Mettre un terme à l'appauvrissement de la biodiversité d'ici 2010

2006/2233(INI)

Le Parlement européen a adopté à une large majorité le rapport d’initiative d'Adamos ADAMOU (GUE/NGL, CY) en réponse à la communication de la Commission intitulée « Enrayer la diminution de la biodiversité à l'horizon 2010 et au-delà - Préserver les services écosystémiques pour le bien-être humain ».

Tout en accueillant avec satisfaction la communication de la Commission, les députés expriment leur inquiétude face à la réduction persistante de la biodiversité et au déclin des services écosystémiques qui y sont liés. Ils réaffirment qu'il est urgent d'intensifier et de coordonner les efforts pour enrayer cette tendance, notamment compte tenu du peu de temps qui reste pour respecter les engagements à l'horizon 2010 et attirent l'attention sur les liens étroits existants entre le changement climatique et la biodiversité qui tous deux revêtent une importance égale. Ils approuvent l'approche intégrée proposée par la Commission visant à intégrer l'arrêt de la diminution de la biodiversité dans toutes les politiques pertinentes de l'UE et proposent que le maintien des services écosystémiques devienne un objectif fondamental de toutes les politiques horizontales et sectorielles de l'UE.

Les députés estiment toutefois que le plan d’action de l’UE ne suffira pas à conserver la biodiversité à plus long terme. La Commission est ainsi invitée à entamer d’ores et déjà un processus pour l'élaboration d'une vision communautaire à long terme pour la biodiversité, qui encadrera les évolutions politiques ultérieures. 

Les principaux points abordés dans la résolution sont les suivants :

Principaux habitats et espèces (objectif 1) : la résolution souligne le rôle essentiel des directives « Oiseaux » et « Habitats » dans la protection de la biodiversité de l'Union européenne et reconnaît l'importance de l'achèvement du réseau Natura 2000 sur terre et en mer. Elle insiste sur l'importance de mesures complémentaires destinées plus particulièrement à la protection des espèces menacées et reconnaît la nécessité d'étendre l'application des plans d'action pour le rétablissement des espèces. Les députés soulignent en outre la nécessité d'une approche sur mesure pour stimuler la biodiversité dans les nouveaux États membres de l'UE et mettent l'accent sur l'importance de la grande biodiversité des régions ultrapériphériques. Ils considèrent que la promotion de méthodes de pêche sélectives constitue une priorité et se félicitent de l'intention de la Commission de mettre en œuvre une politique maritime commune fondée sur une approche globale de la question des océans.

Zones rurales et environnement marin plus large (objectifs 2 et 3) : les députés reconnaissent que l'aménagement du territoire et l'exploitation des espèces sauvages (par la chasse et la pêche) sont les principaux facteurs portant atteinte à la biodiversité. Ils soulignent en particulier les menaces que font peser à la fois l'intensification et l'abandon des terres agricoles à haute valeur naturelle et les forêts, ainsi que les menaces pesant sur les stocks de poisson, les espèces non ciblées et les habitats marins, dues à des pratiques de pêche non durables, y compris à la pêche illégale et la pêche à l'aide de technologies destructrices et non sélectives.

Les députés invitent les États membres à exploiter toutes les possibilités offertes dans le cadre de la PAC et de la PCP pour promouvoir les objectifs de la biodiversité dans les zones rurales et l'environnement marin plus large (c'est-à-dire en dehors des sites Natura 2000). Ils demandent une plus grande intégration des considérations liées à la biodiversité dans la PAC et la PCP ainsi que l'identification, notamment, des perspectives offertes par la révision budgétaire 2008-2009.

La Commission est pour sa part invitée à: i) élaborer un programme d'action précis contre la pêche illégale, non déclarée et non réglementée; ii) continuer d'appuyer l'extension du réseau Natura 2000 aux nouveaux États membres ; iii) encourager et soutenir les études liées à la culture en captivité de nouvelles espèces, en particulier celles qui sont la cible de la surpêche ; iv) revoir les plans de gestion et de restauration appliqués à certaines espèces de poissons ; v) mieux contrôler la mise en œuvre des normes communautaires liées à la lutte contre la pollution et la détérioration des écosystèmes marins.

