OBJECTIF : proposer un mandat européen d'obtention de preuves afin de faciliter la collecte transfrontalière de preuves.
ACTE PROPOSÉ : Décision-cadre du Conseil.
CONTENU : La Commission propose de créer un mandat européen d'obtention de preuves qui appliquera le principe de la reconnaissance mutuelle à l'obtention de certains types d'éléments de preuve en vue de leur utilisation dans le cadre des procédures pénales. Cette proposition s'inscrit dans le cadre des travaux en cours au sein de l'Union afin de mettre en place un Espace européen de liberté, de sécurité et de justice (ELSJ). Elle repose sur le principe de la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires, dont le Conseil de Tampere de 1999 a souhaité qu'il devienne la base de la coopération judiciaire.
L'idée fondamentale de la proposition réside dans le fait qu'une décision émise par une autorité judiciaire d'un État membre sera directement reconnue et exécutée dans un autre État membre.
Par rapport aux procédures d'entraide judiciaire qu'il remplacera le mandat européen d'obtention de preuves permettra d'accélérer les procédures et offrira des garanties claires en matière d'émission et d'exécution.
CHAMP D'APPLICATION : la présente proposition de décision-cadre du Conseil complète la décision-cadre 2003/577/JAI sur les décisions de gel (voir CNS/2001/0803). Le mandat européen d'obtention de preuves constituera un mécanisme unique, rapide et efficace pour recueillir des preuves et les transférer à l'État d'émission. Il ne sera pas nécessaire qu'une décision de gel ait été rendue au préalable.
Elle concerne principalement les objets, documents et données obtenus en exécution de mesures de droit procédural national, comme les injonctions de produire et les ordres de perquisition et de saisie ou des informations figurant déjà dans des dossiers judiciaires ou de police, comme le casier judiciaire.
Toutefois, la proposition ne s'applique pas à la collecte de dépositions de témoins ou de victimes ni à l'interrogatoire de suspects ou de personnes mises en cause. Ces questions feront l'objet d'une proposition séparée.
La proposition ne s'applique pas non plus aux éléments suivants :
- réalisation de prélèvements sur le corps d'une personne, comme la prise d'échantillons d'ADN,
- obtention de preuves en temps réel, comme l'interception de communications et la surveillance de comptes bancaires,
- obtention de preuves nécessitant de mener des enquêtes complémentaires, comme le fait d'ordonner une expertise ou d'entreprendre une comparaison informatisée d'informations (dite "comparaison automatisée") afin d'identifier une personne. L'obtention de ce type d'éléments de preuve d'un autre État membre continuera donc d'être régie par les règles actuelles d'entraide judiciaire. L'intégralité des règles d'entraide judiciaire devrait être remplacée, le moment venu, par des règles communautaires fondées sur le principe de la reconnaissance mutuelle. Cette proposition constitue donc une première étape.
Á noter toutefois que le mandat européen d'obtention de preuves pourrait servir à se procurer des objets, des documents ou desdonnées entrant dans les catégories exclues de son champ d'application, s'ils ont déjà été recueillis à la date d'émission du mandat. Dans ce cas, il serait possible d'obtenir les comptes rendus existants de communications interceptées, de surveillance, d'interrogatoires de suspects et de dépositions de témoins, ainsi que les résultats de tests ADN.
Le mandat européen d'obtention de preuves devrait donc pouvoir être utilisé :
a) pour toute infraction pénale et
b) pour tous les actes punissables selon le droit national de l'État membre d'émission au titre d'infraction aux règlements, lorsque la décision peut donner lieu à un recours devant une juridiction compétente notamment en matière pénale.
- MODALITÉS D'APPLICATION : la proposition adopte la même démarche à l'égard de la reconnaissance mutuelle que la décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen. Le mandat européen d'obtention de preuves se matérialisera par un seul décrit à l'annexe du projet de décision (formulaire A), traduit par l'autorité d'émission dans la langue ou l'une des langues officielles de l'État d'exécution. Aucune traduction ultérieure ne sera nécessaire. Cela permettra au mandat européen d'obtention de preuves d'être immédiatement exécuté.
La démarche adoptée pour le mandat européen permet aussi de surmonter les différences notables existant entre les États membres sur le plan de la procédure pénale. Si le mandat énonce l'objectif à atteindre, l'État d'exécution reste néanmoins libre de déterminer le meilleur moyen d'obtenir les éléments de preuve conformément à son droit interne. On évitera ainsi le problème qui se pose dans un système fondé sur la reconnaissance mutuelle des décisions nationales, certains États membres étant obligés d'exécuter un ordre de perquisition, alors qu'ils auraient normalement recours à un mécanisme moins intrusif.
- GARANTIES : la proposition contient des garanties spécifiques, concernant l'État d'émission et d'exécution.
Dans l'État d'émission, un mandat européen d'obtention de preuves ne pourrait être émis que par un juge, un magistrat instructeur ou un procureur. L'autorité d'émission devrait s'assurer qu'elle serait en mesure de recueillir les objets, documents ou données dans des circonstances analogues s'ils se trouvaient sur le territoire de son propre État membre. De la sorte, le mandat européen d'obtention de preuves ne pourra servir à éluder les garanties nationales entourant la recherche d'éléments de preuve.
