Droits de l'homme et normes sociales et environnementales dans les accords commerciaux internationaux  
2009/2219(INI) - 25/11/2010  

Le Parlement européen a adopté par 531 voix pour, 18 voix contre et 44 abstentions une résolution sur les droits de l'homme et les normes sociales et environnementales dans les accords commerciaux internationaux.

Sachant que le lien entre commerce, droits de l'homme et normes sociales et environnementales est devenu un élément clé des relations économiques et commerciales et fait partie intégrante des négociations dans le cadre des accords de libre-échange, le Parlement demande que le commerce soit envisagé non pas comme une fin en soi mais comme un outil permettant de promouvoir les valeurs et les intérêts commerciaux européens et comme un instrument permettant d’inclure de façon systématique ces normes sociales de base. Dans ce contexte, le Parlement demande la mise en place d’une approche juridiquement contraignante, notamment dans les négociations de l’Union en vue de la conclusion d’accords commerciaux.

Droits de l'homme et normes sociales et environnementales dans les relations commerciales multilatérales : le Parlement souhaite une plus grande coopération au niveau multilatéral entre l'OMC et les principales institutions des Nations unies dans le domaine des droits de l'homme. La position du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme pourrait notamment être prise en compte au sein des panels de l'OMC lorsque des violations graves des droits de l'homme sont constatées. Parallèlement, le Parlement estime que l'approfondissement de la coopération avec l'OIT (organisation internationale du travail) s’avère essentiel. Il propose à cet effet toute une série de mesures destinées à renforcer le rôle de l’OIT au sein de l’OMC (en accordant par exemple le statut d’observateurs aux membres de l'OIT au sein de l'OMC). De la même manière, il demande que l'examen périodique universel au sein du Conseil des droits de l'homme devienne un outil pour effectuer le suivi du respect des dispositions liées aux droits de l'homme dans les accords commerciaux internationaux.

Plus globalement, le Parlement réaffirme que les objectifs consistant à maintenir et à préserver un système commercial multilatéral ouvert et non discriminatoire n’est pas en contradiction avec l’objectif de protection de l'environnement et de promotion d’un développement durable. Des enceintes existent à cet effet, notamment au sein de l’OMC pour allier intérêts commerciaux et impératifs environnementaux. Dans ce contexte, le Parlement demande :

  • l’amélioration de l'accès aux biens et aux technologies vertes pour atteindre les objectifs du développement durable ;
  • l’aboutissement des négociations sur la réduction ou l'élimination des barrières tarifaires et non tarifaires pour les biens et services environnementaux, afin de promouvoir la création d'emplois et le travail décent;
  • une plus grande concomitance entre les règles existantes de l'OMC et les obligations commerciales énoncées dans les accords environnementaux multilatéraux (AEM) ;
  • l’achèvement des négociations en vue d'un accord multilatéral sur le climat, et dans l’attente, la mise en place, côté européen, pour les secteurs industriels véritablement exposés aux fuites de carbone, des outils environnementaux complémentaires à la mise aux enchères des quotas de CO2 du SCEQE, notamment un «mécanisme d'inclusion carbone» dans le respect des règles de l'OMC, car un tel mécanisme permettrait  de lutter contre les risques de transferts d'émissions de CO2 vers les pays tiers;
  • la création d’une véritable organisation mondiale de l'environnement destinée à faire appliquer les engagements pris.

Droits de l'homme et normes sociales et environnementales dans les accords commerciaux bilatéraux : le Parlement soutient fermement l'inclusion de clauses juridiquement contraignantes sur les droits de l'homme dans les accords internationaux de l'Union. Celles-ci doivent être incluses dans tous les accords commerciaux et sectoriels, avec un mécanisme clair et précis de consultation sur le modèle de l'article 96 de l'accord de Cotonou. La même approche devrait également être appliquée en matière de développement durable dans les accords bilatéraux. Dans le contexte de la négociation d’accords commerciaux conclus en pleine crise financière, le Parlement demande que l’on ne brade pas les normes sociales et environnementales au profit d'autres objectifs. Il demande au contraire à la Commission d'inclure de manière systématique, dans tous les accords de libre-échange qu'elle négocie avec des États tiers, une série de normes sociales et environnementales dont:

  • une liste de normes minimales incluant les huit conventions fondamentales de l'OIT et en matière environnementale et de respect des droits de l'homme, la liste des conventions relatives à l'environnement et aux principes de bonne gouvernance, telle que prévue par le règlement européen sur le Schéma de préférences tarifaires généralisées (SPG);
  • une liste de conventions additionnelles, à appliquer de façon graduelle et flexible, tenant compte de l'évolution de la situation économique, sociale et environnementale du partenaire (correspondant aux objectifs de l'Agenda pour le travail décent de l'OIT).

