Politique européenne de voisinage
En adoptant le rapport d’initiative de M. Charles TANNOCK (PPE-DE, UK) sur la politique européenne de voisinage, le Parlement européen se rallie aux principaux points mis en évidence par sa commission au fond et appelle à une politique de voisinage (PEV) résolument axée sur les valeurs fondamentales de l’Union que sont la défense des droits de l’homme, la démocratie, l’état de droit et la prospérité. Sachant que pour la plupart des pays partenaires, l’adhésion est l’objectif ultime du renforcement des relations avec l’Union, le Parlement souligne que la non-adhésion ne devrait pas être considérée comme une « punition » et que toutes les formes de relations bilatérales devraient être utilisées pour promouvoir la coopération et l'intégration européennes. Passant en revue l’ensemble des objectifs de la PEV, le Parlement détaille sa vision de cette politique :
Objectifs des accords européens de voisinage : pour le Parlement, l’adhésion des pays partenaires aux principales valeurs de l’Union constitue un préalable à toute relation avec un pays tiers. Il faut donc asseoir les relations de voisinage sur cette base. Il se dit favorable à l'élargissement de l'Union mais indique que ce processus doit s'accompagner d'une politique de voisinage ambitieuse et flexible pour les pays qui ne peuvent pas encore adhérer à l'Union mais qui s'inspirent de ses valeurs. Dans ce contexte, la PEV ne doit pas être définie une fois pour toutes mais s’adapter aux besoins des pays partenaires et fixer des priorités claires aboutissant à la signature d’accords de voisinage avec les pays qui souhaitent se rapprocher de l’UE. Ces accords devraient :
- favoriser l’accès au marché intérieur,
- renforcer la coopération dans le cadre de la PESC avec des aides financières et techniques adaptées,
- comporter une coopération dans le domaine de la justice et des affaires intérieures incluant une gestion des frontières communes avec les pays concernés,
- comprendre une politique active en matière d’égalité hommes-femmes,
- développer une coopération politique dans tous les domaines d’intérêt communs (dont, l’énergie).
Dans l’attente de la mise en œuvre de ces accords à large spectre, le Parlement suggère que les pays partenaires soient associés à diverses politiques communautaires et notamment à certains de ses programmes dans le domaine de la science, de l’éducation et de la jeunesse. Il suggère également la mise en place d’un fonds européen spécial visant à soutenir les initiatives favorisant la démocratie parlementaire dans les pays voisins.
Sur un plan technique, le Parlement demande que les plans d'action qui visent à appliquer concrètement la PEV dans les pays concernés, constituent des instruments concrets de réalisation des objectifs d'une éventuelle adhésion à l'Union. La PEV devrait être régulièrement évaluée, c’est pourquoi le Parlement propose à la Commission de publier chaque année des rapports de suivi sur chacun des pays concernés, sur lesquels il se prononcerait.
Sur le plan budgétaire, cette politique serait mise en œuvre via le nouvel « instrument européen de voisinage et de partenariat » (IEVP) auquel il faudra associer le Parlement en tant que branche de l’autorité budgétaire. Il demande une mise à disposition rapide de l'aide technique pour les pays voisins qui ont déjà arrêté un programme de réforme et confirme sa détermination à demander une augmentation notable et une réaffectation des ressources pour la PEV, compatibles avec les futures perspectives financières. Il propose même à la Commission de créer une aide financière spéciale pour aider les pays partenaires à se rapprocher du marché intérieur, à l'instar de l'aide prévue pour les pays candidats avant leur adhésion.
Sur le plan géographique, le Parlement estime que la politique de voisinage devrait également toucher les zones suivantes (que ce soit directement ou indirectement) :
- les États insulaires de l'Atlantique voisins de régions périphériques de l'UE limitrophes du continent européen;
- la Russie, en remodelant la stratégie qui est destinée à ce pays sur le canevas de la future politique de voisinage en terme de respect de la démocratie et des droits de l'homme;
- la Belarus, en faisant en sorte que des financements spécifiques touchent ce pays afin de l’aider à réaliser sa transformation.
D’autres mesures sont suggérées pour compléter le cadre prévu : des mesures anti-corruption, l’association des autorités locales et régionales et des organisations de la société civile à la mise en œuvre de la PEV, des actions de sensibilisation et d'information sur l'Union, ses procédures et ses valeurs.
Liens entre pays voisins et coopération régionale : la PEV doit aussi viser à nouer des réseaux de coopération régionale entre pays voisins. C’est pourquoi, le Parlement estime qu'il faudrait créer un instrument sur le modèle de l'Espace économique européen (EEE) qui porterait à la fois sur le marché intérieur mais aussi sur des questions politiques essentielles. Pour le Parlement, il faut renforcer la dimension régionale et sous-régionale de la PEV, mieux définir le rapport existant entre PEV et partenariat euro-méditerranéen et renforcer les interactions avec des organisations internationales compétentes (OSCE, Conseil de l'Europe).
