Politique chinoise et ses effets sur l'Afrique  
2007/2255(INI) - 23/04/2008  

Le Parlement européen a adopté par 618 voix pour, 16 voix contre et 17 abstentions une résolution sur la politique de la Chine et ses effets sur l'Afrique.

Le rapport d’initiative avait été déposé en vue de son examen en séance plénière par Mme Ana Maria GOMES (PSE, PT), au nom de la commission du développement.

Le Parlement demande à l'Union européenne de définir une stratégie cohérente pour répondre aux nouveaux défis suscités par de nouveaux donateurs en Afrique, tels que la Chine, et l’invite à maintenir ses critères élevés de bonne gouvernance et de respect des droits de l'homme lorsqu'elle entre en concurrence avec d'autres pays donateurs. Les députés se félicitent du fait que la Chine soit disposée à fournir une coopération concrète et pragmatique à des pays africains. Ils déplorent toutefois la coopération de la Chine avec des régimes répressifs d'Afrique et soulignent que la coopération devrait être soumise à des conditions politiques et que les droits de l'homme et les normes environnementales devraient jouer un rôle plus important. L'Union est invitée à se positionner, face à ces concurrents, par des offres qui soient qualitativement plus attractives telles que l'installation, dans le pays d'origine, d'usines modernes de transformation des produits de base qui protègent le climat, ou l'embauche et la formation de main-d'œuvre locale. Les députés appellent aussi l'Union à engager la Chine à assumer ses responsabilités en tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, et notamment celle de « protéger », en reconnaissant que la seule présence de la Chine en Afrique, indépendamment de toute volonté de conduire une politique de non-ingérence, a un réel impact sur le pays d'accueil, y compris un impact politique.

Développement durable : la résolution appelle à promouvoir un dialogue entre l'Afrique, l'UE et la Chine afin d'explorer des voies concrètes de coopération au développement et de renforcer les partenariats. Les députés proposent que l'UE, l'Union africaine et la Chine constituent un organe consultatif permanent destiné à assurer la cohérence et le bon fonctionnement des diverses actions de coopération. Ils demandent également à l'UE, à la Chine et à l'Afrique de définir un cadre général pour la réalisation de projets opérationnels concrets concernant des défis communs tels que l'adaptation au changement climatique, les énergies renouvelables, l'agriculture, l'eau ou les questions sanitaires.

L’UE devrait pour sa part inciter la Chine à : i) apporter une aide déliée à l’Afrique, en s'assurant que les conditions financières accompagnant les subventions et les prêts internationaux n'entraveront pas le développement durable; ii)  participer au développement du marché du travail local en Afrique au lieu de faire appel à des milliers de travailleurs chinois; iii) faire usage de son savoir-faire en matière de santé pour soutenir des initiatives visant à améliorer les systèmes de santé publique en Afrique ; iv) créer un organisme spécialement chargé de l'aide afin de renforcer les compétences et l'indépendance chinoises dans ce domaine ; v) à contribuer à trouver des réponses aux défis que pose la situation démographique en Afrique.

Énergie et ressources naturelles : le Parlement souhaite une coopération active en matière de politique énergétique entre l'Afrique et l'Union européenne. Il appelle l'Union à encourager les pays africains riches en ressources à adhérer à l'initiative pour la transparence des industries extractives (EITI, Extractives Industry Transparency Initiative) en apportant à cette dernière un soutien politique, financier et technique renforcé. Dans ce contexte, les députés demandent à l'UE de promouvoir la transparence des revenus générés par les ressources naturelles ainsi que le principe de « prêt responsable » auprès de tous les donateurs. Les conventions internationales sur l'exploration et l'extraction des ressources énergétiques devraient ainsi prévoir des dispositions relatives à la transparence des accords de licence et des conditions contractuelles qui déterminent les recettes fiscales des gouvernements, ainsi qu'une clause relative à l'investissement d'un certain pourcentage des bénéfices dans le développement de la communauté locale. Les députés demandent encore à l'Union et à la Chine de s'attaquer au problème du commerce illégal des ressources naturelles par une action concertée et d'investir davantage dans les énergies renouvelables pour lutter contre la dégradation de l'environnement et le changement climatique.

