Droits de l'homme et normes sociales et environnementales dans les accords commerciaux internationaux  
2009/2219(INI) - 26/10/2010  

La commission du commerce international a adopté le rapport d’initiative de Tokia SAÏFI (PPE, FR) sur les droits de l'homme et les normes sociales et environnementales dans les accords commerciaux internationaux.

Une stratégie commerciale comme outil de promotion des valeurs européennes : réaffirmant que, conformément au traité de Lisbonne, l'action extérieure de l'Union, dont le commerce est une partie intégrante, devait être guidée par les mêmes principes que ceux qui avaient inspiré la création de l’UE, les députés demandent que le commerce soit envisagé non pas comme une fin en soi mais comme un outil permettant de promouvoir les valeurs et les intérêts commerciaux européens et comme un instrument permettant d’inclure de façon systématique les principales normes sociales et environnementales. Pour cela, les députés estiment qu’il faut mettre en place une approche juridiquement contraignante, notamment dans les négociations de l’Union en vue de la conclusion d’accords commerciaux.

Droits de l'homme et normes sociales et environnementales dans les relations commerciales multilatérales : les députés souhaitent une plus grande coopération au niveau multilatéral entre l'OMC et les principales institutions des Nations unies dans le domaine des droits de l'homme. La position du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme pourrait notamment être prise en compte au sein des panels de l'OMC lorsque des violations graves des droits de l'homme sont constatées. Parallèlement, les députés estiment que l'approfondissement de la coopération avec l'OIT (organisation internationale du travail) s’avère essentiel. Ils proposent à cet effet toute une série de mesures destinées à renforcer le rôle de l’OIT au sein de l’OMC (en accordant par exemple le statut d’observateurs aux membres de l'OIT au sein de l'OMC).

Plus globalement, les députés réaffirment que les objectifs consistant à maintenir et à préserver un système commercial multilatéral ouvert et non discriminatoire n’est pas en contradiction avec l’objectif de protection de l'environnement et de la promotion d’un développement durable. Des enceintes existent à cet effet, notamment au sein de l’OMC pour allier intérêts commerciaux et impératifs environnementaux. Dans ce contexte les députés demandent :

  • l’aboutissement des négociations sur la réduction ou l'élimination des barrières tarifaires et non tarifaires pour les biens et services environnementaux, afin de promouvoir la création d'emplois et le travail décent;
  • une plus grande concomitance entre les règles existantes de l'OMC et les obligations commerciales énoncées dans les accords environnementaux multilatéraux (AEM) ;
  • l’achèvement des négociations en vue d'un accord multilatéral sur le climat, et dans l’attente, la mise en place, côté européen, pour les secteurs industriels véritablement exposés aux fuites de carbone, un "mécanisme d'inclusion carbone" dans le respect des règles de l'OMC destiné à lutter contre les risques de transferts d'émissions de CO2 vers les pays tiers;
  • la création d’une véritable organisation mondiale de l'environnement destinée à faire appliquer les engagements pris.

Droits de l'homme et normes sociales et environnementales dans les accords commerciaux bilatéraux : les députés soutiennent fermement l'inclusion de clauses juridiquement contraignantes sur les droits de l'homme dans les accords internationaux de l'Union. Celles-ci doivent être incluses dans tous les accords commerciaux et sectoriels, avec un mécanisme clair et précis de consultation sur le modèle de l'article 96 de l'accord de Cotonou. La même approche devrait également être appliquée en matière de développement durable dans les accords bilatéraux. Dans le contexte de la négociation d’accords commerciaux conclus en pleine crise financière, les députés demandent que l’on ne brade pas les normes sociales et environnementales au profit d'autres objectifs. Ils demandent au contraire à la Commission d'inclure de manière systématique, dans tous les accords de libre-échange qu'elle négocie avec des États tiers, une série de normes sociales et environnementales dont:

  • une liste de normes minimales incluant les huit conventions fondamentales de l'OIT et en matière environnementale et de respect des droits de l'homme, la liste des conventions relatives à l'environnement et aux principes de bonne gouvernance, telle que prévue par le règlement européen sur le schéma de préférences tarifaires généralisées (SPG);
  • une liste de conventions additionnelles, à appliquer de façon graduelle et flexible, tenant compte de l'évolution de la situation économique, sociale et environnementale du partenaire (correspondant aux objectifs de l'Agenda pour le travail décent de l'OIT).