Il permettra, par exemple, de veiller à ce que les interdictions frappant, dans l'État d'émission, la collecte d'éléments de preuve protégés par le secret professionnel dans les domaines juridique, médical ou journalistique s'appliquent également lorsque ses autorités judiciaires cherchent à obtenir ce type d'éléments de preuve sur le territoire d'un autre État membre.
Dans l'État d'exécution, il convient d'assurer la protection du droit fondamental de ne pas témoigner contre soi-même et d'offrir des garanties supplémentaires en matière de perquisitions et de saisies.
Dans l'État d'émission et dans l'État d'exécution, un droit de recours effectif est prévu lorsque des mesures coercitives ontété appliquées pour obtenir les preuves.
Les motifs justifiant le refus d'exécuter le mandat européen d'obtention de preuves offrent des garanties supplémentaires.
D'autres garanties sont également prévues: en cas d'application du principe "non bis in idem", l'exécution du mandat européen d'obtention de preuves sera refusée.
-DEMANDES D'EXTRAITS DU CASIER JUDICIAIRE : il est proposé que le projet de décision-cadre remplace l'actuel régime d'entraide judiciaire en matière d'extraits du casier judiciaire. La procédure d'obtention de ces extraits sera la même que pour les preuves documentaires (ou littérales) plus générales demandées dans le cadre du mandat européen d'obtention de preuves. La proposition prévoit donc que le casier judiciaire de toute personne concernée par une procédure, qui est conservé dans un État membre, soit mis à la disposition des autorités judiciaires d'un autre État membre à tous les stades de la procédure (avant le procès et lors de la détermination de la peine et de l'exécution ultérieure de celle-ci).
Les États membres seraient tenus de créer une "autorité centrale du casier judiciaire" qui serait chargée de donner suite aux mandats européens visant à obtenir des extraits du casier judiciaire. Si les seules informations demandées concernent un casier judiciaire, l'autorité d'émission devra envoyer le formulaire, tel que prévu à l'annexe de la proposition, directement à cette autorité centrale. En revanche, lorsque l'autorité d'émission cherche à obtenir toute une série d'objets, de documents ou de données, dont un extrait du casier judiciaire, c'est à l'autorité judiciaire de l'État d'exécution que revient la tâche de coordonner la collecte de ces informations et d'obtenir l'extrait du casier judiciaire auprès de l'autorité centrale. La flexibilité sera donc de mise afin de permettre aux autorités d'émission et d'exécution de déterminer le meilleur mode de coopération possible.
-ADMISSIBILITÉ MUTUELLE DES ÉLÉMENTS DE PREUVE : la proposition vise à favoriser l'admissibilité des preuves obtenues sur le territoire d'un autre État membre:
.l'admissibilité des preuves serait favorisée par certaines garanties procédurales destinées à protéger les droits fondamentaux,
.elle devrait l'être aussi grâce au maintien et à la clarification de l'approche définie à l'article 4 de la convention de l'UE de 2000. Un nouveau principe y est consacré, selon lequel l'État requis assure l'entraide en respectant dans toute la mesure du possible les formalités et procédures expressément indiquées par l'État requérant. L'État requis ne peut refuser de respecter ces exigences que si elles sont contraires à ses principes fondamentaux de droit interne ou s'il est explicitement prévu dans la convention que l'exécution est régie par le droit de l'État requis. Pour quatre formalités spécifiques (points a) à d) de l'article 13) dont le respect peut être exigé par l'autorité d'émission, la présente décision-cadre va plus loin que la convention de l'UE de 2000 en supprimant la possibilité de refuser de s'y conformer,
.il est proposé que le mandat européen d'obtention de preuves nesoit délivré que si l'autorité d'émission s'est assurée que les objets, documents ou données peuvent être recueillis dans des circonstances analogues s'ils se trouvaient sur le territoire de son propre État membre. L'admissibilité ultérieure des objets, des documents ou des données en tant que preuves dans le cadre de la procédure dans l'État d'émission devrait aussi s'en trouver favorisée.
.l'autorité d'exécution devrait immédiatement informer l'autorité d'émission si elle estime que le mandat a été exécuté en infraction avec sa législation nationale. Cette obligation devrait apporter de nouvelles assurances que les éléments de preuve ont été obtenus légalement, et donc favoriser leur admissibilité devant les juridictions de l'État d'émission.
-ENQUÊTES SUR LA CYBERCRIMINALITÉ :
Le mandat européen d'obtention de preuves pourra servir à recueillir des documents et données conservés sur support électronique.
La proposition permet de répondre au problème de compétence qui survient lorsqu'une entreprise stocke des données informatiques relatives à ses clients d'un État membre sur un serveur situé dans un autre État membre. La proposition garantit que les éléments de preuve pourront être obtenus de l'État membre sur le territoire duquel le client se trouvait, sans qu'il soit nécessaire d'obtenir l'accord de l'État membre dans lequel le serveur était installé. L'efficacité des enquêtes transfrontalières s'en trouvera renforcée et la situation juridique sera claire pour les entreprises.
IMPLICATIONS FINANCIERES : la mise en oeuvre de la proposition n'entraînera aucune dépense opérationnelle supplémentaire à la charge des budgets des États membres ou de l'Union.