Chaîne de distribution des intrants agricoles: structure et implications  
2011/2114(INI) - 19/01/2012  

Le Parlement européen a adopté une résolution sur la chaîne de distribution des intrants agricoles (structures et implications).

Actuellement l'agriculture de l'Union dépend fortement des importations d'intrants, principalement des combustibles fossiles, mais également des aliments pour animaux et des minéraux rares servant d'amendements pour sol, tels que le phosphate, ce qui la rend vulnérable par rapport aux augmentations des prix. Les prix des intrants devraient encore augmenter en raison de la raréfaction des ressources, de la demande croissante dans les économies émergentes et des politiques qui rendent difficile l'accès des agriculteurs de l'Union à des aliments pour animaux moins onéreux disponibles sur le marché mondial.

Forte volatilité des prix : la résolution note que la forte volatilité des prix des matières premières agricoles et des intrants agricoles a nourri l’insécurité des revenus agricoles et des investissements à long terme des agriculteurs, un phénomène d’autant plus marqué dans les régions les plus isolées, montagneuses, insulaires et ultrapériphériques. Selon Eurostat, les coûts des intrants des agriculteurs de l’Union ont grimpé en moyenne de près de 40% entre 2000 et 2010, contre moins de 25% pour les prix au départ de la ferme. Au cours de cette décennie, l’augmentation des coûts des intrants a atteint 60% pour l’énergie et les lubrifiants, près de 80% pour les engrais synthétiques et les amendements pour sol, plus de 30% pour les semences et les stocks de plantation et près de 13% pour les produits phytosanitaires.

Transparence et respect des règles de concurrence : le Parlement demande à la Commission et aux États membres d’accroître la transparence des prix des intrants et de veiller à ce que les règles de concurrence soient respectées et appliquées en amont et en aval de la chaîne de commercialisation des produits alimentaires. Il demande un contrôle plus approfondi et une meilleure analyse, tant au niveau de l’Union qu’au niveau mondial, des principes économiques fondamentaux qui expliquent l’augmentation des prix de l’alimentation.

La Commission est notamment invitée à :

  • préciser son analyse des raisons sous-jacentes aux fluctuations extrêmes du marché et à chercher à clarifier davantage les interactions entre la spéculation et les marchés agricoles, ainsi qu’entre les marchés de l’énergie et les prix des denrées alimentaires de base ;
  • promouvoir des pratiques agronomiques plus efficientes et une gestion des ressources agricoles plus efficace et durable, en vue de mettre en place une agriculture stable et productive, de réduire les coûts des intrants ainsi que le gaspillage de nutriments,
  • mieux évaluer l’impact de la législation européenne sur la durabilité et la compétitivité de l’agriculture de l’Union.

Le Parlement demande aux autorités nationales et européennes de réagir aux abus de position dominante de certains négociants de l’industrie agroalimentaire, du commerce alimentaire de détail et du commerce d’intrants, notamment dans le secteur des engrais. La Commission est invitée à lancer une étude sur les différences d’approche entre les 27 autorités nationales de la concurrence et les politiques existantes et à encourager des solutions qui impliquent la participation de tous les partenaires de la chaîne de production alimentaire et qui empêchent les positions dominantes de l’une ou de plusieurs parties de la chaîne d’intrants ou de production. Les députés estiment qu’il convient d’établir un système de contrôle effectif de ces pratiques, par voie administrative ou judiciaire, ainsi qu’un système d’évaluation et de suivi des États membres par la Commission, et de fixer des sanctions suffisamment dissuasives qui soient appliquées en temps utile.

La résolution plaide pour que la nouvelle PAC intègre des mesures de soutien spécifiques pour une gestion meilleure et plus efficace des ressources et des pratiques durables susceptibles de réduire l’utilisation et les coûts des intrants et d’améliorer la capacité des agriculteurs à s’adapter à la vulnérabilité à la volatilité des prix, notamment des mesures pour soutenir les chaînes courtes alimentaires et d’intrants. Se réjouissant de l'importance accrue accordée par la Commission à la bioéconomie de l'Europe, les députés demandent qu’une partie substantielle du prochain programme-cadre de recherche soit consacrée à la recherche et au développement en matière d'utilisation et de gestion efficiente des intrants et en matière d'amélioration de l’efficacité agronomique.

Énergie : le Parlement demande à la Commission et aux États membres de promouvoir les investissements dans les économies d’énergie et la production d’énergie renouvelable dans le cadre de projets de partenariat au niveau de l’exploitation ou au niveau local (énergie éolienne, énergie solaire, biomasse, biogaz, géothermie, etc.) mis en place par des intervenants locaux et en mettant particulièrement l’accent sur l’utilisation des déchets et des sous-produits.

La Commission est invitée à :

  • reconnaître le lisier traité comme un substitut d’engrais synthétique dans la directive sur les nitrates, en vue de sa valorisation en tant que substance énergétique;
  • s’assurer que les mesures publiques de soutien à la biomasse et aux biocarburants, y compris au biogaz, n’entraînent pas de concurrence insoutenable des ressources entre la production de denrées alimentaires et la production d’énergie, qui doivent être organisées de manière durable;
  • contribuer à la création d’un nouveau revenu pour les agriculteurs en favorisant l’intégration de l’énergie et de la chaleur produites à partir des sources d’énergies renouvelables dans les systèmes et réseaux énergétiques privés et publics.

