Renforcer l'application des droits de propriété intellectuelle sur le marché intérieur  
2009/2178(INI) - 22/09/2010  

Le Parlement européen a adopté par 328 voix pour, 245 voix contre et 81 abstentions, une résolution sur l'application des droits de propriété intellectuelle (DPI) sur le marché intérieur en réponse à la communication de la Commission sur le même thème.

Si le Parlement accueille favorablement la communication de la Commission, il déplore que celle-ci ne traite pas de l'achèvement du cadre législatif au moyen d'une série d'initiatives pouvant permettre de lutter efficacement contre les atteintes à la propriété intellectuelle. La Commission est dès lors invitée à présenter au plus vite, d'ici la fin de l'année 2010, une stratégie complète en matière de DPI qui tienne compte de tous les aspects des DPI, y compris leur application et leur promotion, et qui supprimera les obstacles à la création d'un marché unique dans l'environnement en ligne et adaptera le cadre législatif européen en matière de DPI aux tendances actuelles de la société ainsi qu'aux évolutions techniques.

La résolution souligne que toute mesure adoptée afin d'appliquer les DPI doit respecter la charte des droits fondamentaux de l'UE, et être nécessaire, proportionnée et appropriée à une société démocratique. Le Parlement estime que la Commission devrait prendre en compte les aspects liés aux DPI dans toutes les politiques ou initiatives législatives pertinentes et examiner ces aspects dans tout processus d'analyse d'impact, dès lors qu'une proposition aurait des conséquences en matière de propriété intellectuelle, en tenant compte les problèmes spécifiques rencontrés par les PME.

Le Parlement ne partage pas, au vu de l'expérience des titulaires de droits dans certains États membres, la conviction de la Commission lorsque celle-ci affirme que le cadre d'application des mesures de droit civil pour le respect des DPI au sein de l'Union est suffisamment efficace et harmonisé pour garantir un fonctionnement adapté du marché intérieur. Il rappelle à la Commission que le rapport sur la mise en œuvre de la directive 2004/48/CE est essentiel pour confirmer ces conclusions. Il estime en outre qu'il convient de créer, dans le cadre juridique européen, un droit de recours contre les personnes portant atteinte aux droits de propriété intellectuelle. Il rappelle au passage qu'il existe dans le domaine culturel une exception aux DPI qui est la «copie privée».

La Commission est invitée à veiller à ce que les mesures visant au renforcement de l'application des droits de propriété intellectuelle sur le marché intérieur ne portent pas atteinte au droit légitime à l'interopérabilité, cette dernière étant essentielle pour une concurrence saine sur le marché de la diffusion des œuvres numériques, notamment pour les auteurs et utilisateurs de logiciels libres.

L'Observatoire européen de la contrefaçon et du piratage :  le Parlement salue la mise en place de l'Observatoire comme outil de centralisation des statistiques et des données qui serviront de base pour orienter les propositions à mettre en œuvre pour lutter efficacement contre la contrefaçon et les atteintes aux DPI sur internet. Il invite la Commission à produire un rapport sur la meilleure manière d'utiliser Europol et les structures de coopération existantes entre les autorités douanières pour lutter le mieux possible contre les atteintes aux DPI de nature pénale. Dans la foulée, la Commission est invitée : i) à définir plus clairement les missions qui seront confiées à l'Observatoire ; ii) à informer le Parlement et le Conseil des résultats des activités de l'Observatoire au moyen de rapports annuels où la Commission propose les solutions nécessaires pour améliorer la législation en matière de DPI.

Sensibilisation des consommateurs : le Parlement invite la Commission et les États membres, en association avec les acteurs concernés, à mettre en place une campagne de sensibilisation à l'échelle européenne, nationale et locale sur les risques des produits contrefaits pour la santé et la sécurité des consommateurs, ainsi que sur les incidences négatives de la contrefaçon et des atteintes aux DPI pour l'économie et la société. Il souligne la nécessité de sensibiliser davantage les consommateurs, en particulier les jeunes consommateurs européens, à la nécessité de respecter les DPI. La Commission est également invitée à faire pression sur la branche économique afin que celle-ci mette en place de nouveaux moyens de paiement, de sorte que les consommateurs européens puissent acheter plus facilement des contenus en toute légalité, ce qui permettra un développement du téléchargement légal dans l'Union.

