Gouvernance de l'internet: les prochaines étapes  
2009/2229(INI) - 18/06/2009  

OBJECTIF : définir les prochaines étapes de la gouvernance de l’Internet.

CONTEXTE : la gouvernance de l’Internet revêt une importance majeure. En effet, depuis que l’Internet est devenu une véritable plate-forme de communication à l'échelle mondiale (dès le milieu des années 1990), les gouvernements ont fait face à un nombre croissant d'enjeux de politique d'intérêt général, notamment la recherche de moyens permettant à leurs citoyens de tirer pleinement parti du potentiel de l'internet, ou la lutte contre les messages à contenu illégal ou inapproprié, la nécessité d'adopter des mesures de protection adéquates pour les consommateurs et de traiter les problèmes de juridiction dans un environnement en ligne de plus en plus mondialisé.

Actuellement, l'internet est tellement utilisé et son taux de pénétration est si élevé, en particulier dans les pays développés comme ceux de l'Union européenne, qu'il est devenu une ressource essentielle et que toute interruption de service importante pourrait avoir des conséquences désastreuses sur la société et l'économie. La plupart des utilisateurs de l'internet de l'Union européenne peuvent dès lors faire valoir légitimement des exigences de fiabilité à l'égard de «leur internet». Par ailleurs, s'il devait y avoir une importante interruption de leur service internet au niveau national, les utilisateurs demanderont inévitablement des comptes à leur gouvernement et non aux divers organes de gouvernance de l'internet responsables de la coordination des ressources.

L'Union européenne a toujours été au premier plan des discussions internationales sur la gestion de l'internet. La toute première communication de la Commission à ce sujet date de 1998 et l'Union européenne a joué un rôle majeur dans les discussions sur la gouvernance de l'internet dans le cadre du sommet mondial sur la société de l'information entre 2003 et 2005 (SMSI). La nécessité de préserver la sécurité et la stabilité de l'internet faisait partie des priorités défendues par l'UE, de même que le rôle central du secteur privé et l'inclusion de tous les intervenants dans les principales étapes de l'élaboration des politiques. En outre, l'UE a été un acteur actif et influent lors des discussions internationales sur la mise sur pied de l'Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN) à la fin des années 1990 et de la définition des objectifs de l'organisation.

La communication de la Commission d'avril 2000 relative à l'organisation et la gestion de l'Internet et la résolution du Conseil du 3 octobre 2000 ont toutefois souligné que les objectifs fixés par l'Union européenne relatifs à la gestion des noms de domaine n'avaient pas été complètement atteints.

Entre-temps, il est important de signaler que l'initiative de l'UE de créer son propre domaine générique de premier niveau «eu», a été un grand succès, avec plus de 3 millions de noms de domaine «eu» enregistrés à ce jour.

CONTENU : les principaux points abordés dans la communication sont les suivants :

1) Principes de gouvernance de l’internet : la communication souligne que l'expérience de ces dix dernières années a montré la viabilité de l'approche politique préconisée par l'UE jusqu'ici en matière de gouvernance de l'internet. La Commission considère qu'il est opportun pour l'UE de continuer à accorder une grande attention à la nécessité d'un internet sûr et stable sur le plan mondial, au respect des droits de l'homme, à la liberté d'expression, au respect de la vie privée, à la protection des données personnelles et à la promotion de la diversité culturelle et linguistique.

Par ailleurs, les principes clés défendus par l'UE qui ont permis le succès de l'internet restent valables :

  • le caractère ouvert, interopérable et «de bout en bout» de l'architecture centrale de l'internet doit être préservé. Ce point a été souligné par le Conseil en 2005  et réitéré en 2008 ;
  • il faut maintenir le rôle central du secteur privé dans la gestion quotidienne de l'internet, tout en demandant aux organismes privés en charge de la coordination des ressources de l'internet sur le plan mondial de rendre compte de leurs actions vis-à-vis de la communauté internationale. Le rôle des gouvernements devrait essentiellement se concentrer sur les principaux enjeux de politique d'intérêt général et exclure les questions relatives à la gestion quotidienne ;
  • le processus associant de multiples parties prenantes en ce qui concerne la gouvernance de l'internet continue d'offrir un moyen efficace de promotion de la coopération au niveau mondial fondé sur l'inclusion et doit être davantage développé ;
  • les gouvernements doivent participer pleinement à ces processus, les parties prenantes devant accepter que seuls les gouvernements sont, en dernier ressort, responsables de la définition et de la mise en œuvre des politiques d'intérêt général ;
  • les dispositions en matière de gouvernance de l'internet doivent être complètement fondées sur l'inclusion et répondre au besoin urgent d'accroître la participation des pays en développement dans les principales enceintes qui prennent des décisions clés dans ce domaine.

