Normes et procédures communes applicables au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier. Directive "retour"  
2005/0167(COD) - 18/06/2008  

Le Parlement européen a adopté par 369 voix pour, 197 voix contre et 106 abstentions, une résolution législative modifiant, en 1ère lecture de la procédure de codécision, la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.

Le rapport avait été déposé en vue de son examen en séance plénière par M. Manfred WEBER (PPE-DE, DE), au nom de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures.

Les amendements adoptés par 367 voix pour, 206 voix contre et 109 abstentions sont le fruit d’un compromis obtenu avec le Conseil en 1ère lecture. Ce vote ouvre donc la voie à un accord avec le Conseil en 1ère lecture.

Les principaux amendements peuvent se résumer comme suit :

Objectif: globalement, la directive telle que modifiée par le Parlement européen et le Conseil, vise à encourager le "retour volontaire" des immigrants illégaux en harmonisant les conditions de retour et en établissant certaines garanties. La directive instaurera ainsi une approche en 2 étapes : tout d’abord une décision de retour qui ouvrira une période de "retour volontaire" laquelle pourra être suivie d'une "décision d'éloignement" aboutissant à l'expulsion. Si celle-ci est prononcée par l'autorité judiciaire, et s'il est estimé que la personne visée risque de s'y soustraire, le ressortissant de pays tiers concerné pourra être placé en centre fermé par décision judiciaire ou administrative. Dans ce contexte, la directive fixe une durée maximale de rétention (6 mois en général) et définit des standards de conditions de vie qui garantissent notamment un droit à une assistance médicale et à la scolarisation des enfants.

Dispositions plus favorables : des dispositions nouvelles sont introduites afin que la directive ne diminue pas le niveau de protection des personnes concernées par le champ d’application de la directive. Le traitement des étrangers en situation irrégulière devrait ainsi répondre à des normes minimales communes, tout en laissant aux États membres la liberté de maintenir ou d’adopter des normes plus favorables.

Non-refoulement, intérêt supérieur de l'enfant, vie familiale et état de santé: des dispositions sont introduites pour faire en sorte que la directive tienne compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, de la vie familiale mais aussi de l'état de santé des personnes à éloigner. En tout état de cause, la directive devra pleinement respecter le principe de non-refoulement.

Décision de retour : des clarifications sont apportées aux dispositions liées à la politique de retour. En principe, tout ressortissant en séjour irrégulier devra faire l’objet d’une décision de retour sauf pour les cas explicités à la directive (ex. : si un État membre délivre un droit de séjour pour motif humanitaire). Le Parlement ajoute un nouveau paragraphe qui précise qu’à tout moment un État membre pourra décider de mettre fin au séjour régulier d’un ressortissant de pays tiers en même temps qu'une décision de retour et/ou d'éloignement dans le cadre d'une même décision ou d'un même acte de nature administrative ou judiciaire conformément aux dispositions pertinentes du droit communautaire ou national.

Interdiction d’entrée : toute décision de retour devra être assortie d’une décision d’interdiction d’entrée. La durée de l'interdiction d'entrée ne pourra dépasser 5 ans en principe. Le Parlement prévoit toutefois une série d’exception à l’interdiction d’entrée, notamment pour les victimes de la traite des êtres humains, pour des raisons humanitaires ou toutes autres raisons dûment justifiées. Les États membres gardent la possibilité lever, annuler ou suspendre cette interdiction.

Retour volontaire : toute décision de retour devrait être associée à un délai de 7 à 30 jours permettant à un ressortissant en situation irrégulière d’opter pour un départ volontaire. Ce délai n'exclut pas la possibilité, pour le ressortissant concerné, de partir plus tôt mais ce délai pourra éventuellement être prolongé si les enfants de la personne concernée sont scolarisés ou s’il existe d'autres liens familiaux dans le pays d’accueil. Certaines obligations visant à éviter le risque de fuite (ex. : obligation de se présenter régulièrement aux autorités, …) pourront être imposées pendant cette période. S'il existe un risque de fuite ou si la personne constitue un danger pour la sécurité publique, l'ordre public ou la sécurité nationale, les États membres pourront alors s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire ou accorder un délai inférieur à 7 jours.

Éloignement et mesures coercitives : lorsque la décision de retour est prise, les États membres confrontés à des ressortissants de pays tiers récalcitrants pourront utiliser « en dernier ressort » des mesures coercitives pour procéder à son éloignement. Ces mesures devront toutefois être proportionnées et l'usage de la force ne pourra dépasser « les limites du raisonnable ».

Éloignement des mineurs non accompagnés : de nouvelles dispositions sont prévues pour les mineurs non accompagnés à éloigner. Il est ainsi prévu qu’avant que soit prise une décision de retour pour les mineurs non accompagnés, l'assistance d'organismes compétents autres que les autorités chargées d'exécuter le retour soit accordée en tenant compte de l'intérêt supérieur de l'enfant. En outre, avant de les éloigner, les autorités de l'État membre concerné devront s'assurer qu'il sera remis à un membre de sa famille, à un tuteur désigné ou à des structures d'accueil adéquates dans l'État de retour.