Á tout le moins, les députés demandent que les futurs accords commerciaux imposent l'interdiction de l'exploitation des enfants, notamment pour l'extraction et la transformation des pierres naturelles, et prévoient un système de certification européen unique garantissant, preuves à l'appui, que tout au long de la chaîne de production aucun enfant n'a été exploité.

Les députés soulignent également l’importance d'un suivi continu de la mise en œuvre des dispositions prévues par les accords concernés. Ils proposent à cet effet une approche ouverte et inclusive dans toutes les phases de mise en œuvre, qu’il s’agisse de la phase de l’analyse d’impact sur le développement durable de l’accord, jusque et y compris à la phase de reporting régulier sur les progrès de mise en œuvre des engagements. Á cet effet, tant les parlements nationaux que la société civile devraient être associés aux négociations commerciales et au suivi de la mise en œuvre des accords.

Plus généralement, les députés demandent que les accords commerciaux de l'UE assurent les niveaux les plus élevés de transparence, de respect des normes de marchés publics et de suivi afin de lutter contre la fuite illicite des capitaux. Ils insistent tout particulièrement pour que l'Union fasse valoir le droit d'accès aux ressources naturelles dans les négociations des accords commerciaux ainsi que les droits des peuples autochtones et indigènes à accéder aux ressources naturelles essentielles. Les accords devraient en particulier intégrer des dispositions sur l'achat et la propriété des terres pour les pays les moins avancées.

En ce qui concerne la question du règlement des différends, les députés demandent que de nouvelles procédures soient prévues, comme une procédure de plaintes ouverte aux partenaires sociaux, l’institution d’instances appropriées pour régler les différends liés à des problèmes sociaux ou environnementaux, ou encore le recours à un mécanisme d’amendes ou de suspension temporaire de certains avantages commerciaux prévus aux accords.

Droits de l'homme et normes sociales et environnementales dans les relations commerciales unilatérales: SPG et SPG+ : insistant que le fait que, jusqu'ici, le SPG+ avait eu un impact décisif pour la ratification d’un certain nombre de conventions, les députés indiquent que des actions s’imposent maintenant pour garantir la mise en œuvre de ces textes. La Commission devrait donc lancer des enquêtes si des éléments concordants indiquent que certains pays ne mettent pas en œuvre les conventions concernées, et le cas échéant, supprimer les préférences. Les députés vont plus loin et considèrent qu'un lien plus étroit pourrait être établi entre les clauses sur les droits de l'homme et le SPG+ dans les accords de l'UE avec les pays tiers.

Ils demandent encore :

  • la simplification des règles d'origine dans le cadre de la révision du SPG, afin que les pays bénéficiaires de l'initiative "Tout sauf les armes" et du régime SPG+ puissent tirer le plus grand profit des préférences qui leur sont accordées;
  • la pleine participation du Parlement européen à l’établissement de la liste de bénéficiaires du SPG+ et au lancement des enquêtes en vue de la suspension temporaire du SPG+;
  • une proposition de règlement interdisant l'importation dans l'Union de biens produits par le biais de formes modernes d'esclavage, du travail forcé, notamment du travail forcé de groupes particulièrement vulnérables.

Enfin, les députés demandent que le Parlement soit dûment informé de toutes les phases de négociation sur la conclusion d’accords commerciaux internationaux et que, conformément au traité de Lisbonne, des représentants du Parlement puissent obtenir le statut d'observateurs, leur permettant d’accéder à toutes les réunions et à tous les documents pertinents.