Stratégies pour combattre la traite des femmes et des enfants vulnérables à l'exploitation sexuelle
En adoptant par 622 voix pour, 12 contre et 19 abstentions, le rapport d'initiative de Mme Christa PRETS (PSE, AT), le Parlement européen a approuvé le principe d’une approche stratégique en matière de prévention de la traite des femmes et des enfants vulnérables à l'exploitation sexuelle. Si dans l’ensemble la position de la commission au fond a été suivie par le Parlement, de nombreux amendements ont été adoptés en Plénière en vue d’accorder une plus large place à la lutte préventive contre la prostitution et moins aux sanctions elles-mêmes qui restent du ressort des États membres.
Rappelant que de 600.000 à 800.000 personnes sont chaque année victimes de la traite des êtres humains à travers le monde et que, parmi elles, plus de 100.000 femmes en sont victimes dans l'Union elle-même, le Parlement estime que l'un des principaux facteurs qui permet la traite internationale des femmes et des enfants est l'existence de marchés locaux de la prostitution. Il estime, pour sa part, que les principaux trafiquants d'êtres humains viennent des pays du Sud du continent européen et de l'Est, là où la demande des acheteurs est la plus forte.
Le Parlement estime que pour parvenir à une tolérance zéro à l'égard de la traite des êtres humains, l'Union doit se fixer des objectifs visibles et crédibles, comme celui de réduire de moitié le nombre des victimes de la traite au cours des dix prochaines années, même si son objectif final est l’élimination totale de cette forme de criminalité, et ce, dans les meilleurs délais.
Pour lutter contre ce fléau, de multiples recommandations sont formulées :
- il s’agit d’abord d'aborder la prévention de la traite des êtres humains non seulement au moyen d'actions individuelles nationales mais aussi par une démarche multidisciplinaire globale et intégrée au niveau de l'UE et au niveau international ;
- il demande une politique extérieure plus cohérente concernant la traite sachant les liens qui existent entre la traite et la migration, la protection sociale et le développement : dans ce contexte, un effort tout particulier est exigé dans le cadre de la politique européenne de voisinage ou vis-à-vis des futurs adhérents que sont la Bulgarie et la Roumanie. Dans le même ordre d’idées, le Parlement estime que tout dialogue avec les pays tiers devrait inclure cette problématique et si aucun signe ne vient des États concernés, le Conseil devrait prendre les mesures les plus appropriés pour infléchir la politique des pays tiers, en la matière;
- il demande l’instauration d’une base juridique dénuée d'ambiguïté pour combattre toute forme de violence contre les femmes, y compris la traite des femmes, et de prendre des mesures pour rendre intégralement communautaire une politique européenne de lutte contre la traite des êtres humains ainsi que dans les domaines connexes de l'immigration et de l'asile;
- il recommande la mise en place d'une politique commune de l'UE se concentrant sur l'élaboration d'un cadre juridique mais aussi sur des contre-mesures ou la poursuite et la condamnation des auteurs ainsi que la protection et le soutien aux victimes;
- il invite les États membres et la Commission à accorder les crédits nécessaires à partir des programmes disponibles, tels que DAPHNÉ, pour renforcer sa politique;
- attirant l'attention de la Commission et des États membres sur les résultats de l'étude que le Parlement européen a lancée à propos des divers types de législation nationale en matière de prostitution, il souligne que des actions doivent impérativement être menées pour décourager explicitement la demande;
- il invite les États membres à prêter une plus grande attention à la prise en compte de la dimension de genre et à la spécificité des enfants dans les programmes communautaires de coopération au développement ;
- il invite les États membres à revoir leurs politiques en matière de visas afin de prévenir les abus et à assurer une protection contre l'exploitation directement liée aux abus en matière de documents de voyage.