Combattre les violations et défendre les DPI sur internet : le Parlement souligne que la très forte augmentation du partage non autorisé de fichiers contenant des œuvres protégées par des droits d'auteur représente un problème croissant pour l'économie européenne en termes d'opportunités d'emplois et de revenus pour l'industrie. Plusieurs facteurs ont permis le développement d’un tel phénomène, dont notamment les avancées technologiques et le manque d'offres légales. Le Parlement rappelle toutefois que ce problème constitue une violation des DPI auquel il convient de trouver des solutions. Il demande en particulier l'établissement d'une réglementation spécifique garantissant que les consommateurs privés qui ont reçu, en toute légitimité et pour leur usage personnel, des reproductions de produits originaux soumis à la protection des DPI ne soient pas tenus de prouver la légitimité de ces reproductions. Il estime qu'il revient aux personnes qui y ont un intérêt de prouver toute violation éventuelle des règles de protection des DPI.

La Commission est également invitée à :

  • faire pression sur les entreprises du secteur pour qu'elles proposent de nouvelles modalités de paiement, afin de rendre plus facile l'achat par les consommateurs européens, de contenus proposés légalement ;
  • réfléchir aux méthodes permettant de faciliter l'accès de l'industrie au marché numérique sans frontières géographiques, en tenant compte des caractéristiques de chaque secteur, en examinant au plus vite la question des licences multiterritoriales lorsqu'il existe une demande importante des consommateurs, et en se penchant sur l'absence de législation harmonisée dans le domaine des droits d'auteur et sur un système de gestion des droits efficace et transparent ;
  • réexaminer la question de la gestion transfrontalière des droits et remédier à l'actuelle insécurité juridique créée par la recommandation 2005/737/CE de la Commission du 18 octobre 2005 relative à la gestion collective transfrontalière du droit d'auteur, en tenant compte du fait que le droit d'auteur est, par nature, territorial pour des raisons culturelles, traditionnelles et linguistiques, et en garantissant un système de licences paneuropéen donnant aux consommateurs un accès au plus vaste choix de contenus possible, sans que cela se fasse au détriment du répertoire local européen;
  • identifier les problèmes et les besoins spécifiques des PME et leur permettre de mieux se protéger, dans l'Union comme dans les pays tiers.

Le Parlement soutient encore les initiatives prises par la Commission pour identifier les meilleurs moyens d'améliorer encore le règlement douanier de l'UE, qui permet la retenue de marchandises soupçonnées de porter atteinte aux DPI et constitue ainsi l'un des piliers du cadre juridique européen de mise en œuvre des DPI.

La Commission est en outre invitée à : i) développer une coopération innovante et renforcée entre l'administration et les différents secteurs industriels concernés; ii) étendre à la lutte contre les atteintes à la propriété intellectuelle, la coopération entre l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur et les offices nationaux de la propriété intellectuelle.

Dimension internationale et incidences sur le marché intérieur : le Parlement soutient la poursuite et le renforcement, par la Commission, des initiatives de coopération bilatérale, y compris les dialogues sur la propriété intellectuelle avec les pays tiers et les projets d'assistance technique.

Pour sa part, la Commission est invitée à :

  • intensifier sa coopération avec les pays tiers prioritaires en matière de propriété intellectuelle et à promouvoir une approche équilibrée dans le cadre des négociations sur la propriété intellectuelle au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), en particulier dans le cadre de l'accord de l'OMC sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC);
  • poursuivre son action pour faire avancer les négociations sur l'accord commercial anti-contrefaçon (ACAC) et améliorer l'efficacité du système de mise en œuvre des DPI face à la contrefaçon, en tenant pleinement compte de la position du Parlement, définie en particulier dans sa résolution du 18 décembre 2008 sur l'impact de la contrefaçon sur le commerce international.

Soulignant que le plus grand défi pour le marché intérieur consiste à lutter contre les atteintes à la propriété intellectuelle aux frontières extérieures de l'UE et dans les pays tiers, le Parlement appelle la Commission à créer davantage de bureaux d'assistance sur les droits de propriété intellectuelle dans les pays tiers (notamment en Inde et en Russie), afin d'aider les entrepreneurs européens à mieux faire respecter leurs droits de propriété intellectuelle et d'empêcher l'entrée, sur le marché intérieur, de contrefaçons produites dans ces pays.

Criminalité organisée : soulignant enfin l'importance de combattre la criminalité organisée dans le domaine des DPI, la résolution insiste sur la nécessité de mettre en place une législation européenne prévoyant des mesures proportionnelles et justes, et soutient la mise en place d'une coopération stratégique et opérationnelle étroite entre toutes les parties intéressées au sein de l'Union, en particulier Europol, les autorités nationales et le secteur privé, ainsi qu'avec les États non membres de l'Union et les organisations internationales.

Á noter que la Plénière a rejeté deux propositions de résolution de remplacement présentées respectivement par le groupe ALDE (rejetée par 555 voix contre 78 et 19 abstentions) et par les groupes S&D, Verts/ALE et GUE/NGL (rejetée par 373 voix contre 235 et 48 abstentions).