Ingérence étrangère dans l’ensemble des processus démocratiques de l’Union européenne, y compris la désinformation

2022/2075(INI)

Le Parlement européen a adopté par 469 voix pour, 71 contre et 75 abstentions, une résolution sur l’ingérence étrangère dans l’ensemble des processus démocratiques de l’Union européenne, y compris la désinformation.

Constatant que la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine a mis en évidence les liens existant entre les tentatives étrangères de manipulation de l’information et les menaces qui pèsent sur l’Union et son voisinage immédiat, ainsi que sur la sécurité et la stabilité mondiales, le Parlement a souligné la nécessité de développer l’autonomie stratégique ouverte de l’Union européenne afin de limiter les possibilités d’ingérence par le biais de la dépendance de l’Union dans des secteurs stratégiques comme le l’énergie, le numérique et la santé.

Le Parlement a réitéré son appel en faveur d’une stratégie coordonnée de l’Union contre l’ingérence étrangère, qui devrait inclure des mesures visant à mieux appliquer les dispositions existantes, à créer un point de contact pour les enquêtes et les réponses stratégiques contrant l’ingérence étrangère, et à garantir le financement des activités de renforcement des capacités pour lutter contre la désinformation et soutenir les processus démocratiques.

Selon les députés, une approche axée sur les risques serait l’un des éléments constitutifs d’une approche à plusieurs niveaux qui contribue à l’élaboration des politiques et des contre-mesures contre l’ingérence étrangère en prenant en considération le facteur le plus important pour évaluer l’influence étrangère et réagir, à savoir son pays d’origine. Cette approche devrait inclure un ensemble clair de sanctions potentielles, et remplir donc une fonction de dissuasion pour les transgresseurs. Les critères potentiels pourraient inclure:

- la participation à des activités d’ingérence étrangère,

- un programme de vol de propriété intellectuelle dirigé contre l’Union et ses États membres,

- une législation qui contraint des acteurs nationaux non étatiques à participer à des activités d’espionnage,

- une violation systématique des droits de l’homme,

- une politique révisionniste à l’endroit de l’ordre juridique international en vigueur,

- l’application extraterritoriale d’une idéologie autoritaire.

Les députés estiment que l’Union devrait intensifier sa communication stratégique sur la lutte contre les manipulations de l’information et leur neutralisation, notamment dans les pays du Sud. Ils ont demandé la mise en place d’une structure européenne chargée d’analyser les données statistiques, de coordonner les projets de recherche et de rédiger des rapports afin d’améliorer l’appréciation de la situation et le partage, l’attribution et les contre-mesures en matière de renseignements sur les menaces en ce qui concerne les ingérences étrangères.

Résilience

La résolution a préconisé un effort collectif rassemblant les institutions de l’Union européenne, les États membres, les pays partenaires, la société civile, le monde économique et les médias indépendants pour sensibiliser aux ingérences étrangères et aux moyens de lutter contre celles-ci sur le plan social et institutionnel, et pour investir dans l’éducation sur les questions de désinformation, de manipulation de l’information et d’ingérence étrangère. Les députés ont demandé une nouvelle fois aux États membres d’inclure l’éducation aux médias et au numérique, l’éducation civique, l’histoire européenne commune, le respect des droits fondamentaux, la pensée critique et la promotion de la participation publique dans les programmes scolaires et universitaires.

Le Parlement a recommandé à la Commission d’élaborer un paquet «défense de la démocratie» efficace, en tenant compte de l’expérience et des propositions finales uniques de la Conférence sur l’avenir de l’Europe. Il a également encouragé la Commission à mettre au point un système réglementaire à l’échelle de l’Union pour empêcher les entreprises de médias qui sont sous le contrôle éditorial de gouvernements étrangers ou qui appartiennent à des pays tiers à haut risque d’acquérir des entreprises de médias européennes.

Ingérence qui tire parti des plateformes en ligne

Les États membres et les entreprises technologiques devraient œuvrer ensemble et investir davantage de ressources dans l’élaboration de solutions réglementaires et technologiques à la désinformation basée sur l’IA. Les députés ont déploré que les grandes plateformes, telles que Meta, Google, YouTube, TikTok et Twitter, continuent à ne pas faire assez en matière de lutte active contre la désinformation. Ils ont regretté dans ce contexte que l’Union dépende d’entreprises non européennes pour aider à préserver l’intégrité des élections européennes.

