Gouvernance de l'internet: les prochaines étapes  
2009/2229(INI) - 01/06/2010  

La commission de l'industrie, de la recherche et de l'énergie a adopté un rapport d’initiative de Francisco SOSA WAGNER (NI, ES) en réponse à la communication de la Commission intitulée «La gouvernance de l'internet : prochaines étapes ».

La commission parlementaire considère que l’internet est un bien public mondial et que, partant, sa gouvernance devrait être exercée dans le respect de l’intérêt commun. Elle reconnaît que l'internet est essentiel pour l'exercice concret de la liberté d'expression, de la diversité culturelle, du pluralisme médiatique et de la citoyenneté démocratique ainsi que pour l'éducation et l'accès à l'information, constituant ainsi un des principaux moteurs de diffusion des valeurs démocratiques dans le monde.

Tout en rappelant que l'accès à l'internet, d'une part suppose, d'autre part garantit l'exercice de plusieurs droits fondamentaux essentiels, le rapport souligne que les institutions et les acteurs à tous les niveaux ont pour responsabilité générale de contribuer à ce que chacun puisse exercer son droit de participer à la société de l'information, tout en luttant simultanément contre le double défi de l'analphabétisme informatique et de l'exclusion démocratique à l'ère électronique. Les députés estiment dans ce contexte que l'internet doit constituer un véritable outil d'intégration sociale dans le cadre duquel nos citoyens les plus âgés ne doivent pas être oubliés.

Le rapport reconnaît que l'internet est devenu l'un des éléments fondamentaux de la réalisation du marché intérieur au sein de l'UE. Il souligne dans ce contexte la nécessité d'une protection appropriée des consommateurs et des titulaires de droits de propriété intellectuelle sur l'internet et insiste pour que les droits et les libertés civils des utilisateurs de l'internet soient garantis. Les députés estiment que gouvernance de l'internet devrait faciliter le commerce électronique et les transactions transfrontalières en décentralisant les missions d'autorégulation, en particulier en mettant en place des conditions d'accès pour de nouveaux concurrents. Ils appellent à faciliter l'accès et le développement de l'internet dans les nouveaux États membres, en particulier dans les zones rurales, et dans les pays en développement, par le biais de programmes financés par l'Union européenne.

Afin de préserver l’intérêt pour l’Union de conserver le statut de bien public mondial à l’internet, les députés estiment que la gouvernance de l'internet devrait se fonder sur un modèle public privé large et équilibré, en évitant toute position dominante d’une entité individuelle ou d’un groupe d'entités ainsi que toute tentative de contrôle du flux d'informations sur l'internet par des autorités nationales ou supranationales, tout en participant à des processus qui continuent d'offrir un moyen efficace de promotion de la coopération au niveau mondial. Pour éviter les conflits, le rapport préconise de renforcer le dialogue international avec les pays dont les valeurs diffèrent sensiblement de celles de l’Europe dans le domaine de la réglementation de l'internet.

Les députés estiment que les gouvernements devraient se concentrer sur des questions cruciales pour la politique publique de l'internet mondial, l’hégémonie du secteur privé devant se fonder sur le respect des principes de politique publique et de la législation existante, et respecter le principe de non-intervention, sauf nécessité dans des circonstances exceptionnelles. Ils demandent aux gouvernements de ne pas restreindre l'accès à l’internet par le biais de la censure ou du filtrage, et de ne pas demander à des entités privées de le faire. Toutes restrictions jugées indispensables devraient se limiter au minimum nécessaire dans une société démocratique, être fondées en droit ainsi qu’être effectives et proportionnées.

Soulignant l’importance de garantir la protection des mineurs, la commission parlementaire invite les États membres à prendre des mesures afin de permettre aux mineurs de faire une utilisation responsable de l’internet et des services d’information en ligne, et de sensibiliser davantage aux risques potentiels de ces nouveaux services. Elle appelle à davantage d'initiatives pour renforcer la sécurité de l'exploration de l'internet par les enfants, pour diffuser les meilleures pratiques dans le monde entier et pour renforcer la coopération internationale dans la lutte contre les contenus préjudiciables et illégaux en ligne, en particulier en ce qui concerne les abus sexuels à l'égard d'enfants. Elle réaffirme par ailleurs que dans le cadre de la lutte contre la cybercriminalité et contre la pornographie pédophile, il faudrait détruire les contenus incriminés à la source avant d'envisager de bloquer les sites internet.

Le rapport souligne que l’Union européenne devrait se pencher sur trois questions critiques de la politique publique: i) la protection de l’infrastructure de l’internet en vue de sauvegarder son ouverture, sa disponibilité, sa sécurité et sa résilience face aux attaques informatiques ; ii) la dépendance de l’Europe vis-à-vis des solutions dominantes sur le marché et les risques de sécurité publique qui y sont associés ; iii) la protection des données et de la vie privée, en particulier par l'établissement de mécanismes internationaux efficaces pour le règlement des différends. La Commission est dès lors invitée à présenter une proposition en vue de l'adaptation de la directive sur la protection des données à l'environnement numérique actuel.