Reconnaissant les dégâts causés aux écosystèmes de l'Union par les polluants, essentiellement par les polluants acides diffus et les polluants responsables d'eutrophisation, y compris l'ammonium d'origine agricole, les députés soulignent qu'il est important de réduire les pressions exercées par ces polluants, notamment sur et aux alentours des sites Natura 2000 ou d'autres zones de haute valeur naturelle. En outre, face à la menace que constituent certains pesticides, retardateurs de flamme et autres produits chimiques persistants, les députés mettent l'accent sur la mise en œuvre effective de REACH, attirent l'attention sur la nécessité de contrôler la bioaccumulation de ces polluants en utilisant des super prédateurs dans les milieux terrestres, marins et dans les eaux douces et demandent d'accorder une attention particulière aux dangers liés à l'utilisation de pesticides. Les députés proposent que la biodiversité constitue l'un des principes essentiels de « l'examen de santé » de la PAC prévu pour 2008.

Développement régional et territorial (objectif 4) : convaincus qu'un aménagement rigoureux pourrait contribuer grandement à réduire les dommages causés aux écosystèmes et à identifier des solutions favorables aux écosystèmes, les parlementaires invitent les États membres à : i) faire du maintien et du rétablissement de la biodiversité une priorité de l'aménagement spatial aux niveaux local, régional et national ; ii) veiller à ce que les projets financés par les fonds de cohésion et les fonds structurels ne portent pas atteinte à la biodiversité; iii) veiller à ce que la biodiversité soit dûment prise en compte dans les évaluations stratégiques des incidences sur l'environnement (ESIE) et les évaluations de l'impact sur l'environnement (EIE).

Espèces allogènes envahissantes et génotypes allogènes (objectif 5) : reconnaissant que les espèces allogènes envahissantes ainsi que leur propagation constituent une grave menace pour la biodiversité, le Parlement demande l'élaboration d'une réponse communautaire d'ensemble au problème, y compris un système d'alerte précoce, comblant les lacunes du cadre législatif, incluant l'élaboration d'une stratégie de l'Union européenne sur les espèces allogènes envahissantes. Les députés demandent à la Commission de proposer une législation visant à limiter l'introduction d'espèces allogènes dans l'Union européenne et à contrôler le respect de la convention CITES. Ils demandent de prendre d'urgence des mesures pour empêcher toute introduction d'organismes via les eaux de ballast et invitent les États membres à mettre en œuvre la Convention internationale pour le contrôle et la gestion des eaux de ballast et sédiments des navires de l'OMI. La Commission est invitée à instaurer des contrôles réels des opérations de déballastage dans les eaux de l'UE.  Les députés demandent également à la Commission d'interdire l'introduction dans l'UE des poissons génétiquement modifiés destinés à la chaîne alimentaire de l'UE.

Gouvernance internationale (objectif 6) : le Parlement apporte son soutien à la mise en œuvre effective de la Convention sur la diversité biologique (CDB) et invite l'UE à prendre l'initiative dans ce domaine. Il souligne qu'il convient d'accentuer la consolidation et les synergies mutuelles entre les accords internationaux dans le domaine de l'environnement et propose que les pays tiers qui reçoivent des aides de l'Union européenne soient tenus de respecter les politiques de l'UE sur la biodiversité. Il demande également la mise en place d'un accord sur la protection de la biodiversité en haute mer dans le cadre de la Convention sur le droit de la mer.  Face à la menace que fait peser le chalutage de fond en haute mer et d'autres pratiques de pêche non durables sur la biodiversité, la Commission est invitée à présenter dès que possible des propositions législatives en ce qui concerne la pêche démersale en haute mer. Les députés plaident également pour l'intégration de la dimension de biodiversité dans le commerce international et dans les efforts visant à modifier au niveau mondial les modes de production et de consommation non durables.