Pour le Parlement, il importe que les États membres s'attaquent sérieusement aux problèmes imputables à la prostitution sur leur territoire. Parmi les suggestions les plus innovantes du Parlement on relèvera notamment une initiative qui viserait à instaurer des lignes d'assistance téléphonique nationales et internationales contre la traite des femmes ainsi que la mise en place d'une ligne d'assistance téléphonique pour les enfants, qui devrait consister en un numéro vert international unique pour les enfants. Une déclaration du Parlement sur les lignes d'assistance téléphonique pour enfants a parallèlement été adoptée en appui à cette initiative en vue de demander à la Commission d’agir en la matière (voir fiche de procédure DCE/2006/2017).
D’autres initiatives sont proposées, d’ordre plus préventives, telles que des campagnes de sensibilisation européennes, la lutte contre la cyber-prostitution et la cyber-pédopornographie, la ratification et l’interprétation commune de tous les instruments internationaux existants en matière de lutte contre la traite des êtres humains, la mise en place de collecte de données fiables et harmonisées sur le phénomène de la traite en Europe. Parmi les campagnes préventives les plus urgentes à mener en la matière, le Parlement met en évidence une campagne spécifique menée au moment de la Coupe du monde en Allemagne. Á la faveur d’un amendement approuvé en Plénière, il demande que des efforts très ciblés soient réalisés à destination des hommes d'affaires car ils peuvent contribuer à résoudre la question de la traite s'ils s'engagent activement dans le processus de prise de conscience et sont encouragés à rendre compte de ce qu'ils voient. Á cet égard, la Plénière a rappelé dans un amendement que la campagne "Business Travellers against human trafficking" (Voyageurs d'affaire contre la traite des êtres humains), lancée au sein du Parlement en novembre 2005, pourrait utilement contribuer à lutter de manière exemplative contre ce fléau.
Le Parlement suggère également la mise en place d’une journée européenne contre la traite avec un logo international contre la traite. Celle-ci devrait coïncider avec la campagne mondiale intitulée "Stop the traffic" prévue le 25 mars 2006.
Des mesures de formation du personnel policier sont également exigées de même que des moyens financiers accrus en matière de répression du trafic humain ainsi que le renforcement de la coopération avec les ONG actives dans ce domaine.
Sur le plan législatif, la Parlement invite les États membres à appliquer et faire respecter la législation en vigueur et à intensifier la poursuite et la répression des trafiquants. Á la faveur d’un amendement approuvé en Plénière, le Parlement demande également aux États membres d'engager des poursuites judiciaires contre les clients qui font sciemment appel aux services de personnes soumises à une prostitution forcée.
Des mesures sont également exigées en vue de poursuivre la lutte contre le blanchiment de l'argent provenant de la traite ainsi qu’en vue de faire appliquer la directive 2004/81/CE relative aux titres de séjour délivrés aux ressortissants de pays tiers qui sont victimes de la traite des êtres humains.
Parmi les autres mesures préventives proposées, on citera des mesures de responsabilisation du secteur hôtelier ainsi que des mesures de réinsertion ciblées vis-à-vis des victimes de la traite. Dans ce contexte, il invite les États membres à prendre des mesures pour protéger les victimes de la traite en signant et en ratifiant la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains ou en instaurant un droit de séjour pour les victimes de la traite des femmes après le procès mené contre des trafiquants (comme l’on fait la Belgique et l'Italie).
Des mesures spécifiques sont réclamées pour les enfants : c’est pourquoi, le Parlement demande une proposition législative portant sur une action européenne de lutte contre la prostitution des enfants et le trafic d'organes et de tissus humains. De leur côté, les États membres sont appelés à mettre en œuvre des programmes d'éducation destinés aux filles et aux garçons, en vue de promouvoir l'égalité des genres.
EUROPOL et EUROJUST doivent également rester mobilisés et il est exigé de la Commission qu’elle présente chaque année un bilan des actions conduites dans les États membre en matière de mise en œuvre de la législation relative à la lutte contre la traite des êtres humains