Mandat européen d’obtention de preuves visant à recueillir des objets, des documents et des données en vue de leur utilisation dans le cadre de procédures pénales. Décision-cadre

2003/0270(CNS)

Le Conseil a dégagé une orientation générale sur le projet de décision relative au mandat européen d'obtention de preuves qui à créer un dispositif visant à faciliter l'obtention de preuves dans les affaires transfrontières sur la base de principes de reconnaissance mutuelle.

L'accord auquel le Conseil est parvenu repose sur un texte de compromis, présenté par la présidence autrichienne, qui a notamment résolu les deux principales questions restées en suspens, à savoir, la possibilité de refuser un mandat européen d'obtention de preuves pour des motifs liés à la territorialité et la définition des infractions.

Aspects essentiels du projet de décision sur lesquels le Conseil a marqué son accord:

Objet principal du mandat européen d'obtention de preuves : le projet est fondé sur l'idée que le mandat européen d'obtention de preuves sera une décision rendue par une autorité judiciaire dans un État membre et directement reconnue et exécutée par une autorité judiciaire dans un autre État membre. Par rapport aux procédures d'entraide existantes auxquelles il se substituera, le mandat européen d'obtention de preuves présenterait des avantages : accélération des procédures, garanties claires pour l'émission d'un mandat et son exécution ;

Champ d'application et type de procédure concerné : le mandat européen d'obtention de preuves porte sur les objets, documents et données spécifiés requis dans l'État d'émission aux fins d'une procédure pénale ou d'une autre procédure pouvant donner lieu ultérieurement à un recours devant une juridiction pénale.

L'institution du mandat européen d'obtention de preuves se ferait en 2 temps :

-dans un premier temps, le mandat concernerait les preuves qui existent déjà et sont facilement accessibles. La Commission présentera en temps voulu un 2ème instrument qui porterait sur les autres types de preuves. Les dispositions sur lesquelles le Conseil vient de marquer son accord ne s'appliqueraient donc pas aux preuves ci-après qui feront l'objet du 2ème instrument:

  • mener des interrogatoires, prendre des dépositions ou procéder à d'autres types d'auditions de suspects, de témoins, d'experts ou de toute autre personne;
  • procéder à un examen ou prélever du matériel biologique ou des données biométriques directement sur le corps d'une personne, y compris des échantillons d'ADN ou des empreintes digitales;
  • recueillir des informations en temps réel en faisant, par exemple, intercepter les communications, procéder à une surveillance discrète ou surveiller les comptes bancaires;
  • analyser des objets, des documents ou des données existants;
  • obtenir de l'autorité d'exécution des données de communication conservées par les fournisseurs de services de communications électroniques accessibles au public ou un réseau de communications public (ajout du Conseil par rapport à la proposition de la Commission).

En revanche, le texte qui a fait l'objet de l'accord serait applicable aux preuves entrant dans les catégories précitées qui ont été recueillies avant l'émission du mandat. Il serait par exemple possible d'obtenir le procès-verbal d'interrogation d'un suspect précédemment établi par une autorité chargée de l'enquête dans l'État d'exécution dans le cadre d'une enquête antérieure menée par cet État.

Émission et transmission d'un mandat européen d'obtention de preuves : le mandat européen d'obtention de preuves serait constitué d'un seul document traduit par l'autorité d'émission dans une langue officielle de l'État d'exécution. Aucune autre traduction ne serait nécessaire (autrement dit, le mandat européen d'obtention de preuves pourrait être exécuté immédiatement de la même manière qu'une mesure procédurale nationale). Il fixerait l'objectif à atteindre, tout en laissant à l'État d'exécution le soin de décider de la manière la plus appropriée d'obtenir les preuves conformément à son droit national.

Avant de transmettre un mandat européen d'obtention de preuves, l'autorité d'émission devrait déterminer si les objets, les documents ou les données peuvent être obtenus en vertu du droit de l'État d'émission dans le cadre d'une procédure comparable s'ils étaient disponibles sur le territoire de l'État d'émission, même si des mesures de procédure différentes devaient être prises.

