Agenda 2000: l'élargissement, position PE sur les avis préalables de la Commission sur les demandes d'adhésion
1997/2183(COS)
AGENDA 2000 - POUR UNE UNION PLUS FORTE ET PLUS LARGE : présentation du
document général de la Commission européenne sur l'élargissement de l'Union
et sur l'impact des adhésions aux plans politique, technique,
institutionnel et financier.
CONTENU : dans ce premier document d'ensemble, la Commission explique la
manière dont elle a examiné les différentes demandes d'adhésion ainsi que
les principaux défis auxquels sera confrontée l'Union élargie. Le document
propose également un premier calendrier indicatif pour l'ouverture des
négociations et une présentation de la stratégie à mettre en oeuvre dans
cet objectif.
1) LES DEMANDES D'ADHESION : l'évaluation des demandes d'adhésion se fait
sur la base des critères définis au Conseil européen de Copenhague (juin
1993). L'adhésion requiert de la part du pays candidat qu'il ait:
-des institutions stables garantissant la démocratie, la primauté du droit
et des droits de l'homme et le respect des minorités,
-une économie de marché viable et la capacité de faire face à la pression
concurrentielle au sein du marché intérieur,
-la capacité d'assumer les obligations de l'Union, notamment en matière
d'UEM.
La Commission a établi des avis sur chaque demande d'adhésion en fondant
son analyse sur ces 3 critères fondamentaux. De 1994 à 1996, 10 pays ont
déposé leur candidature : Bulgarie COS/1997/2179, Estonie COS/1997/2177,
Lettonie COS/1997/2176, Lituanie COS/1997/2178, Pologne COS/1997/2174,
Hongrie COS/1997/2175, République tchèque COS/1997/2180, Slovaquie
COS/1997/2173, Slovénie COS/1997/2181, Roumanie COS/1997/2172. (Pour chacun
de ces pays, veuillez vous reporter à ces références de procédure). Il
ressort de l'analyse de la Commission que même si des progrès restent à
faire dans plusieurs pays candidats pour l'exercice effectif de la
démocratie et le respect des droits de l'homme, un seul candidat ne remplit
pas les conditions politiques : la Slovaquie. Sur le plan économique, la
Hongrie et la Pologne ont des économies de marché viables de même que la
République tchèque et la Slovénie dont les performances économiques sont
légèrement plus faibles. L'Estonie, pour sa part, doit encore faire des
efforts pour répondre au critère économique mais son économie peut être
considérée comme globalement viable. En ce qui concerne le troisième
critère (reprise de l'acquis), les grandes tendances observées dans les
pays candidats montrent que la Hongrie, la Pologne et la République tchèque
devraient être en mesure, à moyen terme, de reprendre l'essentiel de
l'acquis et de mettre en place les structures administratives nécessaires
pour l'appliquer. La Pologne, la Hongrie, la Tchèquie, la Slovénie et
l'Estonie se situent donc en première ligne pour une éventuelle adhésion.
Un rapport d'évaluation sera rédigé en 1998 afin de déterminer les progrès
accomplis par ces pays et les efforts à accomplir en vue de leur adaptation
au grand marché.
2) DEFIS DE L'ELARGISSEMENT : les résultats de l'étude d'impact réalisée
par la Commission démontrent qu'une Union élargie à 25 membres (et 475
millions de personnes) comporte des avantages politiques et économiques
considérables. Cependant, pour réussir cet élargissement il est crucial de
tirer pleinement parti de la période de pré-adhésion, ce qui suppose des
investissements substantiels de la part des candidats dans des domaines
tels que l'environnement, les transports, l'énergie (notamment sûreté
nucléaire), la restructuration industrielle, l'infrastructure agricole et
la société rurale. En outre, des efforts considérables sont nécessaires
pour mettre à niveau les normes sociales et de santé publique. Pour la
Commission, la réussite de tout le processus dépend de la capacité des
candidats à "absorber" l'acquis durant la phase de pré-adhésion. Une
adaptation trop lente pourrait compromettre le caractère unitaire de
l'acquis et fausser le fonctionnement du marché unique. Parallèlement, pour
permettre à l'Union de fonctionner efficacement à 20 ou 25 Etats membres,
il faudra impérativement renforcer les institutions et leur fonctionnement.
