Lutte contre l'immigration clandestine: cadre pénal pour la répression des infractions. Décision-cadre. Initiative France
OBJECTIF : présentation d’un rapport de la Commission sur la mise en œuvre de la décision-cadre du Conseil du 28 novembre 2002 visant à renforcer le cadre pénal pour la répression de l'aide à l'entrée, au transit et au séjour irréguliers
CONTENU : conformément à l'article 9, par. 2, de la décision-cadre du Conseil, la Commission est tenue d’établir un rapport écrit sur les mesures adoptées par les États membres pour se conformer aux dispositions de la décision-cadre. La valeur de ce rapport dépend dans une large mesure de la qualité et de la ponctualité des informations nationales reçues par la Commission. Bien que la date limite de transmission du texte des dispositions de mise en œuvre ait été fixée au 5 décembre 2004, le rapport tient compte, dans la mesure du possible, des informations communiquées jusqu’en mars 2006.
Évaluation : pour rappel, la décision-cadre a pour objectif de rapprocher les législations des États membres dans le domaine de la lutte contre l'immigration clandestine afin de renforcer le cadre pénal pour la prévention et la poursuite de l'aide à l'entrée, au transit et au séjour irréguliers. Article par article, l’évaluation de la Commission, donne lieu aux commentaires suivants :
- Article 1er : Sanctions : les États membres sont tenus de prendre les mesures nécessaires pour assurer que les infractions définies dans la décision-cadre fassent l'objet de sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives. Dans ce contexte, la plupart des législations érigent en infraction pénale l'aide à l'entrée, au transit et au séjour irréguliers, à savoir le fait d’aider sciemment soit à pénétrer sur le territoire d'un État membre ou à transiter par le territoire d'un tel État, soit, dans un but lucratif, à séjourner sur le territoire d'un État membre en violation de la législation applicable. La même conclusion peut être tirée en ce qui concerne l’instigation, la participation et la tentative. En revanche, les sanctions prévues continuent de varier considérablement entre les États membres. Elles vont des amendes, pour les sanctions minimales, aux peines d’emprisonnement pouvant atteindre 15 ans, pour les sanctions maximales en cas de circonstances aggravantes. Cette situation n’est toutefois pas contraire à la décision-cadre, puisque celle-ci ne prévoit qu'un rapprochement minimal ;
- Articles 2 et 3: Responsabilité des personnes morales et sanctions à l’encontre de celles-ci : la décision-cadre introduit la notion de responsabilité des personnes morales parallèlement à celle des personnes physiques, obligeant les États membres à faire en sorte qu'une personne morale puisse être tenue pour responsable des infractions visées aux articles 1er et 2 et commises pour leur compte par toute personne exerçant un certain pouvoir de direction en son sein. Dans ce contexte, la législation de la République tchèque, de la Lettonie et de la République slovaque, prévoient que les personnes morales ne puissent être tenues pour responsables d’infractions pénales ;
- Article 4: Compétence : l'article 4 de la décision-cadre énumère les cas dans lesquels les États membres sont tenus d’établir leur compétence pour les infractions visées à l'article 1er. La principale règle est le principe de territorialité, principe selon lequel chaque État membre doit établir sa compétence pour les infractions commises en tout ou en partie sur son territoire ;
- Article 5: Extradition et poursuites : cet article a été en grande partie remplacé par la décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen. L’applicabilité ultérieure de l’article 5 nécessitant une analyse approfondie de la décision-cadre relative au mandat d’arrêt européen, notamment de son article 33, et des problèmes de mise en œuvre qui en découlent, comme l’annulation de la législation de transposition dans un État membre, cette question sera abordée dans le cadre du mandat d’arrêt européen et de son évolution future ;
- Article 6: Droit international relatif aux réfugiés : la Commission n'est pas en mesure de prendre une position définitive sur la mise en œuvre de cette disposition en raison du manque d'informations communiquées par les États membres. La Commission ne dispose toutefois d’aucune indication selon laquelle le droit international relatif aux réfugiés a été enfreint en raison de la mise en œuvre de cette décision-cadre ;
- Article 7: Communication d'informations entre les États membres : les États membres n'ont en général pas transmis d’informations au sujet de la transposition de l'article 7; le Royaume-Uni, la Belgique, la Lettonie et le Danemark constituent des exceptions.
Conclusions : les États membres n’ont pas tous transmis en temps utile à la Commission l’ensemble des textes pertinents de leurs dispositions d'application. À la fin mars 2006, la Commission n'avait reçu aucune information de 5 États membres au sujet de la mise en œuvre de la décision-cadre. Il s’agit de l'Autriche, de Chypre, de la Grèce, du Luxembourg et du Portugal. L'Estonie, Malte, l'Espagne et la Suède n’ont communiqué que des informations préliminaires ou imprécises, qui ne constituent pas une base valable pour une évaluation approfondie. L'évaluation juridique et les conclusions qui en sont tirées reposent donc parfois sur des données incomplètes.
D'une part, l'une des conséquences de la décision-cadre est que, dans la majorité des États membres, il existe des dispositions de droit pénal qui sanctionnent l'aide à l'entrée, au transit et au séjour irréguliers. D'autre part, l’éventail des sanctions prévues semble être très large; on pourrait par conséquent se poser la question de l’opportunité d'un instrument de l'UE visant un niveau plus élevé d'harmonisation. Il semble en outre que les législations pénales de certains États membres (Espagne et Pays-Bas, par exemple) n’établissent pas de distinction claire entre la traite des êtres humains et le trafic illicite de migrants. Les deux décisions-cadres visant à combattre ces formes de criminalité sont fondées sur des définitions différentes, ce qui semble exclure que les mêmes dispositions de droit pénal puissent s’appliquer à ces deux formes de criminalité. Par conséquent, on peut se poser des questions quant à la mise en œuvre et à l'application appropriées de la décision-cadre du Conseil concernée si aucune distinction n’est établie entre la traite des êtres humains et le trafic illicite de migrants.
En outre, la Commission n’a pas été en mesure d'obtenir des statistiques concernant les retombées pratiques de la décision-cadre sur l'immigration clandestine. Dans ce contexte, la Commission procédera en 2006/2007 à une évaluation plus axée sur la pratique du train de mesures relatives aux passeurs, qui consiste en la décision-cadre et en la directive 2002/90/CE, dans la perspective également de transformer ces deux instruments en une directive unique à la suite de l’arrêt de la Cour de justice dans l’affaire C-176/03.
Ces premiers instruments de l'UE visant à lutter contre l’aide illicite à l’entrée et au séjour irréguliers devraient être complétés par des mesures s'attaquant spécifiquement à l'emploi de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, la possibilité de trouver de tels emplois illégaux constituant un important facteur d'attraction pour l'immigration clandestine dans l'UE. Par conséquent, la Commission proposera, au cours du premier semestre 2007, des règles contraignantes relatives aux sanctions à infliger aux employeurs qui emploient des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.