Les députés demandent à l’ensemble des États membres de ratifier et de mettre en œuvre la convention du Conseil de l’Europe sur la cybercriminalité ainsi que la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme, ce qui permettrait d’établir les bases d’une coopération internationale pour la lutte contre l’utilisation de l’internet à des fins terroristes sous la forme d’attaques de grande envergure contre et via les systèmes informatiques qui menacent la sécurité nationale, la sécurité publique ou la prospérité économique. Les députés recommandent, en outre, que la Commission et les États membres s’efforcent d’améliorer la sécurité et la stabilité de l’internet en adoptant des mesures visant à diversifier le réseau et le système en appliquant le droit de la concurrence, les normes et la politique de marchés publics de l’Union. Le rapport souligne que la certification de la sécurité des sites internet devient nécessaire pour renforcer la confiance des consommateurs dans l'accès aux informations et aux services disponibles sur la toile.

Le rapport insiste sur le fait que le succès des réseaux sociaux pose notamment le problème de la conservation des données et de l'exploitation de ces données archivées. Les députés regrettent à cet égard qu'il n'existe pas pour le moment de « droit à l'oubli » sur l'internet et soulignent la nécessité de parvenir à un équilibre adéquat entre la protection de la vie privée des utilisateurs et l'enregistrement de données à caractère personnel. La Commission est invitée présenter une proposition visant à étendre le champ d'application du règlement (CE) n° 864/2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (Rome II)  aux violations du droit à la protection des données et à la vie privée. Le Conseil devrait pour sa part autoriser des négociations en vue de la signature d’un accord international qui permettrait aux citoyens européens de disposer de procédures de recours efficaces en cas de violation des droits qui leur sont garantis en vertu du droit européen sur la protection des données et la vie privée.

Le rapport souligne que les institutions, les organismes et les États membres de l'Union européenne devraient coordonner leur position à l'égard de la gouvernance de l’internet au sein des divers organismes internationaux qui s’y consacrent, tels que l'ICANN et ses organes consultatifs, y compris le comité consultatif des gouvernements (GAC). Il souligne dans ce contexte le rôle joué par l’ENISA (European Network and Information Society Agency) en vue de la création d’un espace européen unique de l’information, en particulier en qui concerne la prévention, l’examen et la résolution des problèmes sécuritaires relatifs au réseau et aux informations. Il préconise d'accroître l'efficacité de l'ENISA et se félicite de la proposition que la Commission présentera prochainement en vue de sa modernisation.

La Commission est invitée à faciliter l’adoption d’une approche communautaire cohérente et exhaustive dans la cadre du Forum mondial sur la gouvernance de l’internet (FGI) et des autres manifestations majeures relatives à la gouvernance de l’internet en soumettant au Parlement européen et au Conseil, pour discussion, un document présentant sa position longtemps avant toute manifestation de ce type. Le rapport recommande d’apporter les modifications suivantes au FGI: i) accroître la participation des pays en développement; ii) renforcer la visibilité dans les médias ; iii) organiser les réunions de manière plus efficace et mettre en place une plateforme stable destinée à faciliter la participation mondiale et renforcer le multilinguisme ; iv) améliorer la coordination et la coopération entre les forums mondiaux, régionaux et nationaux consacrés à la gouvernance de l’internet ; v) approfondir la coopération entre le Parlement européen et les parlements nationaux en ayant recours à tous les moyens technologiques disponibles, tels que les visioconférences et le réseau communautaire d’échange d’informations interparlementaires (IPEX).

Les députés soutiennent globalement la position de la Commission en faveur du modèle actuel de gestion de l’ICANN, fondé sur le rôle central du secteur privé. Ils considèrent toutefois que certains aspects de l’ICANN devraient être améliorés, notamment:  i) en mettant progressivement en place un nouveau mécanisme externe de règlement des différends apte à permettre aux parties concernées de demander une révision efficace, neutre, opportune et financièrement abordable des décisions de l’ICANN; ii) en diversifiant progressivement les sources de financement, ; iii) en assurant une représentation appropriée de toutes les parties intéressées au sein de l’ICANN; iv) en veillant à la représentation d’un vaste éventail d’intérêts et de régions au niveau du conseil d’administration et de la direction de l’ICANN; v) en utilisant une part raisonnable de son fonds de réserve afin d’encourager la participation de la société civile aux forums consacrés à la gouvernance de l'internet (en particulier dans les pays en développement).

Le rapport demande enfin à la Commission de soumettre au Parlement européen et au Conseil des rapports annuels sur les manifestations relatives à la gouvernance de l’internet qui ont eu lieu au cours de l’année écoulée, et de présenter le premier rapport de ce type d’ici à mars 2011.