C'est pourquoi, la Commission suggère dès à présent de convoquer une
nouvelle CIG aussitôt que possible après 2000 pour accomplir une réforme en
profondeur institutions et introduire de façon généralisée le vote à la
majorité qualifiée.
3) STRATEGIE DE L'ELARGISSEMENT : le succès de l'élargissement repose sur
un double principe : -l'application intégrale de l'acquis communautaire à
la date de l'adhésion, moyennant des périodes de transition définies et
raisonnables : l'Union doit exclure toute possibilité d'adhésion en tant
qu'Etat membre de second ordre ou assortie de clauses d'exemption ou de
dérogations; -l'application d'une stratégie de pré-adhésion renforcée
poursuivant 2 objectifs majeurs : a) réunir les différentes formes d'aide
de l'Union en les intégrant dans un cadre unique : "les partenariats pour
l'adhésion". Ceux-ci seraient articulés autour d'engagements précis de la
part des candidats dans certains secteurs proritaires (démocratie,
stabilisation macroéconomique, sûreté nucléaire, programme national de
reprise de l'acquis). En outre, ces "partenariats" mobiliseraient tous les
moyens financiers disponibles de la Communauté pour la préparation des
adhérents; b) familiariser les pays candidats avec les politiques et
procédures de l'Union, en leur donnant la possibilité de participer à des
programmes communautaires. En ce qui concerne l'aide pré-adhésion, outre le
programme PHARE (1,5 milliard d'Ecus/an), les pays candidats pourront
compter dès l'an 2000 sur une aide de 500 MECU/an pour le développement
agricole et sur une aide structurelle d'1 milliard d'Ecus pour le
développement des infrastructures de transport et d'environnement.
4) CHYPRE ET LA TURQUIE : en juillet 1993, la Commission avait émis un avis
favorable à l'adhésion de Chypre à la Communauté COS/1997/2171. Si sur le
plan économique, il existe peu d'obstacles à l'entrée de ce pays dans la
Communauté, la Commission déplore, comme en 1993, la persistance du
problème de la division de l'île. Les efforts déployés pour le règlement de
la question chypriote n'ont toujours pas abouti, même si la perspective
d'élections présidentielles en 1998 pourrait éventuellement débloquer le
dossier. Quoi qu'il en soit, les négociations d'adhésion débuteront comme
prévu 6 mois après la conclusion de la CIG avec ou sans les représentants
de la communauté turque de Chypre. L'adoption d'un accord politique
permettrait la conclusion plus rapide des négociations. En l'absence de
progrès dans ce sens, les négociations seraient menées avec le gouvernement
de de Chypre, seule autorité reconnue par le droit international. Quant à
la question de l'adhésion de la Turquie à l'Union, l'Union douanière créée
en 1995 avec ce pays a permis de renforcer largement les relations avec
l'Union (AVC/1995/0813).
Néanmoins, la dégradation de la situation politique n'a pas permis, jusqu'à
présent, de poursuivre efficacement la coopération financière et le
dialogue politique. En conséquence, la Commission estime que les relations
Union-Turquie doivent être promues par toute une série d'actions
(notamment, sous l'égide de MEDA et de la coopération financière)
mais n'évoque pas à court terme la possibilité d'une adhésion.
6) RECOMMANDATIONS FINALES AU CONSEIL : au vu des différentes analyses, la
Commission recommande au Conseil :
-l'ouverture des négociations avec les pays d'Europe centrale et orientale
suivants : Hongrie, Pologne, Estonie, République tchèque et Slovénie, en
soulignant néanmoins que la décision d'engager simultanément des
négociations avec ces pays n'implique pas que les négociations aboutiront
en même temps ;
-le renforcement de la stratégie de pré-adhésion ;
-la mise en place d'un forum multilatéral de coopération, sous la forme
d'une Conférence européenne;
-l'ouverture des négociations avec Chypre, six mois après la fin de la
Conférence Intergouvernementale (dans le courant 1998).