Commerce, investissements et infrastructures : rappelant que la diversification des échanges est un facteur clé de la croissance économique dans tous les États africains, la résolution souligne que les exportations chinoises de produits à destination de l'Afrique ne doivent pas entraver le développement des secteurs d'activité africains ou détruire leur compétitivité. Le Parlement invite l'UE, tout comme la Chine, à donner à l'Afrique le moyen de se sortir de l'impasse dans laquelle elle se trouve concernant les produits de base et à l'encourager à se transformer pour qu'elle devienne une région qui transforme ces produits et développe des services. Les députés invitent  l'UE à encourager les États membres et les nouveaux donateurs, tels que la Chine, à : i) diversifier leurs activités commerciales et d'investissement ; ii) transférer des technologies aux Africains, iii) renforcer les règles internationales de commerce équitable ; iii) étendre l'accès des produits africains au marché mondial ; iv) réduire les droits de douane imposés sur les produits transformés en provenance d'Afrique, v) promouvoir le développement du secteur privé et son accès aux financements ; vi) promouvoir la facilitation du commerce;  vii) encourager l'intégration régionale en Afrique ; viii)  à faciliter les flux d'envois de fonds des résidents africains. L’Union européenne doit réformer sa politique agricole commune et faciliter l’accès des produits africains sur le marché européen.

Les députés recommandent à la Commission d'insister, dans le cadre des négociations en cours avec la Chine, sur un nouveau chapitre commercial de l'accord de partenariat et de coopération, sur l'utilisation de termes contraignants en ce qui concerne les normes essentielles du travail de l'OIT, sur la responsabilité sociale et environnementale des entreprises, sur des mesures de lutte contre le dumping social et environnemental, sur les recommandations de l'OIT en matière de travail décent et sur le respect des obligations découlant des conventions internationales sur les droits de l'homme.

Environnement : constatant l'impact écologique de la présence chinoise en Afrique, les députés invitent la Chine à agir en tant que défenseur responsable de l'environnement, aussi bien en Chine qu'en Afrique. Ils appellent l'UE à encourager les organismes de crédits à l'exportation chinois, y compris la banque Exim Bank, à évaluer systématiquement l'incidence sur l'environnement des projets d'infrastructures en Afrique, tels que les barrages, les routes et les mines.

La résolution demande également à l'UE de renforcer le dialogue avec l'Afrique et la Chine et d'élaborer des approches communes pour combattre, au niveau mondial, les problèmes environnementaux tels que la déforestation, la désertification, la diminution ou la disparition de la biodiversité et de la fertilité des sols, ainsi que la pollution de l'eau et de l'air. Les députés demandent également un accroissement des fonds destinés à l’adaptation au changement climatique et invitent l’UE à montrer la voie à suivre en lançant un « programme accéléré » en matière de technologies énergétiques écologiques, tant dans les pays émergents que dans les pays en développement.

Bonne gouvernance et droits de l'homme : les députés sont d’avis que les investissements libres de toute condition réalisés par la Chine dans les pays africains soumis à la mauvaise gouvernance de régimes oppressifs contribuent à perpétuer les violations des droits de l'homme et ne font que retarder les progrès démocratiques et entraver la reconnaissance d'une bonne gouvernance.

Le Parlement invite les autorités chinoises à respecter les principes de démocratie et de bonne gestion des affaires publiques et les droits de l'homme dans leurs relations avec l'Afrique. La Chine est invitée à adopter les dispositions de la convention sur la lutte contre la corruption de l’OCDE. De son côté, l’UE devrait agir en accord avec ses propres valeurs, principes et engagements au titre de l'accord de Cotonou dans le cadre de ses relations avec les gouvernements africains qui entravent la démocratie et violent les droits de l'homme, en leur refusant le contrôle des aides, du soutien financier ou des investissements.

Paix et sécurité : les députés appellent l'UE et la Chine à suspendre tout accord commercial dans le secteur des armes avec les gouvernements qui sont coupables de violations de droits de l'homme et qui sont engagés dans des conflits ou en passe de faire la guerre, tels que les gouvernements du Kenya, du Zimbabwe, du Soudan, du Tchad, de la République démocratique du Congo, de l'Éthiopie, de l'Érythrée et de la Somalie. La Chine devrait également renforcer la transparence de son régime national de contrôle des exportations d'armes, en notifiant ses exportations au registre des Nations unies sur les exportations d'armes conventionnelles, souligne la résolution.

De son côté, l'UE devrait maintenir son embargo sur les ventes d'armes à la Chine aussi longtemps que cette dernière continuera de fournir des armes à des forces et des groupes armés dans des pays, souvent africains, qui alimentent et perpétuent des conflits et commettent des violations graves des droits de l'homme. L'Union est invitée à faire de son Code de conduite en matière d'exportation d'armements un instrument juridiquement contraignant. Le rapport demande enfin à l'UE d'encourager la Chine à continuer d'accroître sa participation aux missions de maintien de la paix de l'ONU et de l'Union africaine (UE) en Afrique, en envoyant le cas échéant des troupes de combat.

Le Parlement souligne sa volonté d’engager un dialogue avec le Congrès national du peuple chinois, le Parlement panafricain et les parlements nationaux africains en vue d'encourager le développement durable et de renforcer leurs capacités de contrôle sur les exécutifs.