Amendements pour sol et produits phytosanitaires : la résolution demande de prévoir, dans la réforme de la PAC après 2013, des mesures efficaces et incitatives, telles que la diversification des cultures, notamment une plantation de légumes et une rotation des cultures adaptées aux conditions locales, compte tenu de leur contribution positive à l'atténuation du changement climatique, à la qualité du sol et de l'eau et à la capacité des agriculteurs à réduire leurs coûts de production.

Les députés demandent à la Commission et au Conseil :

  • d'ajouter les investissements dans l'agriculture de précision à une liste facultative de mesures écologiques de l'Union qui feront l'objet de récompenses dans le cadre de la PAC ;
  • de promouvoir le recyclage des nutriments (surtout le phosphate et l’azote) à partir de flux de déchets, sous réserve de recherches approfondies sur l’utilisation qui peut en être faite, du traitement adéquat des substances potentiellement nocives et de contrôles rigoureux ;
  • de mieux évaluer l’impact de la perte de produits phytosanitaires sur la compétitivité et la durabilité de l’agriculture européenne.

Alimentation animale : la résolution souligne la nécessité d’introduire dans la nouvelle PAC des mesures et des instruments pour soutenir les agriculteurs qui cultivent des protéagineux, d’autant plus que ceci peut permettre non seulement de réduire le déficit de l’Union en protéagineux ainsi que la volatilité des prix, mais aussi d’améliorer les pratiques agricoles et de renforcer la fertilité des sols.

Les députés soulignent que, si l’augmentation de la production des cultures de protéagineux présente certains avantages, il est peu probable qu’elle ait un impact significatif sur les importations d’alimentation animale provenant de l'extérieur de l'Union. Ils estiment donc que d’autres voies doivent être explorées, à court terme, pour remédier au déficit de l’Union en protéines végétales et soulignent, en particulier, le rôle fondamental des importations de soja. Ils demandent une nouvelle fois à la Commission de soumettre rapidement au Parlement et au Conseil un rapport sur les options qui permettraient d'augmenter la production de protéagineux à l'intérieur de l'Union.

Semences : le Parlement demande à la Commission et aux États membres :

  • de conserver, dans le cadre de la refonte à venir du règlement (CE) n° 2100/94 instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales, la possibilité pour les agriculteurs d'utiliser des semences produites et transformées dans leur exploitation, compte tenu des avantages économiques, culturels et environnementaux que cette pratique peut représenter pour la biodiversité agricole;
  • de soutenir les projets de recherche qui étudient l'obtention de variétés végétales qui conservent leurs caractéristiques à long terme, tout en promouvant des mesures destinées à stimuler la culture de plantes fourragères locales telles que le lin, le triticale, les fèves (Vicia Lathyroides), etc.

La Commission est invitée à envisager la création d’une banque européenne de semences, afin de conserver et de préserver la variété génétique des plantes, de lutter contre la perte de biodiversité et de lier la diversité des cultures au patrimoine culturel des États membres.

Prix des terres et rente foncière : la Commission est invitée à mener une étude sur l’impact de la location de terres et de l’augmentation des coûts liés à l’achat et à la location de terres sur les secteurs agricoles des États membres.

La résolution souligne que les droits au paiement unique par exploitation, lorsqu’ils sont fondés sur des valeurs historiques ou quand ils sont échangeables sans terres, peuvent être rachetés au prix fort par des investisseurs ou des spéculateurs afin de s’assurer un revenu constant plutôt que de pratiquer une activité agricole active. Les députés demandent à la Commission, au Parlement, aux États membres et aux régions de veiller à ce que la réforme de la PAC réponde à ces problèmes de manière satisfaisante et que les droits au paiement soient accessibles à tous les agriculteurs à des fins de production active.

Eau :  le Parlement invite la Commission à travailler, dans le cadre de la réforme de la PAC et de la directive-cadre sur l’eau, en faveur de meilleurs systèmes d’irrigation, de drainage et d’accumulation des eaux destinées à l’agriculture, qui utilisent l'eau de manière plus efficiente et qui permettent d'améliorer les capacités d’emmagasinage des eaux dans le sol, la récupération de l’eau dans les zones arides et son évacuation dans les zones humides.

La Commission est invitée à élaborer des solutions pour le problème du drainage. Les députés attirent, à ce sujet, l'attention sur la contribution positive de l'agriculture de précision en matière d'utilisation de l'eau (grâce à la surveillance par GPS de l'état des sols et aux prévisions climatiques) et demandent que les investissements dans ces solutions innovantes puissent être couverts par les options écologiques de la future PAC. Ils plaident également pour que la formation des agriculteurs en gestion efficiente des eaux, en drainage et en irrigation soit davantage soutenue.