Le mandat européen d'obtention de preuves serait transmis à un État membre lorsque l'autorité compétente de l'État d'émission serait fondée à croire que les objets, documents ou données concernés se trouvent sur le territoire du premier ou, dans le cas de données électroniques, seraient directement accessibles selon le droit de l'État d'exécution.

Reconnaissance et exécution du mandat européen d'obtention de preuves : en vertu de l’accord global du Conseil, l'autorité d'exécution reconnaîtrait tout mandat européen d'obtention de preuves transmis conformément aux dispositions prévues par le texte, sans qu'aucune autre formalité ne soit requise, et prendrait les mesures nécessaires pour qu'il soit exécuté, à moins que cette autorité ne décide de se prévaloir de l'un des motifs de non-reconnaissance ou de non-exécution ou de l'un des motifs de report énoncé dans le texte. En principe, toute décision de refus de reconnaissance ou d'exécution devra être prise dès que possible et, au plus tard 30 jours après la réception du mandat européen d'obtention de preuves par l'autorité d'exécution compétente. Sauf s'il existe des motifs de report ou si elle dispose déjà des objets, documents ou données recherchés, l'autorité d'exécution exécuterait, en général, le mandat européen d'obtention de preuves sans tarder et, au plus tard dans les 60 jours après avoir reçu le mandat européen d'obtention de preuves.

Motifs de non-reconnaissance et de non-exécution du mandat européen d'obtention de preuves :

  • Territorialité : la proposition initiale de la Commission ne prévoyait pas de clause de territorialité. Le Conseil a cependant décidé d'inclure cette clause lors de sa session de février 2005. La solution retenue dans le texte de compromis limite le champ d'application de ce motif de refus aux cas où l'infraction considérée a été commise en tout ou en partie sur le territoire de l'État d'exécution, la décision de refuser le mandat devant toutefois être prise à titre exceptionnel et au cas par cas.

Lorsqu'une autorité compétente envisage de se prévaloir de la territorialité comme motif de refus d'un mandat européen d'obtention de preuves, elle consultera EUROJUST avant de prendre sa décision. Si l'autorité compétente ne souscrit pas à l'avis d'EUROJUST, les États membres veilleront à ce qu'elle motive sa décision et à ce que le Conseil en soit informé.

  • Double incrimination : en ce qui concerne la définition des infractions, la proposition prévoit que, pour 32 catégories d'infractions, l'État d'exécution ne peut invoquer la double incrimination pour refuser d'exécuter un mandat européen d'obtention de preuves si l'infraction en question est punie dans l'État d'émission d'une peine d'emprisonnement d'au moins 3 ans. Cette approche est conforme à celle adoptée pour des instruments antérieurs tels que ceux concernant le mandat d'arrêt européen, les décisions de gel, les sanctions financières ou le projet de texte relatif aux décisions de confiscation.

Toutefois, l'Allemagne pourrait, au moyen d'une déclaration, se réserver le droit de subordonner l'exécution d'un mandat européen d'obtention de preuves au contrôle de la double incrimination dans les cas qui concernent le terrorisme, la cybercriminalité, le racisme et la xénophobie, le sabotage, le racket, l'extorsion de fonds et l'escroquerie, s'il est nécessaire d'opérer une perquisition ou une saisie pour exécuter le mandat, à moins que l'autorité d'émission ait déclaré qu'en vertu du droit de l'État d'émission, l'infraction concernée répond aux critères décrits dans la déclaration.

Les dispositions relatives à la territorialité et à la possibilité dont dispose l'Allemagne de déroger à la définition des infractions seront réexaminées par le Conseil au plus tard 5 ans après l'entrée en vigueur de la décision-cadre.

Les instances préparatoires du Conseil mettront au point le formulaire requis de mandat européen d'obtention de preuves ainsi que les considérants de l'acte afin que celui-ci soit adopté dès que possible.