L'application de la directive 96/71/CE sur le détachement des travailleurs

2006/2038(INI)

OBJECTIF : établir des orientations concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services

CONTENU : L'article 49 du traité CE établit le principe selon lequel les États membres doivent garantir la libre prestation des services à l'intérieur de la Communauté. Cette liberté fondamentale comprend le droit pour un prestataire établi dans un État membre de détacher temporairement des travailleurs dans un autre État membre aux fins d’y prester un service. Il découle de la jurisprudence que la libre prestation de services ne peut être limitée que par des réglementations justifiées et des raisons impérieuses d'intérêt général, et dans le respect des principes de non-discrimination et de proportionnalité.

La directive 96/71/CE précise les règles impératives en vigueur dans le pays d'accueil qui doivent s'appliquer aux travailleurs détachés en établissant un "noyau dur" de conditions de travail et d'emploi et en les rendant obligatoires pour les entreprises détachant des travailleurs dans un État membre autre que celui sur le territoire duquel ces travailleurs travaillent habituellement. La directive a une finalité sociale claire: garantir aux travailleurs détachés le respect par leur employeur, pendant le détachement, de certaines règles protectrices de l'État membre dans lequel ils sont détachés.

À la suite de l'adoption par le Parlement européen, le 16 février 2006, d'une résolution législative sur la proposition de directive relative aux services dans le marché intérieur (directive dite Bolkestein : COD/2004/0001), la Commission a présenté une proposition modifiée dans laquelle n'apparaissent plus les articles 24 et 25 de la proposition initiale, qui contenaient des dispositions spécifiques concernant le détachement de travailleurs. Par ces articles, la Commission proposait de supprimer certaines exigences administratives relatives au détachement des travailleurs. La suppression de ces exigences était accompagnée de mesures visant à renforcer la coopération administrative entre États membres.

La Commission s'est engagée à établir des orientations reflétant l'état actuel du droit communautaire au sujet des procédures administratives traitées dans les articles 24 et 25. La présente communication indique aux États membres la voie à suivre pour se conformer à l'acquis communautaire tel qu'il est interprété par la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes renvoyant à l'article 49 CE et pour atteindre plus efficacement les résultats requis par la directive. Les informations rassemblées par la Commission dans le rapport SEC(2006)439, joint à la communication, montrent que l'accès aux informations, la coopération administrative et le contrôle du respect de la législation peuvent être améliorés considérablement, grâce notamment à la définition et à la diffusion des meilleures pratiques.

Cette communication n'affecte ni les prérogatives de la Commission, telles que prévues par le traité, afin de garantir le respect du droit communautaire par les États membres, ni les règles générales en matière d'exigences relatives aux visas.

Orientations relatives aux mesures de contrôles : dans sa jurisprudence, la Cour a admis que les États membres pouvaient vérifier qu’il n’était pas fait un usage abusif de la libre prestation de services, par exemple en plaçant des travailleurs de pays tiers sur le marché de l’emploi de l’État membre d’accueil. Elle a aussi admis le bien-fondé de mesures de contrôle nécessaires pour vérifier le respect d’exigences elles-mêmes justifiées par des raisons d’intérêt général. Toutefois, la Commission souhaite rappeler que lors des contrôles effectués dans le cadre de la mise en œuvre de la directive, les États membres sont tenus de respecter l'article 49 CE et de s'abstenir de créer ou de maintenir des restrictions injustifiées et disproportionnées à la libre prestation des services à l'intérieur de la Communauté. La Cour a en effet souligné à plusieurs reprises que ces contrôles devaient être aptes, dans le respect de la proportionnalité, à atteindre les objectifs poursuivis sans restreindre cette liberté plus qu’il n’était nécessaire.