Assistance externe (objectif 7) : la résolution  met l'accent sur l'importance fondamentale d'une véritable intégration des préoccupations liées à la biodiversité dans les programmes d'assistance externe des États membres et de la Communauté (y compris les mesures d'aide budgétaires) afin de veiller à ce que ces programmes ne portent pas atteinte à la biodiversité. Les députés se déclarent vivement préoccupés par le fait qu'en dépit des aspirations politiques, la nouvelle génération des documents de stratégie nationaux et régionaux ne continuent en réalité à ignorer les besoins liés à la biodiversité sans un engagement beaucoup plus dynamique de la Commission envers les pays concernés sur ce point.

Commerce (objectif 8) : les députés invitent la Commission et les États membres à identifier les principaux effets du commerce sur la biodiversité, en particulier par des évaluations de l'impact sur le développement durable. Ils se déclarent vivement préoccupés par les importations de matières premières, y compris de bois, d'huile de palme et de soja, vers l'UE, qui entraînent la destruction des forêts tropicales. La Commission et les États membres sont invités à intervenir rapidement pour adopter des mesures visant à prévenir ou à réduire les incidences négatives de ce commerce sur les forêts tropicales, y compris par le biais d'accords bilatéraux au titre du plan d'action communautaire relatif à l'application des réglementations forestières, à la gouvernance et aux échanges commerciaux (FLEGT)

Changement climatique (objectif 9) : la résolution souligne combien il est vital d'adopter une approche centrée sur les écosystèmes pour l'adaptation au changement climatique, notamment en ce qui concerne les politiques relatives à l'exploitation des sols, des eaux et du milieu marin. Elle demande que l'UE continue à prendre l'initiative au plan international pour œuvrer à la réduction des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Les députés estiment également que les mesures d'atténuation du changement climatique, comme le développement des sources d'énergie renouvelables, devraient être évaluées de manière à s'assurer qu'elles prennent en compte les effets négatifs potentiels sur la biodiversité et que ces effets soient évités ou réduits, notamment en ce qui concerne les parcs d'éoliennes et les biocarburants. Le Parlement insiste également sur la nécessité de réduire les pressions « traditionnelles » s'exerçant sur les écosystèmes (fragmentation, surexploitation, pollution, espèces allogènes envahissantes), de concevoir de nouvelles mesures adaptées aux pressions accrues exercées par le changement climatique ainsi que de procéder à une évaluation urgente des habitats et des espèces les plus menacés par le changement climatique.

Connaissances (objectif 10) : conscients de l'immense défi que représente le bonne compréhension de la biodiversité, les députés estiment qu'il est nécessaire d'instaurer des mécanismes plus efficaces afin que l'ensemble des données relatives à la biodiversité ait davantage de poids sur les politiques menées au niveau international, de la Communauté et des États membres. Ils demandent à la Commission de procéder à des études et des évaluations des incidences de la production d'énergie durable sur la biodiversité et sur les mutations de la biodiversité dans les zones urbaines. La Commission est invitée à financer des études sur les écosystèmes marins, en particulier dans les zones où la biodiversité est forte et l'activité de pêche importante.

Financement : les députés se déclarent vivement préoccupés par les limitations financières de l'aide à Natura 2000 et d'autres actions dans le domaine de la biodiversité dans le cadre du plan d'action de l'UE à l'horizon 2010 et au-delà, découlant des décisions sur le cadre financier. Ils insistent sur la responsabilité qui incombe aux États membres d'utiliser toutes les possibilités offertes au titre de la PAC, de la PCP, des fonds structurels et de cohésion, du programme Life+ et du 7e programme cadre et d'allouer des ressources nationales. Ils demandent  que les besoins financiers soient davantage pris en compte lors du réexamen budgétaire de 2008-2009.

La Commission et les États membres sont invités à renforcer considérablement les programmes et campagnes d'éducation et d'information à l'intention du grand public, à nourrir la demande d'intervention politique et à renforcer la participation active du grand public aux mesures de conservation. Le Parlement souligne enfin la nécessité de disposer de grands indicateurs, de renforcer les capacités et méthodes de surveillance à long terme et d’offrir des sources d'information plus diversifiées sur l'état de la biodiversité et sur les pressions qui affectent la biodiversité.