre devrait désigner un ou plusieurs guichets nationaux d’assistance pour le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité.

Lutte contre le changement climatique

Les entreprises devraient mettre en œuvre un plan de transition pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C. Les entreprises de plus de 1.000 salariés en moyenne devraient disposer d’une politique efficace pour s’assurer qu’une partie de chaque rémunération variable destinée aux administrateurs est liée au plan de l’entreprise pour la transition.

Sanctions

Les entreprises qui ne se conforment pas aux règles seraient tenues de verser des dommages et intérêts. Elles pourront être sanctionnées par les autorités nationales de surveillance. Les sanctions comprennent des mesures telles que la dénonciation publique, l’obligation de mettre un terme au comportement constituant une infraction, le retrait des produits d'une entreprise du marché ou des sanctions pécuniaires d’au moins 5% du chiffre d’affaires mondial. Les entreprises non européennes qui ne respectent pas les règles seraient exclues des marchés publics européens.