AGENDA 2000 : LES DEFIS DE L'ELARGISSEMENT:
Dans le volume 2 du COM(97)2000, la Commission européenne analyse en
profondeur les défis auxquels sera confrontée une Union passant de 15 à 21,
puis 26 membres. La première conclusion d'ensemble de ce document est que
l'impact de l'élargissement sur l'Union et ses politiques et l'ampleur des
problèmes qui pourraient résulter de cet élargissement dépendront dans une
très large mesure de la préparation des pays candidats au cours de la
période de pré-adhésion. Pour la Commission européenne, l'unique démarche
réaliste semble être l'adaptation progressive. A cet effet, une stratégie
générale a été définie pour aider ces pays à se préparer à l'adhésion. Cette
stratégie de pré-adhésion repose sur 3 élements de base applicables à
l'ensemble des candidats : les Accords européens, le dialogue structuré, le
programme PHARE. Cette stratégie serait renforcée, quelle que soit la
situation particulière des candidats et viserait à :
-rassembler dans un cadre unique mais adapté à chaque candidat l'ensemble
des moyens et formes d'assistance disponibles pour faciliter la reprise de
l'acquis communautaire,
-étendre la participation des pays candidats aux programmes communautaires
et aux mécanismes d'application de l'acquis.
Parallèlement, la Commission tente d'évaluer les effets de l'élargissement
en termes d'avantages économiques, politiques, etc. sur les politiques de
l'Union. Il ressort de cette analyse que les avantages pour l'Union sont
multiples :
-en termes économiques, tout progrès de l'intégration se traduit par un
renforcement de la confiance dans le marché intérieur, bénéficiant
directement aux opérateurs économiques et aux citoyens;
-en termes politiques, l'élargissement représente un investissement pour la
paix, la stabilité et la prospérité des peuples de l'Europe.
A l'autre extrême, la Commission met le doigt sur les tensions sectorielles
et régionales générées par l'élargissement : tant pour les nouveaux
adhérents que pour les Etats membres, lestensions liées à l'ajustement
pèseront sur les politiques communautaires et auront un impact au plan
budgétaire. Un financement communautaire s'avèrera nécessaire pour atténuer
les problèmes sociaux et les déséquilibres régionaux, pour moderniser les
infrastructures de base et mettre en oeuvre une restructuration
industrielle et rurale tant dans les pays membres que dans les nouveaux
adhérents. La toute première étape à mettre en oeuvre consistera à
appliquer les règles appropriées du Traité, notamment en matière de libre
circulation des capitaux et de concurrence afin de réduire les tensions
auxquelles seront soumis les nouveaux Etats membres.
En ce qui concerne les implications budgétaires et financières directes,
les conséquences sont importantes. Toutefois, sous certaines conditions,
le financement de l'élargissement peut être réalisé sans modifier le
plafond de ressources propres, exprimé en pourcentage du PIB de l'Union. En
maintenant un plafond inchangé (et compte tenu de la capacité contributive
limitée des nouveaux adhérents), les ressources financières disponibles
pour les Etats membres actuels après l'élargissement ne pourront que
progresser à un rythme inférieur à celui du PIB de l'Union.
Sur le plan sectoriel, les conséquences peuvent être résumées comme suit:
-secteur agricole : l'extension aux nouveaux Etats de la PAC sous sa forme
actuelle entraînerait un surcoût annuel important. Cependant dans
l'hypothèse où ces Etats ne bénéficieraient pas d'aides compensatoires
pendant une période postérieure à l'adhésion, la ligne agricole devrait
suffire à financer les dépenses supplémentaires induites par
l'élargissement (notamment les mesures d'intervention sur les marchés et
les mesures d'accompagnement) ;
-actions structurelles : il faudra redéployer progressivement les dotations
budgétaires en faveur des nouveaux Etats membres dont le degré de
prospérité reste très inférieur à la moyenne communautaire actuelle. Les
critères utilisés pour le versement des aides devront être totalement
revus. En outre, l'intégration de nouveaux Etats membres au système des
aides structurelles devrait s'effectuer de manière progressive (en tenant
également compte de leur capacité d'absorption des aides). Enfin, le
montant des aides serait moins important si l'adhésion de tous les
candidats ne se faisait pas simultanément.