2) La « responsabilité » dans le contexte de L’ICANN : pour l'heure, c'est l'Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN), un organisme privé établi aux États-Unis, qui assure la coordination des éléments constitutifs de l'internet. L'ICANN compte aujourd'hui dix années d'existence. Les derniers accords relatifs aux objectifs de l'ICANN liant ce dernier au gouvernement américain viendront à échéance en septembre 2009. Il est dès lors opportun pour l'UE d'évaluer les progrès de l'ICANN à ce jour et de déterminer les changements éventuels à envisager.

Lorsque le gouvernement américain a signalé en 2006 que l'accord en vigueur avec l'ICANN ne serait pas renouvelé, la nouvelle a reçu un accueil largement favorable de la part de la communauté internationale (y compris l'UE). Dans le même temps, le gouvernement américain n'a jamais cessé de dire qu'il garderait le contrôle effectif de la coordination des fonctions essentielles en matière de noms et d'adresses au niveau mondial, ce qui pourrait signifier que le problème du «contrôle unilatéral» de ces ressources resterait posé.

Le document insiste dès lors sur la question de la  «responsabilité» dans le contexte de l'ICANN. Par «responsabilité», on entend qu'une organisation comme l'ICANN doit répondre de ses décisions. Récemment, l'ICANN a consacré d'importants efforts à l'examen des dispositions relatives à sa responsabilité interne, c'est-à-dire à la responsabilité de ceux qui participent activement à chacun des groupes d'intérêt («constituencies») de l'ICANN. Le problème est que la grande majorité des utilisateurs d'internet ne participent pas aux activités de l'ICANN. Il est dès lors nécessaire de garantir la responsabilité externe de l'ICANN vis-à-vis de la communauté internationale de l'internet, et donc en premier lieu, compte tenu de l'absence d'alternatives dans de nombreux pays, à l'égard des gouvernements des différents pays du monde.

À l'heure actuelle, l'unique responsabilité externe de l'ICANN est celle vis-à-vis du gouvernement américain dans le cadre de l'accord JPA et du contrat avec l'IANA (Internet Assigned Numbers Authority) mais il ne s'agit que d'une responsabilité unilatérale vis-à-vis d'un seul gouvernement. La stabilité et la gestion du fichier de la zone racine représentent cependant une question d'une importance capitale non seulement pour le gouvernement américain, mais pour tous les pays du monde. Cependant, il n'existe pas de consensus international sur la création d'un nouvel organisme intergouvernemental pouvant exercer un tel contrôle, ni sur la délégation de ces responsabilités vers un organisme existant. Une solution serait de rendre l'ICANN responsable vis-à-vis de l'extérieur de manière à ce que chaque gouvernement exerce, dans son propre intérêt, les responsabilités qui devraient se situer à leur niveau.

3) Progrès à réaliser dans le plan d’action : la Commission propose que l'UE demande activement à ses partenaires internationaux de débattre de la manière d'encourager et de promouvoir le dialogue et la coopération intergouvernementaux afin de mettre en œuvre les principes de politique d'intérêt général convenus lors du SMSI au-delà des travaux déjà menés grâce aux lignes d'action. Ces discussions devraient partir de la nécessité de maintenir le rôle central du secteur privé dans toutes les matières relatives à la gestion quotidienne de l'internet. Le processus impliquant de multiples parties prenantes devrait, dans la mesure du possible, également être encouragé.

En même temps, les politiques d'intérêt général en ce qui concerne les ressources clés mondiales de l'internet (en particulier celles qui requièrent une coordination internationale) doivent être basées sur une coopération intergouvernementale multilatérale.

Selon la Commission l'achèvement d'une réforme interne de l'ICANN qui aboutirait à une transparence et une responsabilité totales pourrait être un des facteurs d'une évolution du système actuel de gouvernance. En ce qui concerne la responsabilité externe, les dispositions actuelles qui prévoient un contrôle unilatéral des activités de l'ICANN et de l'IANA doivent céder la place à un autre mécanisme qui permettrait de garantir qu'une responsabilité multilatérale s'applique à l'ICANN.  Ceci devrait faire partie d'une approche évolutive qui permettrait aux gouvernements d'exercer pleinement leurs responsabilités. Dans ce contexte, il conviendra de veiller à trouver le moyen de s'assurer que le fait que l'ICANN a été constitué en société en Californie n'empêche pas qu'il soit tenu compte des demandes gouvernementales.

Par ailleurs, en vue de parvenir à une plus grande sécurité et une plus grande stabilité de l'internet, l'UE devrait jouer un rôle moteur en entamant le dialogue avec ses partenaires internationaux.

Enfin, la Commission propose également que l'UE devrait tenter d'engager des discussions avec le gouvernement américain afin de trouver un arrangement plus équitable en matière de contrôle de la gestion de l'IANA qui respecte les priorités nationales des États-Unis tout en tenant compte des attentes et des intérêts légitimes de la communauté internationale.