Le Parlement estime que cette coopération devrait être ciblée sur des sujets stratégiques dont l’énergie. Á cet égard, le Parlement estime que la Russie devrait revoir sa politique d’approvisionnement en gaz vis-à-vis de certains pays tiers (ex. : Ukraine) et demande à l'UE de trouver d’autres sources énergétiques pour limiter sa dépendance vis-à-vis de la Russie. Il considère que la politique énergétique constitue un élément essentiel de la PEV car les pays partenaires sont de gros fournisseurs de pétrole et de gaz naturel (Russie et région Caspienne, Moyen-Orient et Afrique du Nord) et de transit de l’énergie. Il attend dès lors une communication sur les aspects énergétiques de la PEV.
En matière d'environnement, le Parlement attend des améliorations rapides dans des domaines clés tels que la qualité/gestion de l'eau, la gestion des déchets et des crues, la pollution de l'air, la lutte contre la désertification.
Sur le plan de l'immigration, le Parlement demande que la politique de voisinage se concentre sur le contrôle de l’immigration légale et illégale dans le cadre d’accords bilatéraux (notamment en matière de réadmission).
Il demande qu’une attention particulière soit accordée à la Norvège, l'Islande et le Liechtenstein en tant que membres de l'EEE/AELE et à la Suisse. Il considère que les liens avec ces pays devraient former la base d’une coopération plus étroite, à l'instar des liens tissés avec Andorre, Monaco, St Marin et le Vatican. Les pays candidats devraient également être impliqués dans la politique de voisinage. Á ce titre, il demande que des efforts soient faits pour ouvrir les frontières entre la Turquie et l'Arménie et que la Roumanie et l'Ukraine devraient résoudre leurs controverses bilatérales.
Il demande encore que l’on renforce la dimension septentrionale de la PEV en intensifiant la coopération avec la Russie, mais aussi avec la région méditerranéenne et le Proche-Orient.
Maghreb (Maroc, Tunisie, Algérie) : vis-à-vis de ces pays, le Parlement demande des réformes résolues dans le domaine de la liberté politique et des droits de l'homme. Il attend de la Commission qu’elle propose un plan d'action pour l'Algérie lorsque le problème du Sahara occidental aura été résolu. Il salue en outre les efforts de rapprochements de la Libye qui pourraient conduire ce pays à son inclusion dans le processus de la PEV;
Moyen-Orient et Mashreq : saluant les efforts de mise en œuvre de la feuille de route et le retrait israélien de la bande de Gaza et de la partie septentrionale de la Cisjordanie, le Parlement réitère son espoir d’un État palestinien démocratique et viable à côté d’un État d'Israël dans des frontières sûres et reconnues. Il invite la Syrie à coopérer activement à la lutte internationale contre le terrorisme et à l'enquête internationale sur l'assassinat de Rafiq Hariri et salue le retrait de l'armée syrienne du Liban.
Europe de l'Est : le Parlement salue la révolution pacifique en Ukraine et demande la mise en place d'une perspective européenne à long terme avec ce pays ainsi qu’avec la Moldova. Il soutient le plan d'action Ferrero-Waldner/Solana vis-à-vis de l’Ukraine et invite l’Union à agir en faveur d’un règlement politique de la question de la Transnistrie. Il attend également une évolution positive en Belarus en soulignant que la démocratisation de ce pays servirait à la fois les intérêts de l'Union et ceux de la Russie.
Caucase du Sud : Le Parlement se félicite que le Conseil européen ait également inclus les pays du Caucase dans la politique de voisinage. Il estime que le conflit du Haut-Karabakh entrave le développement de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan et la mise en œuvre efficace de la PEV dans cette zone. C’est pourquoi, il invite ces deux pays à œuvrer pour la résolution du conflit sur la base du respect des droits des minorités et des principes du droit international. Le Parlement invite parallèlement les autorités azerbaïdjanaises à mettre fin à la démolition des cimetières médiévaux arméniens et des croix sculptées dans la pierre, au sud du Nakhitchevan. Il demande également à la Turquie d’ouvrir ses frontières avec l'Arménie. En ce qui concerne l'Ossétie du Sud, le Parlement se réjouit du plan de paix présenté par la Géorgie dans le cadre de l'OSCE et invite la Commission à assurer le soutien nécessaire à cette proposition. Il prône enfin le recours sans réserve à la PEV en vue de promouvoir la coopération régionale entre pays du Caucase du Sud. Il propose dans ce contexte la mise en place d’un pacte de stabilité de l'Union pour le Caucase du Sud sur le modèle du pacte de stabilité de l'Union pour l'Europe du Sud-Est en associant l'Union (y compris, la Turquie), la Russie, les États-Unis et les Nations unies (le Quartet).