En tenant compte de ces diverses hypothèses, les paiements pourraient
s'effectuer dans les limites d'un effort de cohésion global inchangé en
termes relatifs ;
-politiques internes (R&D, éducation et formation, réseaux transeuropéens,
actions sociales, environnement, etc.) : l'élargissement devra concentrer
les efforts sur un nombre limité d'actions afin d'en augmenter l'impact.
Même dans cette hypothèse, les dépenses devraient sensiblement augmenter
(plus que proportionnellement au poids relatif des Etats concernés).
L'élargissement entraînera également des dépenses administratives
supplémentaires pour les institutions (introduction de nouvelles langues,
extension et diversification des tâches, intégration des nouveaux
ressortissants).
En revanche, l'élargissement ne devrait pas impliquer d'augmentation
globale des dépenses consacrées aux actions externes de l'Union. Les
nouveaux Etats membres pourront solliciter des prêts de la BEI, de
l'EURATOM et du Fonds européen d'Investissement dans les mêmes conditions
que les Etats membresactuels.
En ce qui concerne l'adaptation des Etats à l'acquis communautaire, la
Commission estime que celle-ci sera longue et coûteuse. D'importants
investissements devront être réalisés principalement dans les secteurs de
l'environnement, de la santé et de la sécurité au travail, de la sûreté
nucléaire, des stocks de sécurité de produits énergétiques et de la santé
publique. Dans certains secteurs, la modernisation sera extrêmement
importante (industries polluantes, centrales nucléaires, flottes de
transport et de pêche, énergie). Des efforts considérables devront
également être prévus en matière de structures administratives à mettre en
place pour appliquer la législation communautaire relative à la protection
des consommateurs, les soins phytosanitaires et vétérinaires, la
surveillance des frontières extérieures et la fiscalité indirecte.
En d'autres termes, pour la Commission, l'adhésion des nouveaux Etats
membres est subordonnée à l'adoption de l'ensemble de l'acquis
communautaire
: toutes les politiques s'appliqueront à l'Union élargie, sous réserve
d'adaptations ou de dispositions transitoires. Une adoption insuffisante ou
à un rythme trop lent serait susceptible de créer de graves difficultés
après l'adhésion. L'Union devrait tolérer, entre autre, une distinction
permanente entre nouveaux et anciens Etats membres et de leurs citoyens,
des distorsions de concurrence au détriment des agents économiques des pays
qui se conforment à la législation communautaire en vigueur, l'abaissement
du niveau de protection des consommateurs ou de la sécurité des citoyens
ou encore des réactions protectionnistes de la part de certains Etats
membres qui verraient d'un mauvais oeil les distorsions de concurrence
engendrées par la venue de pays plus "faibles". Toutes ces conséquences
pourraient entamer la légitimité de l'Union toute entière.
Pour éviter ces risques la Commission estime que des ajustements et des
recentrages des politiques communautaires seront nécessaires. En outre,
tout devra être fait pour éviter que certaines politiques soient négligées
du fait de l'élargissement (développement, aides aux NEI et à la
Méditerranée, etc.).
En matière de prise de décision, la règle de l'unanimité devra être
impérativement revue afin de ne pas entraver la conduite et le
développement ultérieur des politiques de l'Union (protection des
consommateurs, PESC, justice et affaires intérieures, environnement,
politique sociale, libéralisation de l'énergie). Enfin, une des questions
fondamentales réside dans l'avenir des institutions de l'Union après
l'élargissement, notamment l'impact du doublement des langues officielles.
Les conséquences budgétaires dans ce domaine sont loin d'être négligeables
et il conviendra de s'en préoccuper pour ne pas diluer les énergies.
En conclusion : le principal défi auquel sera confrontée l'Union dans un
proche avenir sera celui de la préparation des futurs Etats membres à
l'adhésion. L'adaptation progressive de ces pays est capitale si l'on veut
limiter les coûts financiers et politiques de l'élargissement. Les efforts
requis au cours de la période de pré-adhésion seront essentiellement
entrepris par les pays candidats, grâce à l'assistance technique de l'Union
dans le cadre de sa stratégie de pré-adhésion. Deux autres élements sont
capitaux pour surmonter les difficultés de l'élargissement:
-la réforme des institutions communautaires,
-l'assentiment et le soutien de l'opinion publique européenne.