Parmi les mesures de contrôle mises en œuvre par certains États membres qui appellent une clarification sur la base de la jurisprudence de la Cour fondée sur l'article 49 CE, les suivantes sont particulièrement importantes :

1)      l'exigence de disposer d'un représentant sur le territoire de l’État membre d’accueil : pour la Commission cette exigence serait disproportionnée par rapport à l’objectif d’assurer le contrôle des conditions d’emploi de ces travailleurs. La désignation d'une personne parmi les travailleurs détachés, par exemple un contremaître, servant de lien entre l'entreprise étrangère et l'autorité de contrôle compétente, devrait être suffisante ;

2)      l'exigence d'obtenir une autorisation auprès des autorités compétentes de l’État membre d’accueil ou d'être enregistré auprès de celles-ci, ou toute autre obligation équivalente : pour la Commission, une réglementation qui subordonnerait le détachement des travailleurs à un contrôle préalable systématique, y compris par le biais d'une exigence d'autorisation ou d'enregistrement au préalable spécifique au détachement, serait disproportionnée ;

3)      l'exigence de faire une déclaration : sur la base de la jurisprudence, la Commission considère que l’État membre d’accueil devrait pouvoir exiger, dans le respect du principe de la proportionnalité, de la part du prestataire de services, une déclaration au plus tard au début des travaux contenant des indications sur les travailleurs détachés, la durée, le lieu et le type de leur service. La déclaration pourrait contenir une mention attestant que les travailleurs des pays tiers détachés sont en situation régulière dans le pays d'établissement du prestataire de services, y compris en ce qui concerne les exigences de visa, et y sont légalement employés ;

4)      l’exigence de tenir et de conserver des documents sociaux sur le territoire du pays d’accueil et/ou dans les conditions applicables sur son territoire : selon la Commission, l’État membre d’accueil, pour pouvoir vérifier le respect des conditions d’emploi établies dans la directive, doit pouvoir exiger, dans le respect du principe de proportionnalité, la tenue sur le lieu de travail, de documents qui y sont, par nature, créés, tels que les "time sheets" ou les documents relatifs aux conditions de santé et de sécurité sur le lieu de travail. L'État membre d'accueil ne peut pas exiger une 2ème série de documents si les informations fournies par les documents exigés par la réglementation de l'État membre d'établissement sont suffisantes dans l'État membre d'accueil ;

5)      mesures applicables aux travailleurs détachés ressortissants des pays tiers : dans ce domaine, la Commission conclue qu’il n’est pas permis à l’État membre d’accueil d’exiger des formalités administratives ou des conditions supplémentaires aux travailleurs détachés originaires de pays tiers quand ceux-ci sont régulièrement employés par un prestataire de services établi dans un autre État membre, sans préjudice du droit de l'État d'accueil de vérifier que ces conditions sont remplies dans l'État membre d'établissement du prestataire de services.

Orientations relatives à l’accès à l'information et à la coopération entre États membres : La directive impose clairement aux États membres de prendre les mesures appropriées pour que les informations concernant les conditions de travail et d'emploi soient généralement accessibles aux prestataires de services étrangers et aux travailleurs. Dans ce domaine, la communication indique que les États membres sont invités à faire des efforts additionnels pour améliorer et rendre plus aisément accessible cette information ainsi que pour s'assurer que leurs bureaux de liaison soient à même de remplir effectivement leurs tâches. Il en va de même en matière de coopération entre États membres ou des efforts sont attendus pour répondre de manière efficace aux demandes d'information et de coopération transfrontalière provenant des autorités compétentes des autres États membres.

Conclusions : selon le document de la Commission, il serait urgent de clarifier les mesures de contrôle auxquelles les États membres peuvent recourir en vertu de l'article 49 CE tel qu'interprété par les arrêts de la Cour, et d'améliorer l'accès à l'information et la coopération administrative. Les États membres devraient agir pour que les orientations contenues dans la présente communication soient suivies d'effets concrets aussi tôt que possible. La Commission adoptera en 2007 un rapport décrivant la situation dans tous les États membres par rapport à l’ensemble des aspects abordés dans la présente communication, de manière à évaluer les progrès accomplis dans ce domaine, et suivra de près la mise en œuvre de la directive. Si, à la suite de cet exercice de suivi, la Commission devait arriver à la conclusion que le respect des dispositions du droit communautaire applicables en l’espèce et/ou la coopération entre États membres n'ont pas connu d'amélioration substantielle, elle prendrait les mesures qui s'imposent pour remédier à cette situation.