Garanties procédurales : le Parlement prévoit que toute décision de retour soit rendue par écrit et soit dûment justifiée. L’obligation d’information peut toutefois ne pas être appliquée pour sauvegarder la sécurité nationale, la défense et la sécurité publique, ou à des fins de prévention et de détection des infractions pénales et d'enquêtes et de poursuites en la matière.

Voies de recours : les États membres doivent s'assurer que le ressortissant de pays tiers dispose d’un droit de recours effectif contre une décision de retour. Des garanties spécifiques sont prévues dans l’attente de l’application d’une décision de retour (ex. : maintien de l’unité familiale, accès des mineurs au système éducatif,…). Il est également prévu que les États membres prévoient une assistance judiciaire et/ou une représentation gratuite aux ressortissants qui en font la demande, pour les aider à introduire leur recours, conformément à la législation ou à la réglementation nationale applicable en matière d'assistance judiciaire. Les États membres disposeraient toutefois de 3 ans pour mettre en œuvre cette disposition spécifique.

Rétention à des fins d’éloignement : de très nombreux amendements ont été adoptés pour cette section : il est ainsi prévu que les États membres placent uniquement en rétention les ressortissant de pays tiers qui font clairement l'objet d’une procédure de retour, en particulier ceux d’entre eux  qui présentent un risque de fuite ou qui s’opposent à leur éloignement. Toute rétention devra être aussi brève que possible et devra être exécutée avec toute la diligence requise. Si une personne est placée en rétention suite à une décision administrative, cette décision devra être validée par un juge "dans les plus brefs délais" (et non dans les 48 heures comme le prévoyait la commission au fond). Une fois la décision de rétention ordonnée par écrit, les États membres devront prévoir un contrôle juridictionnel accéléré pour assurer la légalité de la rétention. Si la rétention est jugée illégale, le ressortissant concerné devra immédiatement être remis en liberté. Dans tous les cas, la rétention devra faire l'objet d'un réexamen à intervalles raisonnables et par des autorités judiciaires ad hoc. Le Parlement estime en outre que lorsqu'il apparaît qu'il n'existe plus de perspective raisonnable d'éloignement pour des considérations d'ordre juridique ou autres ou que la rétention ne se justifie plus, la personne concernée devra immédiatement être remise en liberté.

Durée de la période de rétention : la durée maximale de rétention ne peut pas dépasser 6 mois. Cette période pourra toutefois être étendue pour une période limitée de 12 mois supplémentaires lorsque, malgré tous les efforts raisonnables, il est probable que l'opération d'éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération du ressortissant concerné ou de retards dus à l’obtention par le pays tiers concerné, des documents nécessaires.

Conditions de rétention : le Parlement fixe le cadre de toute rétention des ressortissants de pays tiers à éloigner : la rétention devra s'effectuer dans des centres de rétention spéciaux. Si un État membre ne peut placer les intéressés dans un tel centre (mais dans un établissement pénitentiaire), les ressortissants de pays tiers concernés devront être séparés des prisonniers de droit commun. Une attention particulière devra être accordée à la situation des personnes vulnérables (ex. en cas de soins médicaux d'urgence). En tout état de cause, les organisations nationales, internationales et non gouvernementales compétentes devront toujours avoir la possibilité de se rendre dans les centres de rétention moyennant autorisation.

Rétention des mineurs et des familles : de nouvelles dispositions sont prévues pour la rétention spécifique des mineurs non accompagnés et des familles. Ceux-ci ne pourront être placés en rétention qu'en dernier ressort et pour la période la plus brève possible. Les familles placées en rétention dans l'attente de leur éloignement disposeront d'un lieu d'hébergement séparé qui leur garantira une intimité suffisante. Les mineurs placés en rétention auront la possibilité de pratiquer des activités de loisirs et pourront avoir accès à l'éducation. Les mineurs non accompagnés bénéficient, par ailleurs et dans la mesure du possible, d'un hébergement dans des institutions disposant d'un personnel et d'installations adaptés aux besoins des personnes de leur âge. En tout état de cause, l'intérêt supérieur de l'enfant devra toujours constituer une considération primordiale.

Situation d’urgence : enfin un nouveau paragraphe est introduit pour les situations dites « d’urgence », à savoir lorsqu'un nombre exceptionnellement élevé de ressortissants de pays tiers soumis à une obligation de retour fait peser une charge lourde et imprévue sur les centres de rétention d'un État membre. Dans ce cas, ce dernier pourra déroger aux conditions classiques de rétention prévues à la directive. Ces situations spécifiques ne pourront toutefois pas être interprétées par un État membre pour appliquer des mesures contraires à la directive.

Entrée en vigueur : la directive devrait normalement être transposée dans un délai de 2 ans. Elle devrait en outre faire l’objet d’une évaluation tous les 3 ans et être modifiée en tant que de besoin.

Á noter que les groupes Verts/ALE et GUE/NGL ont demandé le rejet pur et simple de la proposition de la Commission, demande repoussée en Plénière par 114 voix pour, 538 voix contre et 11 abstentions.