Conscience historique européenne

2023/2112(INI)

La commission de la culture et de l'éducation a adopté un rapport d'initiative de Sabine VERHEYEN (PPE, DE) sur la conscience historique européenne.

Aborder le passé de l’Europe comme un risque et une chance à saisir

Le rapport reconnaît que les histoires diverses et souvent conflictuelles des nations et des États européens font de tout effort pour traiter l'histoire au niveau politique une entreprise difficile et potentiellement dangereuse, et que les tentatives visant à réglementer la manière de commémorer et d’interpréter le passé s’avèrent toujours difficiles.

Les députés considèrent qu'une approche responsable, factuelle et critique de l'histoire, axée sur les valeurs européennes communes, est une condition sine qua non pour tout organe politique démocratique, afin de sensibiliser les générations actuelles et futures aux réalisations et aux aberrations du passé, de renforcer un discours public faisant preuve d’esprit critique et de favoriser la compréhension et la réconciliation au sein de groupes sociaux, de nations et d'États particuliers et entre ceux-ci.

La politique du passé dans l'Union européenne

Le rapport souligne la nécessité d'une évaluation honnête de la «politique du passé» de l'UE, par laquelle elle s'est efforcée de donner plus de légitimité au projet européen, de renforcer le sentiment d'appartenance à l'Europe et de favoriser la coexistence pacifique des peuples du continent, en reconnaissant également les réalisations et les lacunes existantes, et en examinant minutieusement les moyens par lesquels les citoyens ont été encouragés à s'engager dans la voie du passé.

Les députés sont préoccupés par le fait qu’il existe toujours une concurrence latente et une incompatibilité partielle entre les différents cadres mémoriels et les différentes cultures mémorielles en Europe, y compris entre l’Europe occidentale et orientale, mais aussi entre les pays et les nations de certaines parties du continent. À cet égard, ils ont souligné nécessité de combler les clivages régionaux et idéologiques existants en matière de conscience historique entre les pays et les peuples européens, en vue de créer un terrain d'entente pour le dialogue ainsi que pour la compréhension et le respect mutuels.

Vers une conscience historique informée en Europe

Le rapport signale qu’une compréhension plus large et plus globale de l’histoire européenne est nécessaire afin de favoriser l’émergence d’une conscience historique européenne (auto)critique, notamment en élargissant la portée des initiatives européennes actuelles en ce qui concerne la mémoire, en tenant dûment compte des groupes qui ont été sous-représentés jusqu'à présent, et en promouvant des méthodes novatrices d'enseignement de l'histoire.

Les députés considèrent que la liberté d'enseigner, d'étudier et de mener des recherches, y compris le libre accès aux archives et aux sources, ainsi que la liberté d'expression artistique, sont des conditions préalables à la production et à la diffusion de connaissances impartiales et fondées sur des faits dans les sociétés démocratiques, et à un traitement critique de l'histoire en particulier.

Soulignant le rôle essentiel de l'éducation, les États membres sont invités à réviser les programmes d’études et les méthodes d’enseignement existants afin de faire passer l’histoire européenne et mondiale avant l’histoire nationale, et de mettre davantage l’accent sur une mémoire historique supranationale, notamment en permettant des interprétations multiples d’une même période historique et d’un même événement et en encourageant les styles d’enseignement correspondants qui privilégient la réflexion et la discussion plutôt que le transfert de connaissances, et qui ont pour objectif général d’amener les étudiants à «apprendre à penser» plutôt que de leur dire «ce qu’ils doivent penser».

Le rapport souligne l'importance de préserver le riche patrimoine culturel et historique de l'Europe ainsi que les lieux de mémoire et encourage les États membres à intensifier leurs efforts pour définir et protéger les lieux de mémoire démocratique, en particulier ceux liés aux groupes sous-représentés.

Préoccupés par l'utilisation de plus en plus abusive des canaux numériques pour la manipulation politique et la circulation de la désinformation, y compris en ce qui concerne l'histoire, les députés ont appelé la Commission et les États membres à intensifier leurs efforts pour renforcer l'éducation aux médias et l'éducation numérique et pour doter les enseignants et les étudiants de compétences et d'outils adéquats facilitant un enseignement de l'histoire fondé sur les faits, et leur permettant d'identifier, de contextualiser et d'analyser les sources historiques traditionnelles ainsi que modernes.

Perspectives : l'héritage du passé et l'avenir de l'UE

Le rapport prône l'idéal d'une «culture de la mémoire» et d'une conscience historique fondées sur des valeurs et des pratiques européennes communes dans l'approche du passé, tout en évitant de niveler ou de simplifier indûment l'histoire.

Enfin, les députés estiment que les mémoires collectives nationales finiront par contribuer à une sphère publique européenne et fusionner dans celle-ci, une sphère dans laquelle les cultures du souvenir nationales se complètent au lieu de s’opposer, et où le traitement de l’histoire devient une question d’action civique et non plus une affaire politique.