Á tout le moins, le Parlement demande que les futurs accords commerciaux imposent l'interdiction de l'exploitation des enfants, notamment pour l'extraction et la transformation des pierres naturelles, et prévoient un système de certification européen unique garantissant, preuves à l'appui, que tout au long de la chaîne de production aucun enfant n'a été exploité.

Le Parlement souligne que le respect de ces normes doit être entendu comme incluant à la fois leur ratification, leur transposition en droit national et leur mise en œuvre effective sur l'ensemble du territoire national. Il souligne également l’importance d'un suivi continu de la mise en œuvre des dispositions prévues par les accords concernés. Il propose à cet effet une approche ouverte et inclusive dans toutes les phases de mise en œuvre, qu’il s’agisse de la phase de l’analyse d’impact sur le développement durable de l’accord, jusque et y compris à la phase de reporting régulier sur les progrès de mise en œuvre des engagements. Á cet effet, tant les parlements nationaux que la société civile devraient être associés aux négociations commerciales et au suivi de la mise en œuvre des accords.

Plus généralement, le Parlement demande que les accords commerciaux de l'UE assurent les niveaux les plus élevés de transparence, de respect des normes de marchés publics et de suivi afin de lutter contre la fuite illicite des capitaux. Il insiste tout particulièrement pour que l'Union fasse valoir le droit d'accès aux ressources naturelles dans les négociations des accords commerciaux ainsi que les droits des peuples autochtones et indigènes à accéder aux ressources naturelles essentielles. Les accords devraient en particulier intégrer des dispositions sur l'achat et la propriété des terres pour les pays les moins avancées.

En ce qui concerne la question du règlement des différends, le Parlement demande que de nouvelles procédures soient prévues, comme une procédure de plaintes ouverte aux partenaires sociaux, l’institution d’instances appropriées pour régler les différends liés à des problèmes sociaux ou environnementaux, ou encore le recours à un mécanisme d’amendes ou de suspension temporaire de certains avantages commerciaux prévus aux accords.

Droits de l'homme et normes sociales et environnementales dans les relations commerciales unilatérales: SPG et SPG+ : insistant que le fait que, jusqu'ici, le SPG+ avait eu un impact décisif pour la ratification d’un certain nombre de conventions, le Parlement indique que des actions s’imposent maintenant pour garantir la mise en œuvre de ces textes. La Commission devrait donc lancer des enquêtes si des éléments concordants indiquent que certains pays ne mettent pas en œuvre les conventions concernées, et le cas échéant, supprimer les préférences. Le Parlement va plus loin et considère qu'un lien plus étroit pourrait être établi entre les clauses sur les droits de l'homme et le SPG+ dans les accords de l'UE avec les pays tiers, en particulier en ce qui concerne le suivi.

Il demande encore :

  • que dans le cadre du processus de révision du régime SPG, l’on fasse en sorte qu'il bénéficie surtout aux pays qui en ont le plus besoin, en simplifiant les règles d'origine, afin que les pays bénéficiaires de l'initiative "Tout sauf les armes" et du régime SPG+ puissent tirer le plus grand profit des préférences qui leur sont accordées;
  • la pleine participation du Parlement européen à l’établissement de la liste de bénéficiaires du SPG+ et au lancement des enquêtes en vue de la suspension temporaire du SPG+;
  • une proposition de règlement interdisant l'importation dans l'Union de biens produits par le biais de formes modernes d'esclavage, du travail forcé, notamment du travail forcé de groupes particulièrement vulnérables.

Enfin, le Parlement demande à être dûment informé de toutes les phases de négociation sur la conclusion d’accords commerciaux internationaux et que, conformément au traité de Lisbonne, des représentants du Parlement puissent obtenir le statut d'observateurs, lui permettant d’accéder à toutes les réunions et à tous les documents pertinents.