Le Parlement a fait part de l’inquiétude que lui inspirent certains acteurs dont les services contribuent de manière significative à la diffusion de la désinformation, et qui ne sont pas signataires du code de bonnes pratiques contre la désinformation, comme Apple, Amazon, Odysee, Patreon, GoFundMe et Telegram. Il a invité la Commission à encourager les autres acteurs concernés à signer et à se conformer pleinement à ce code.

Infrastructures critiques et secteurs stratégiques

Les députés s’inquiètent de la dépendance de l’Union à l’égard d’acteurs étrangers et de technologies étrangères dans les infrastructures critiques et les chaînes d’approvisionnement et attirent l’attention sur les vulnérabilités engendrées par l’utilisation des investissements étrangers directs comme outil géopolitique. Ils ont invité de nouveau la Commission à élaborer une législation contraignante ambitieuse en matière de sûreté de la chaîne d’approvisionnement des technologies de l’information et de la communication.

Le Parlement constate qu’en dépit de ces mécanismes de filtrage des investissements directs étrangers, des entreprises chinoises telles que Nuctech se sont vu attribuer des marchés ayant pour objet des infrastructures européennes critiques, entraînant des risques pour la sécurité. Il a demandé ainsi au Conseil et à la Commission d’exclure l’utilisation d’équipements et de logiciels provenant de fabricants établis dans des pays à haut risque, notamment la Chine et la Russie, comme TikTok, ByteDance Huawei, ZTE, Kaspersky, NtechLab ou Nuctech.

Les députés considèrent que l’application TikTok, détenue par le conglomérat chinois ByteDance, enfreint le cadre européen de protection des données, et qu’il présente de ce fait un risque potentiel et constitue une source de désinformation soutenue par la Chine. Ils ont recommandé d’interdire TikTok à tous les niveaux des gouvernements nationaux et des institutions européennes.

Ingérences pendant les processus électoraux

Le Parlement a condamné le dangereux phénomène de «désinformation à la carte», dans le cadre duquel les fournisseurs proposent des services de désinformation aux acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux, sur le darknet par exemple, en présentant des listes des services et de tarifs. Il a déploré qu’il ait été fait usage de ce type de service pour porter atteinte à des processus électoraux, entre autres utilisations.

La résolution a souligné l’importance majeure de protéger la sécurité, la résilience et la fiabilité de la sécurité des infrastructures électorales, notamment, entre autres, les systèmes informatiques, les dispositifs et équipements de vote, les réseaux et procédures des bureaux de vote, les bases de données d’inscription des électeurs et les installations de stockage.

Le Parlement s’est félicité du travail accompli par l’Autorité pour les partis politiques européens et les fondations politiques européennes (l’«APPF»), en particulier en ce qui concerne la prévention et la lutte contre les paiements financiers interdits en provenance de pays tiers dans le système politique de l’Union. Il a invité la Commission et les colégislateurs à renforcer la boîte à outils de l’APPF et à permettre la traçabilité effective des dons jusqu’au payeur final.

Financement dissimulé des activités politiques provenant de donateurs étrangers

Le Parlement a redit son inquiétude devant les révélations régulières de financement massif par la Russie de partis, de responsables politiques et d’anciens responsables politiques et fonctionnaires dans un certain nombre de pays démocratiques, afin de s’ingérer et de gagner davantage de poids dans leurs processus internes. Il s’est déclaré préoccupé par les liens que la Russie entretient avec plusieurs partis politiques et responsables politiques dans l’Union et par son ingérence de grande ampleur dans les mouvements sécessionnistes dans les territoires européens et dans l’Union.

Les députés ont salué la proposition de la Commission concernant de nouvelles règles visant à établir une cybersécurité et une sécurité de l’information communes à l’ensemble des institutions, organes et organismes de l’Union. Ils ont réitéré leur appel à imposer des coûts aux auteurs d’ingérence étrangère, au moyen d’une imputation efficace des responsabilités.

Ingérence d’acteurs étrangers

Le Parlement a dénoncé avec la plus grande fermeté les tentatives présumées de pays étrangers, notamment du Qatar et du Maroc, d’influencer des députés, d’anciens députés et des membres du personnel du Parlement européen par des actes de corruption, qui constituent une ingérence étrangère grave dans les processus démocratiques de l’Union. Il a souligné la nécessité d’intensifier les efforts visant à renforcer la transparence et l’intégrité des institutions de l’Union et à lutter contre la corruption, la manipulation, l’influence et les campagnes d’ingérence. Il a invité à nouveau à mettre à jour les règles de transparence et d’éthique, la cartographie des financements étrangers pour le lobbying lié à l’Union, y compris le financement des organisations à but non lucratif, et à mettre en place une réglementation et un contrôle appropriés des groupes d’amitié.