Le Parlement européen a adopté, avec amendements, le rapport d’initiative de M. Antolín SANCHEZ PRESEDO (PSE, ES) en réponse au Livre vert intitulé « Actions en dommages et intérêts pour infractions aux règles communautaires sur les ententes et les abus de position dominante ».
Les députés font remarquer que les règles communautaires relatives à la concurrence seraient dénuées d'effet dissuasif et que leur effectivité serait compromise si les auteurs de comportements interdits pouvaient bénéficier des avantages du marché ou jouir de l'immunité quant à leur infraction aux règles en raison d'obstacles à l'engagement complet de leur responsabilité. Ils estiment donc que les actions juridictionnelles, tant des représentants de l'intérêt général que des victimes, devraient être facilitées et que les particuliers ou les entreprises victimes d'un préjudice du fait d'une infraction au droit de la concurrence devraient avoir la possibilité d'être dédommagés.
Pour promouvoir la concurrence et non pas la judiciarisation, les députés demandent que des solutions rapides et à l'amiable, de nature extrajudiciaire, soient favorisées et que les transactions judiciaires dans les actions en dommages et intérêts pour comportements anticoncurrentiels soient facilitées. Les systèmes juridiques des États membres devraient en conséquence prévoir des procédures civiles efficaces permettant l'indemnisation de préjudices subis du fait d'infractions constatées au droit de la concurrence.
Le Parlement demande que l'application des articles 81 et 82 du traité CE soit opérée de manière uniforme et que les décisions prises par les juridictions soient cohérentes et répondent aux principes communs de sécurité et d'effectivité pour éviter des distorsions et des incohérences dans le cadre de l'Union. Selon les députés, l’objectif devrait être de parvenir à des procédures et à une situation telles qu'une décision définitive antérieure d'une autorité nationale de la concurrence ou d'une juridiction nationale soit de nature contraignante pour tous les États membres, dès lors que les parties et les circonstances de l'affaire sont les mêmes.
Les députés soulignent qu'il est essentiel :
- de veiller à la formation des juridictions en droit de la concurrence pour assurer la qualité de leurs décisions,
- que toutes les juridictions qui appliquent les règles du droit communautaire de la concurrence puissent adopter des mesures conservatoires, arrêter des mesures d'instruction et user de leurs pouvoirs d'investigation, lorsque cela est nécessaire;
- que les juridictions nationales jouissent de compétences comparables à celles reconnues aux autorités nationales de la concurrence ;
- de renforcer la coopération entre les autorités de la concurrence nationales et les juridictions nationales, ainsi qu'entre les juridictions nationales elles-mêmes;
- que les autorités compétentes qui appliquent les règles communautaires de la concurrence disposent de critères homogènes en ce qui concerne l'établissement de la charge de la preuve;
- que les juridictions nationales coopèrent pour protéger les informations confidentielles et assurer l'efficacité des programmes de clémence.
Le Parlement demande instamment aux États membres d'accepter que la constatation de l'infraction par une autorité de la concurrence nationale, une fois qu'elle est devenue définitive et, le cas échéant, a été confirmée en appel, constitue automatiquement la preuve suffisante a priori d'une faute dans le cadre d'actions civiles sur les mêmes circonstances, pour autant que le défendeur ait eu la possibilité de se défendre dans le cadre de la procédure administrative.
Les députés soulignent également que l'indemnisation reconnue aux requérants devrait avoir un caractère compensatoire et ne pas dépasser la perte subie et le manque à gagner effectifs, pour éviter un enrichissement sans cause, et que la capacité de la victime à minimiser la perte subie et le manque à gagner peut être prise en compte. Ils considèrent que toutes les victimes devraient pouvoir engager des actions et qu'il est nécessaire de disposer d'un mécanisme visant à traiter les petites réclamations multiples.
Le rapport souligne que, dans l'intérêt de la justice et pour des raisons d'économie, de célérité et de cohérence, il convient de reconnaître aux victimes l'exercice volontaire d'actions collectives, soit directement, soit par l'intermédiaire d'une association. Il recommande que, dans le cadre des programmes d'aides à l'accès au droit qui peuvent être adoptés pour faciliter l'exercice d'actions civiles en dommages et intérêts pour comportement anticoncurrentiel, des conditions précises de suivi de la procédure et de remboursement de ces aides soient incluses, notamment dans les cas où l'affaire a été jugée et où le contrevenant a été condamné aux dépens.
Les députés estiment en outre que les périodes nationales de prescription des actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles communautaires de la concurrence devraient autoriser l'exercice des actions dans le délai d'un an à partir de la décision de la Commission ou d'une autorité nationale de la concurrence constatant l'infraction à ces règles (ou, en cas d'appel, dans le délai d'un an à partir du terme de l'appel).
La Commission est invitée à :
- adopter, dans les meilleurs délais, des lignes directrices en vue de fournir une aide aux parties afin de quantifier leur préjudice et d'établir le lien de causalité;
- accorder la priorité à l'élaboration d'une communication sur l'exercice d'actions indépendantes, qui comprendrait des recommandations pour la formulation de prétentions et des exemples des affaires les plus fréquentes;
- élaborer, dans les meilleurs délais, une communication sur le traitement des informations confidentielles par les autorités chargées d'appliquer le droit communautaire de la concurrence;
- élaborer un Livre blanc comportant des propositions détaillées visant à faciliter l'exercice d'actions civiles « indépendantes » ou « de suivi » pour les comportements contraires aux règles communautaires de la concurrence, qui examinera, le cas échéant, la possibilité d'un cadre juridique approprié; ce Livre blanc devrait inclure des propositions visant à renforcer la coopération entre toutes les autorités responsables de l'application des règles communautaires de la concurrence;
- coopérer étroitement avec les autorités compétentes des États membres pour réduire les entraves transfrontalières empêchant les citoyens et les entreprises de l'Union de former des actions transfrontalières en dommages-intérêts en cas de violation des règles communautaires de la concurrence dans les États membres; la Commission devrait, au besoin, engager des procédures en justice pour éliminer ces entraves;
Les États membres dont les citoyens et les entreprises ne disposeraient pas encore de cette possibilité effective de recours sont invités à adapter en conséquence leur code de procédure civile.
Les députés insistent enfin sur le fait que le Parlement devrait jouer un rôle de co-législateur dans le cadre du droit de la concurrence et qu'il doit être informé périodiquement de l'exercice d'actions civiles.