L'application de la directive 96/71/CE sur le détachement des travailleurs

2006/2038(INI)

En adoptant par 295 voix pour, 72 contre et 20 abstentions le rapport d'initiative d'Elisabeth SCHROEDTER (Verts/ALE, DE), le Parlement européen appuie dans ses grandes lignes l’avis de sa commission au fond et souligne que les difficultés que soulève l'application de la directive sur le détachement de travailleurs sont liées en partie à son défaut de transposition par tous les États membres. Il attend donc de la Commission qu’elle engage des procédures d'infraction contre tous ceux qui refusent de l’appliquer dans son intégralité et qu’il soit tenu informé de la suite réservée aux procédures d’infraction.

Il indique également que la difficulté de mise en œuvre de la directive résulte de différences d'interprétation de certains concepts clés, tels que ceux de « travailleur », de « salaire minimum » ou de « sous-traitance ». Mais c’est surtout la difficulté d'accès à l’information, tant pour les travailleurs que pour les petites entreprises qui constitue le principal grief fait à la directive. En effet, par manque d’informations, de nombreux travailleurs n'ont pas conscience des droits que leur confère la directive et les pays d'accueil éprouvent de grandes difficultés à vérifier la conformité des situations avec ce qui est prévu dans la directive en raison du manque d'échange d'informations entre États membres.

Parallèlement, le Parlement se réjouit des orientations proposées par la Commission sur l’application de la directive mais observe que certaines d’entre elles dépassent le cadre établit par la jurisprudence de la Cour de justice. Il faut donc mieux définir les mesures d'inspection dans les États membres.

Le Parlement revient donc sur certaines de ces orientations:

Relations de travail et définition du "travailleur" : pour le Parlement, il est essentiel de régler les problèmes liés à la situation juridique des travailleurs indépendants. Il constate que la pratique des « faux indépendants » couramment employés pour détourner les normes prévues par la directive, constitue un frein à sa bonne application. En réalité, les États membres adaptent leurs définitions de "travailleurs" de manière à pouvoir faire une claire distinction entre les "entrepreneurs" (qui traitent d'affaires économiquement indépendantes en travaillant pour plusieurs entreprises indépendantes) et les "travailleurs" qui travaillent dans une dépendance de fait contre rémunération. Á cet égard, la Cour a formulé des critères permettant de faire une distinction entre "travailleurs" et "indépendants" auxquels les États membres devraient se référer conformément au droit du travail. Le Parlement demande donc à la Commission d'engager le dialogue avec les États membres pour assurer transparence et uniformité dans l'établissement de critères déterminant le statut des travailleurs indépendants.

Parallèlement, le Parlement demande à ce que soit favorisés les échanges entres les services d'inspection du travail afin de pouvoir mener conjointement la traque aux faux indépendants.

En ce qui concerne la question du droit de l'État membre d'accueil d'exiger des documents pour vérifier le respect des conditions d'emploi établies par la directive, le PE estime que ceux-ci ne devraient pas être limités aux seuls relevés des heures de travail. Il faut également se pencher sur les conditions de santé et de sécurité sur le lieu du travail, pourvu que ces exigences restent proportionnées.

Garantie des conditions de travail et d'emploi : le Parlement réaffirme que la directive sur le détachement des travailleurs prévoit des règles impératives minimales de protection de travail et d'emploi et qu'elle ne fait pas obstacle à l'imposition par les États membres de conditions de travail et d'emploi fixées dans des conventions collectives déclarées d'application générale. Il s'oppose donc avec vigueur à toute interprétation limitative de la directive à cet effet. Il importe donc d’appliquer la directive, avec l’appui des syndicats et de tous les partenaires sociaux.

Constatant que, dans les cas où il n'existe pas de conventions collectives spécifiques, ce sont les conditions de travail et d'emploi – notamment l'obligation de versement d'un salaire minimal – fixées par la législation nationale qui priment, le Parlement demande une nette amélioration de l’information des travailleurs sur les salaires auxquels ils peuvent prétendre. Il faut donc clairement améliorer toutes les dispositions de la directive liées à l’information des travailleurs, en créant par exemple un site Internet qui proposerait des liens directs sur les législations nationales en la matière, dans une langue appropriée.

Sur la question du salaire toujours, le Parlement insiste pour le maintien du droit, pour l'État membre d'accueil, de fixer un salaire minimal, même si, globalement, les États membres devraient améliorer l’information mutuelle sur les barèmes appliqués sur leur territoire. D’autres efforts de rapprochement et d’amélioration de la transparence sont demandés entre partenaires sociaux des différents États membres.

Plus techniquement, le Parlement estime que les pouvoirs publics ont une responsabilité claire et doivent apporter une contribution précieuse à la lutte contre la concurrence déloyale en n'attribuant de contrats qu'aux entreprises qui respectent toutes les dispositions en vigueur dans le pays d'accueil. Il estime que les entreprises qui détachent des travailleurs ainsi que les entreprises générales, lorsque des contrats sont confiés à des sous-traitants détachés, doivent être considérées comme conjointement responsables des conditions de vie des travailleurs détachés dans le pays d'accueil.

Globalement, le PE invite les États membres qui ne possèdent pas encore une législation nationale en ce sens, à combler rapidement cette lacune et invite la Commission à proposer un cadre législatif européen régissant la responsabilité conjointe et solidaire pour les entreprises générales ou principales afin de s'attaquer aux abus en matière de sous-traitance transfrontalière. Dans la foulée, il demande que des mesures efficaces soient prises pour protéger les travailleurs qui font état de violations de leurs droits sur leur lieu de travail.

Garantir un contrôle efficace : le Parlement soutient la conclusion de la Commission selon laquelle l'État membre d'accueil doit pouvoir exiger une déclaration préalable de la part du prestataire de services afin de lui permettre de vérifier le respect des conditions d'emploi. Il estime qu'une approche commune du contrôle du respect de la règlementation présente, sur le plan administratif, d'importants avantages par rapport à des contacts bilatéraux entre États membres et invite donc la Commission à coordonner les efforts des États membres pour contrôler le respect des dispositions de la directive. Pour ce faire, il est important de prévoir des sanctions effectives en cas de non-respect. Il faut également améliorer la situation des bureaux de liaison et des autorités de contrôle des États membres afin de leur permettre de répondre de manière efficace aux demandes d'information et de coopération qui leur sont adressées.

Enfin, il attend de la Commission qu’elle adopte, dans les 12 mois, un rapport décrivant la situation dans chaque État membre pour tout ce qu’elle a relevé dans sa communication et à présenter tous les 2 ans au Parlement et au Conseil des données précises sur la transposition de la directive, en mettant l'accent sur les cas de violations de ses principales dispositions.

Á noter que la Plénière a également demandé la présentation d’une proposition de directive sur les conditions requises en ce qui concerne les équipages des navires assurant des services réguliers de passagers et de transport par transbordeur entre les États membres.