Perspectives pour le marché intérieur du gaz et de l'électricité

2007/2089(INI)

OBJECTIF : tracer les perspectives et définir les objectifs clés à poursuivre pour l'achèvement du marché intérieur du gaz et de l’électricité.

CONTENU : la présente Communication décrit les grands enseignements que la Commission a pu tirer, au cours des sept dernières années, de la mise en place d'un marché européen concurrentiel de l'électricité et du gaz. Cette initiative a rencontré un succès mitigé. La véritable concurrence est inexistante dans un grand nombre d'États membres. Les clients n'ont souvent aucune possibilité réelle d'opter pour un autre fournisseur. Même les clients qui ont réussi à changer de fournisseur sont souvent insatisfaits de la gamme d'offres qu'ils reçoivent. En résumé, les intéressés n'ont pas encore une grande confiance dans le marché intérieur.

Au vu de ces insuffisances, la Commission a mené une enquête tout au long de 2005-2006 pour les secteurs du gaz et de l'électricité, en application des règles de la concurrence. Avec certains résultats positifs, les conclusions de l'enquête sectorielle et des examens par pays ont donné à la Commission un excellent tableau de l'avancement du processus de libéralisation : malgré d'importantes lacunes, la situation a relativement progressé et pourrait apporter de considérables avantages ultérieurs.

La Commission estime qu'il faut maintenant examiner plusieurs options qui visent à encourager une nouvelle percée constituant la dernière étape pour parvenir au fonctionnement intégral des marchés de l'électricité et du gaz au niveau européen :

1) Assurer l'accès non discriminatoire aux réseaux grâce à la dissociation : la dissociation juridique des gestionnaires de réseaux de transport (GRT) a déjà amélioré l'accès de tiers aux réseaux (ATR). En dépit des progrès accomplis depuis 2004, les données provenant à la fois des examens par pays et de l'enquête sectorielle, démontrent que la dissociation juridique et fonctionnelle, telle qu'elle est actuellement requise par la législation, n'est pas suffisante pour garantir le développement d'un véritable marché européen concurrentiel de l'électricité et du gaz.  La Commission estime que seules des dispositions fermes en la matière pourraient inciter les gestionnaires de réseaux à les exploiter et les développer dans l'intérêt de l'ensemble des utilisateurs. Elle envisage donc deux grands axes pour d'autres mesures en matière de dissociation des GRT, pouvant faire l'objet de propositions formelles : Option 1) Dissociation totale (de la propriété) des GRT (le GRT serait à la fois propriétaire des moyens de transport et exploitant du réseau) ; Option 2) Gestionnaires de réseaux distincts sans dissociation de la propriété (cette solution exigerait une séparation entre l'exploitation du réseau et la possession des actifs). La Commission examinera attentivement les deux options, à la fois pour les réseaux d'électricité et pour les réseaux de gaz, en tenant compte des caractéristiques distinctes de chaque secteur. Dans les deux cas, l'objectif consistera à garantir un accès équitable aux réseaux pour toutes les entreprises et à assurer qu'il existe suffisamment de mesures incitant les GRT à fournir les capacités adéquates, au moyen notamment de nouvelles infrastructures.

2) Améliorer la réglementation relative à l'accès aux réseaux au niveau national et communautaire : selon la Commission, les régulateurs du secteur énergétique doivent être renforcés au niveau national et disposer de la latitude nécessaire pour prendre des décisions sur toutes les questions pertinentes. La Commission considère que les régulateurs nécessitent d'importants pouvoirs ex-ante dans les secteurs suivants : i) tous les aspects de l'accès de tiers aux réseaux, ii) l'accès au stockage de gaz, iii) les mécanismes d'équilibrage, iv) la surveillance du marché, par exemple pour les bourses de l'électricité, v) le respect de la dissociation fonctionnelle et comptable pour les gestionnaires de réseaux de distribution, vi) toutes les questions transfrontières, vii) la protection des consommateurs, y compris les contrôles des prix pour l'utilisateur final, viii) la collecte d'informations, ix) les sanctions en cas de non-respect. Elle prévoit donc de proposer de renforcer les directives sur cette base. Il est également essentiel de veiller à ce que les décisions prises au niveau national ne nuisent pas aux aspects les plus critiques pour l'entrée sur le marché et l'évolution vers un marché intérieur communautaire du gaz et de l'électricité. Le renforcement de la coordination des régulateurs au niveau de l'UE est également essentiel. Dans ce contexte, la Commission préconise soit la mise en place d’un réseau européen de régulateurs indépendants (ERGEG), soit la création d'un nouvel organe unique au niveau communautaire chargé notamment d'arrêter des décisions individuelles pour le marché communautaire de l'électricité et du gaz, concernant des questions réglementaires et techniques utiles pour le bon fonctionnement des échanges transfrontaliers.

