En adoptant par 472 voix pour, 24 contre et 30 abstentions, le rapport d’initiative de Mme Marie-Arlette CARLOTTI (PSE, FR) sur le développement et la migration, le Parlement européen se rallie très largement à la position de sa commission au fond et se dit convaincu que l’Union doit jouer un rôle majeur pour faire des migrations un levier du développement. La politique européenne de migration et de développement doit prioritairement s’inspirer des principes de solidarité vis-à-vis des pays tiers et de co-développement afin d’éradiquer la pauvreté. Le Parlement appelle notamment les États membres à ne pas considérer la question des migrations comme un prolongement de leurs politiques migratoires internes et restrictives mais comme un objectif de développement solidaire.
Le Parlement défend le principe d’une vision commune du phénomène de l’immigration afin d’obtenir une réponse efficace aux problèmes actuels. Il souhaite notamment l’intégration de cette politique dans les politiques extérieures de l’Union.
Le Parlement souligne que la politique migratoire de l'Union repose sur une double illusion : celle qu’il est possible de rendre les frontières étanches et celle que les migrations s'expliquent par la seule pauvreté. C’est la raison pour laquelle le Parlement préconise une nouvelle approche reposant sur des outils innovants afin de reconnaître et de promouvoir le rôle des migrants dans la lutte contre la pauvreté et pour le développement. Il faut passer d'une logique "plus de développement pour moins de migration" à "une meilleure gestion de la migration pour plus de développement". Cette approche devrait tout particulièrement être concentrée sur l'Afrique et sur les migrations Sud-Sud. Elle doit conjuguer l’accueil fondé sur le respect des droits de l’homme et des initiatives concrètes destinées au développement.
L'Union doit tout d’abord respecter les engagements politiques pris en 2005 en matière d'aide au développement (0,7% PNB d'ici 2015, doubler l'aide à l'Afrique d'ici 2010). Dans ce contexte 2 objectifs doivent être poursuivis intégrer la question des migrations et leur impact dans les Objectifs de Développement du Millénaire (ODM); placer la question des migrations au cœur du partenariat ACP-UE.
Pour faire des migrations un réel levier du développement, le Parlement préconise l’utilisation de 2 instruments prioritaires :
- un fonds spécifique doté d'une gestion suffisamment souple et réactive pour financer des actions de co-développement. L'UE dispose aujourd'hui du programme AENEAS. Mais ce programme de gestion des flux migratoires, comme celui qui lui succédera en 2007, doit être réellement mis au service d'une stratégie de renforcement de la contribution des migrations au développement, en particulier par le financement de microprojets de co-développement ;
- un 2ème fonds destiné à assurer la pérennité des microprojets de migrants et maximiser leur impact sur le développement. Dans tous les dispositifs actuels, ce fonds de garantie est l’instrument qui manque pour permettre aux micro-entrepreneurs de développer leur activité et créer des PME.
Des actions devraient également être envisagées pour améliorer les transferts de fonds vers les pays d’origine des migrants en toute régularité et transparence. Une proposition de la Commission est attendue dans ce contexte.
Les migrants au service du développement du pays d'origine : l’Union doit agir là où sont les migrants et sur les lieux où commence la migration. Il faut développer des actions et des programmes d'information dans les "pôles migratoires" identifiés, en particulier pour les populations les plus vulnérables (femmes, mineurs isolés). L’action de l’UE doit aussi cibler les principales zones de départ des migrants pour y financer l'installation d'infrastructures (eau potable, école, routes, centre de santé....). Dans ces zones d'extrême pauvreté, il faut s'appuyer sur les femmes dont le rôle spécifique doit être mieux pris en compte dans les politiques de l’UE. C'est pourquoi, l'Union doit mettre en place des politiques innovantes, telles que :
- la prise en charge du différentiel de salaire pour certains migrants qui souhaitent rentrer dans leur pays ou des systèmes de "double chaire" pour les chercheurs ou les médecins, dans le cadre de partenariats institutionnels entre instituts de recherche, hôpitaux ou universités ;
- le développement des migrations « circulaires » ou « pendulaires », en mettant en œuvre, en concertation avec les pays d'origine, des politiques de migration et de retour temporaires et en généralisant le transfert des prestations sociales, notamment celui des retraites. De telles mesures doivent permettre de remplacer la "fuite des cerveaux" par la "circulation des cerveaux" ;
- la mise en place d’actions d’envergure en matière de formation : dans ce contexte, le Parlement demande une fois de plus que 20% de l’aide publique du Nord et 20% des budgets nationaux du Sud soient consacrés aux services sociaux de base (« objectif 20/20 »).
Pour contrecarrer le phénomène de la fuite des cerveaux, le Parlement demande l’instauration d’un code de conduite des États membres visant à favoriser le retour des personnels formés ainsi qu’une approche globale favorisant l’échange des compétences. Dans ce contexte, des efforts constants doivent être faits pour favoriser la reconnaissance des qualifications des migrants en vue de favoriser leur intégration.
Parmi les nombreuses mesures suggérées par le Parlement, figure notamment la demande d’un statut autonome et d’un permis de travail pour le conjoint et les enfants du détenteur du statut juridique principal, une fois qu'une demande de regroupement familial est acceptée, en vue d’assurer une protection juridique complète et de faciliter leur intégration sociale. De manière plus générale, le Parlement demande à l'Union et aux États membres d'agir pour rapprocher les statuts des étrangers installés en toute légalité dans l'Union européenne de ceux des nationaux des États membres et de leur conférer le maximum de sécurité juridique pour avancer vers l'objectif de mise en œuvre d'une citoyenneté européenne ouverte aux extracommunautaires. Un statut équitable pour les travailleurs saisonniers est également réclamé.
Des efforts sont demandés pour favoriser en priorité l’intégration des femmes et de leur émancipation sociale et pour lutter contre les MST grâce à l’éducation. Globalement, le Parlement estime que ces dernières ne sont pas pleinement prises en compte dans la stratégie de la Commission. Des actions destinées aux jeunes (échanges de jeunes, etc…) sont également préconisées.
Le Parlement estime que tous les États membres devraient ratifier la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée et les protocoles s'y rapportant.
Pour ce qui concerne plus spécifiquement les réfugiés, la Commission est invitée à développer des projets en partenariat avec le HCR et les pays ou organisations régionales concernés pour des opérations de rapatriement volontaire. Il estime également qu’il faut rapidement clarifier la notion de « réfugié politique, économique et environnemental » et lutter énergiquement contre les filières de traite des êtres humains, politique qui doit constituer une priorité absolue de l’Union.
Enfin, le Parlement suggère aux États membres d'envisager la nomination d'un "interlocuteur privilégié" (ombudsman) au niveau national ou local pour traiter les demandes et les plaintes des immigrants sur leurs conditions de travail, leur sécurité juridique ou leur traitement discriminatoire.