Coopération judiciaire: décision de gel des avoirs ou des preuves. Décision-cadre. Initiative France, Suède et Belgique
2001/0803(CNS)
OBJECTIF : prévoir le principe de reconnaissance mutuelle des décisions nationales de gel de biens ou de preuves.
ACTE LÉGISLATIF : Décision-cadre 2003/577/JAI du Conseil relative à l'exécution dans l'Union européenne des décisions de gel de biens ou d'éléments de preuve.
CONTENU : La décision-cadre, adoptée sur initiative franco-belgo-suédoise, repose sur le principe de la reconnaissance mutuelle et automatique des mesures nationales portant sur le gel des avoirs ou des preuves pour une série d'infractions précisées dans la décision-cadre.
Elle fixe en particulier les règles selon lesquelles un État membre devra reconnaître et exécuter sur son territoire une décision de gel prise par un autre État membre dans le cadre d'une procédure pénale et ce, dans le respect des droits consacrés par la Charte des droits fondamentaux de l'Union.
La décision-cadre, dont le mécanisme s'inspire de celui de l'exequatur simplifiée retenu dans le règlement Bruxelles I adopté en novembre 2000 (reconnaissance mutuelle des mesures d'exécution prises dans les États membres à la suite d'une infraction commise sur le territoire de l'un d'entre eux), propose de limiter au minimum les contrôles préalables à l'exécution d'une décision et d'en garantir l'exécution rapide.
Elle repose sur la confiance entre les autorités judiciaires des États membres et sur leur système juridique ainsi que sur la certitude que les décisions à reconnaître et à exécuter sont prises dans le respect des principes de légalité et de proportionnalité.
-Domaines d'infractions concernés : la décision-cadre s'applique aux décisions de gel en vue soit de l'obtention d'éléments de preuve ou de la confiscation ultérieure des biens.
Sont concernées les infractions majeures suivantes à condition que celles-ci soient définies comme telles dans l'État membre qui demande le gel (État dit d'"émission") et qu'elles soient punies d'au moins 3 ans de prison dans ce même État. Les infractions en cause ne devront donc pas faire l'objet d'un contrôle de double-incrimination :
.participation à une organisation criminelle,
.terrorisme,
.détournement d'avion/de navire et sabotage,
.traite des êtres humains, viol, exploitation sexuelle des enfants et pédopornographie,
.trafic de drogue et d'armes,
.corruption,
.fraude y compris celle portant sur les intérêts financiers UE,
.blanchiment des produits du crime,
.faux-monnayage de l'EUR, falsification de documents administratifs ou de moyens de paiement,
.trafic illicite de biens culturels,
.escroquerie, racket et extorsion de fonds,
.piratage de produits,
.cybercriminalité,
.crimes contre l'environnement,
.aide à l'entrée et au séjour irréguliers,
.homicide volontaire et blessures graves,
.trafic d'organes, de tissus humains ou de substances hormonales,
.enlèvement, séquestration et prise d'otage,
.racisme et xénophobie,
.vol organisé ou avec arme,
.trafic de matières nucléaires et radioactives,
.trafic de voitures volées,
.incendie volontaire,
.crimes relevant de la Cour pénale internationale.
Cette liste pourra être complétée par le Conseil statuant à l'unanimité après consultation du Parlement européen. Pour tous les cas qui ne figureraient pas dans cette liste, l'État d'exécution pourra subordonner sa décision de gel au fait qu'il s'agit bien d'une infraction au regard de cet État, quel que soit sa qualification dans l'État d'émission.
En ce qui concerne la procédure d'exécution des décisions de gel, la décision-cadre fonctionne sur base des principes suivants :
1) procédure d'exécution :
-les décisions de gel doivent être accompagnées d'un certificat les authentifiant et doivent être transmises aux autorités judiciaires compétentes pour leur exécution. Le certificat, dont un modèle type figure à l'annexe de la décision-cadre, donne des indications précises sur les autorités d'émission et d'exécution, sur les personnes qui font l'objet d'une décision de gel, les motifs du gel et le type d'infractions qui motive le gel;
-des dispositions spécifiques sont prévues pour le Royaume-uni et l'Irlande avant la date d'entrée en vigueur de la décision-cadre;
2) reconnaissance et exécution immédiate :
-les décisions de gel devront être reconnues et exécutées dans l'État d'exécution sans autre formalité que celle prévue à la décision-cadre et sans délai (de la même manière que si cette décision de gel avait été prise par l'État d'exécution);
-elles devront être appliquées dans le respect des droits fondamentaux et selon les règles applicables dans l'État d'exécution (y compris en cas de mesures coercitives rendues nécessaires par l'application de la décision de gel),
-l'État d'exécution devra se prononcer dans les 24 heures suivant la réception une demande sur le sort réservé à la décision d'exécution et en aviser l'État d'émission. Il devra prévoir de laisser des traces écrites de l'exécution d'une décision de gel;
3) durée du gel :
-le gel sera maintenu dans l'État d'exécution aussi longtemps que jugé nécessaire pour le traitement définitif d'une demande de transfert du bien ou de l'élément de preuve vers l'État d'émission (des dispositions précises sont prévues à cet effet portant sur le régime ultérieur du bien gelé);
-l'État d'exécution pourra toutefois poser des conditions afin de limiter la durée du gel et envisager de donner mainlevée à une mesure de gel en en informant au préalable l'État d'émission;
4) motifs de non-reconnaissance et de non-exécution :
-le refus d'exécution ne pourra être lié qu'à des causes formelles (certificat manquant ou incomplètement renseigné) ou à des conditions précises touchant à la personne faisant l'objet d'une mesure de gel (immunité, par exemple) ou encore àl'application du principe de "ne bis in idem" ou de non-reconnaissance de l'infraction en cause dans l'État d'exécution (à l'exception des cas d'infractions liées à la fraude à l'impôt ou aux taxes),
-tout refus devra être dûment motivé auprès de l'État d'émission,
-des dispositions sont prévues en vue de reporter une décision de gel dans des cas dûment précisés.
Des dispositions classiques de recours contre la décision de gel, soit dans l'État d'émission ou dans celui d'exécution sont également prévues.
DISPOSITIONS TERRITORIALES : la décision-cadre est applicable à l'enclave de Gibraltar.
ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA DÉCISION-CADRE : 2 août 2003.
MISE EN OEUVRE DANS LES ÉTATS MEMBRES : 2 août 2005. Un an après cette date, le Conseil vérifie que les États membres se sont bien conformés aux dispositions de la décision-cadre.
Á noter que la décision-cadre est sans préjudice de l'application de règles constitutionnelles nationales portant sur le respect de la légalité, de la liberté de presse, d'expression et d'association.