3) Réduire les possibilités de concurrence déloyale : de nombreux marchés nationaux sont caractérisés par des degrés de concentration élevés et par de sérieuses préoccupations quant à la manipulation des marchés de gros. Les marchés du gaz et de l'électricité sont tous deux exposés au risque de concentration en raison de l'existence de monopoles antérieurs à la libéralisation et compte tenu de leurs caractéristiques naturelles. À court terme, les acteurs du marché ont recensé une série de mesures possibles qui faciliteraient le passage à des marchés du gaz et de l'électricité plus concurrentiels et plus accessible aux autres concurrents. Ces mesures portent sur : a) la transparence, b) les contrats à long terme pour le transport du gaz et les activités en aval et c) l’accès aux installations de stockage du gaz. Sur ce dernier point, un cadre réglementaire spécifique pourrait être nécessaire exigeant les éléments suivants : i) la dissociation juridique, ii) l'adoption d'orientations contraignantes après avis de l'ERGEG, et iii) l'accroissement des compétences des agences de régulation en ce qui concerne le stockage du gaz pour chaque installation.

4) Assurer la coordination entre les gestionnaires des réseaux de transport : le gaz et l'électricité doivent pouvoir circuler librement dans toute l'Union européenne selon des règles techniques compatibles. Le renforcement du degré de coordination des GRT exigerait un nouveau cadre législatif au niveau communautaire. Les associations existantes de GRT se verraient accorder un rôle institutionnel assorti d'obligations et d'objectifs formels. Par exemple, le groupe de GRT pourrait être invité par la Commission ou par les régulateurs, en vue notamment de garantir la sécurité de l'approvisionnement, à rendre compte du fonctionnement du réseau européen ainsi que des investissements et du développement de normes techniques pour la sécurité des réseaux. Il pourrait aussi être chargé notamment de surveiller le développement des réseaux de manière à améliorer les capacités de transport entre les États membres. Il faudrait également s'efforcer d'évoluer progressivement vers des gestionnaires de réseaux régionaux : des gestionnaires de réseaux transfrontaliers seraient établis, avec indépendance des titres de propriété et une dissociation supplémentaire impérative.

5)  Fournir un cadre clair pour les investissements dans les centrales et les infrastructures d'importation et de transport de gaz : la création d'un environnement stable et attrayant pour les investissements doit être une priorité dans la future action au niveau communautaire. À cet égard, il faut également apporter des améliorations au cadre réglementaire pour assurer la cohérence et offrir la sécurité réglementaire. Au-delà de ces considérations, la Commission note que dans le secteur de l'énergie comme dans d'autres secteurs, l'instauration du cadre nécessaire pour accroître les investissements dans la R&D et dans l'innovation devrait constituer une priorité au niveau de l'UE et des États membres. Les tendances des investissements en RDT dans le secteur de l'énergie seront suivies de près.

6) Ménages et clients commerciaux plus petits : à partir de juillet 2007, tous les consommateurs d'électricité et de gaz auront le droit de remplacer leur fournisseur historique par un fournisseur de leur choix. Une série de problèmes en suspens doivent être résolus pour que cette phase finale soit menée à bonne fin. Les examens par pays révèlent que plusieurs États membres ne sont pas très avancés dans leur préparation à l'ouverture complète du marché en 2007, tandis que l'enquête sectorielle confirme également l'existence d'obstacles conséquents au niveau de distribution.

Aucun relevé ne donne un tableau précis des mesures nationales prises par les États membres en matière de réglementation des droits des consommateurs, lors de la transposition des directives sur l'énergie. Les situations sont également très divergentes en ce qui concerne les indemnisations en cas d'interruption de l'approvisionnement (seuls huit États membres ont des systèmes de remboursement) ainsi que les codes de conduite en matière de transparence des prix et de conditions contractuelles. La Commission examinera donc la législation nationale en la matière, et son impact sur les exploitants ainsi que sur les ménages. Au moyen notamment des procédures d'infraction, elle fournira des indications quant à la conformité des mesures nationales avec le droit communautaire. De plus, la Commission surveillera en permanence les marchés de détail pour évaluer les effets de la libéralisation sur les ménages, afin d'accroître la confiance des consommateurs dans le marché de l'énergie et de limiter le risque de manipulation du marché. Enfin, la Commission lancera une vaste campagne d'information et de sensibilisation à l'approche de l'ouverture totale du marché en juillet 2007, et compte élaborer une charte des consommateurs d'énergie visant à (i) lutter contre la précarité liée aux dépenses de combustibles, (ii) relever le niveau minimal d'informations à fournir aux citoyens pour les aider à faire un choix entre les fournisseurs et les options de fourniture (iii) alléger les formalités administratives lorsque les clients changent de fournisseur, et (iv) protéger les consommateurs contre les pratiques déloyales de vente conformément aux directives CE pertinentes. La Commission examinera en outre s'il y a lieu de prendre d'autres mesures spécifiques dans le domaine de l’utilisation plus générale de systèmes de relevés des compteurs intelligents.

La Commission a déjà entamé une procédure d'évaluation des incidences afin d'identifier les méthodes les plus appropriées pour traduire ces intentions dans la pratique. Elle terminera cet exercice dans le courant de 2007 et présentera au Conseil et au Parlement européen une nouvelle communication comprenant des propositions formelles détaillées.

La Commission invite le Conseil et le Parlement européen à confirmer que les objectifs clés à poursuivre pour l'achèvement du marché intérieur de l'énergie sont les objectifs qu'elle a identifiés, et à approuver son intention de présenter d'autres mesures visant à garantir la réalisation de ces objectifs.