Règlement sur les preuves électroniques:  injonctions européennes de production et de conservation de preuves électroniques en matière pénale

2018/0108(COD)

Le Parlement européen a adopté par 433 voix pour, 157 contre et 34 abstentions, une résolution législative sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux injonctions européennes de production et de conservation de preuves électroniques en matière pénale.

La position du Parlement européen adoptée en première lecture dans le cadre de la procédure législative ordinaire modifie la proposition de la Commission comme suit:

Un cadre européen cohérent pour le traitement des preuves électroniques

Le règlement définit les règles selon lesquelles, dans le cadre de procédures pénales, une autorité d’un État membre peut émettre une injonction européenne de production ou une injonction européenne de conservation et, partant, ordonner à un fournisseur de services proposant des services dans l’Union et établi dans un autre État membre ou, s’il n’y est pas établi, représenté par un représentant légal dans un autre État membre, de produire ou de conserver des preuves électroniques, quelle que soit la localisation des données. Le règlement couvre les catégories de données que sont les données relatives aux abonnés, les données relatives au trafic et les données relatives au contenu.

Dans le cadre des droits de la défense applicables conformément au droit national en matière de procédure pénale, l’émission d’une injonction européenne de production ou d’une injonction européenne de conservation pourra également être demandée par un suspect ou une personne poursuivie ou par un avocat agissant au nom de cette personne.

Le règlement s’appliquera sans préjudice des principes fondamentaux, en particulier la liberté d’expression et d’information, notamment la liberté et le pluralisme des médias, le respect de la vie privée et familiale, la protection des données à caractère personnel, ainsi que le droit à une protection juridictionnelle effective.

Les injonctions européennes de production et les injonctions européennes de conservation ne pourront être émises que dans le cadre de procédures pénales et aux fins de l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté d’au moins quatre mois prononcées, à l’issue de procédures pénales, par une décision qui n’a pas été rendue par défaut, dans les cas où la personne condamnée s’est soustraite à la justice.

Les injonctions européennes de production et les injonctions européennes de conservation seront adressées directement à un établissement désigné ou à un représentant légal du fournisseur de services concerné.

Exécution d’un certificat d’injonction européenne de production (EPOC)

Dès réception d’un EPOC, le destinataire devra agir rapidement pour conserver les données demandées. Le destinataire devra veiller à ce que les données demandées soient transmises directement à l’autorité d’émission ou aux autorités répressives à l’issue d’une période de 10 jours. Dans les cas d’urgence, le destinataire transmettra les données demandées au plus tard dans les huit heures suivant la réception de l’EPOC.

Lorsqu’une notification à l’autorité chargée de la mise en œuvre est requise, l’autorité chargée de la mise en œuvre pourra, si elle décide d’invoquer un motif de refus, notifier à l’autorité d’émission et au destinataire, au plus tard dans les 96 heures suivant la réception de la notification, qu’elle s’oppose à l’utilisation des données. Lorsqu’un motif de refus est invoqué et que les données ont déjà été transmises par le destinataire à l’autorité d’émission, l’autorité d’émission devra effacer les données ou restreindre leur utilisation ou respecter les conditions précisées pour l’utilisation des données par l’autorité chargée de la mise en œuvre.

Exécution d’un certificat d’injonction européenne de conservation (EPOC-PR)

Dès réception d’un EPOC-PR, le destinataire devra conserver les données demandées, sans retard injustifié. L’obligation de conservation des données prendra fin après 60 jours. Au cours de cette période de 60 jours, l’autorité d’émission pourra, au moyen d’un formulaire, prolonger, si nécessaire, la durée de l’obligation de conservation des données d’une période supplémentaire de 30 jours pour permettre l’émission d’une demande de production ultérieure. Lorsque la conservation n’est plus nécessaire, l’autorité d’émission en informera sans retard injustifié le destinataire et l’obligation de conservation fondée sur l’injonction européenne de conservation concernée prendra fin.

Motifs de refus des injonctions européennes de production

L’autorité chargée de la mise en œuvre aura la possibilité, lorsqu’une notification lui est adressée, de refuser une injonction européenne de production pour les motifs suivants :

- les données demandées sont protégées par des immunités ou des privilèges accordés en vertu du droit de l’État chargé de la mise en œuvre qui empêchent l’exécution ou la mise en œuvre de l’injonction;

- les données demandées sont couvertes par des règles relatives à la détermination ou à la limitation de la responsabilité pénale liées à la liberté de la presse ou à la liberté d’expression dans d’autres médias, qui empêchent l’exécution ou la mise en œuvre de l’injonction;

- dans des situations exceptionnelles, il existe des motifs sérieux de croire, sur la base d’éléments précis et objectifs, que l’exécution de l’injonction entraînerait une violation manifeste d’un droit fondamental pertinent énoncé à l’article 6 du traité sur l’Union européenne et dans la Charte;

- l’exécution de l’injonction serait contraire au principe non bis in idem;

- les faits pour lesquels l’injonction a été émise ne constituent pas une infraction au titre du droit de l’État chargé de la mise en œuvre.

Lorsque l’autorité chargée de la mise en œuvre invoque un motif de refus, elle devra en informer le destinataire et l’autorité d’émission.

Les députés ont également veillé à ce que les autorités qui demandent des données sensibles soient, dans la plupart des cas, tenues d'en informer les autorités du pays cible afin de garantir la transparence (telles que les données relatives au trafic, sauf lorsqu'elles ne sont utilisées qu'à des fins d'identification, et les données relatives au contenu).

Information de l’utilisateur et confidentialité

Le texte amendé précise que l’autorité d’émission devra informer, sans retard injustifié, la personne dont les données sont demandées au sujet de la production de données sur la base d’une injonction européenne de production. Toute personne dont les données ont été demandées au moyen d’une injonction européenne de production aura droit à des recours effectifs contre cette injonction.

Sanctions

Sans préjudice de leur droit national prévoyant d’imposer des sanctions pénales, les États membres devront déterminer le régime des sanctions pécuniaires applicables aux violations des dispositions du règlement et prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la mise en œuvre de ces sanctions. Les sanctions pécuniaires prévues doivent être effectives, proportionnées et dissuasives. Les États membres devront veiller à ce que des sanctions pécuniaires allant jusqu’à 2% du chiffre d’affaires annuel mondial total du fournisseur de services pour l’exercice précédent puissent être imposées.

Communication numérique sécurisée et échange de données entre les autorités compétentes et les fournisseurs de services et entre les autorités compétentes

La communication écrite entre les autorités compétentes et les établissements désignés ou les représentants légaux au titre du  règlement, y compris l’échange des formulaires prévus par le règlement et des données demandées dans le cadre d’une injonction européenne de production ou d’une injonction européenne de conservation, s’effectuera au moyen d’un système informatique décentralisé sécurisé et fiable.