Résolution sur le rapport de suivi 2011 concernant l'ancienne République yougoslave de Macédoine  
2011/2887(RSP) - 14/03/2012  

Le Parlement européen a adopté par 582 voix pour, 70 voix contre et 34 abstentions une résolution préparée par sa commission des affaires étrangères sur le rapport de suivi 2011 concernant l'ancienne République yougoslave de Macédoine.

D’une manière générale, le Parlement appelle le Conseil à fixer, dans les plus brefs délais, une date au début des négociations d'adhésion avec le pays. Il souscrit à l'évaluation faite par la Commission dans son rapport de suivi 2011 en ce qui concerne le respect continu des critères politiques par le pays tout en déplorant que, pour la 3ème année consécutive, le Conseil n’ait pas décidé d'ouvrir les négociations d'adhésion avec le pays.

Sans vouloir freiner les progrès encourageants d'autres pays des Balkans occidentaux sur la voie de l'adhésion à l'Union, le Parlement craint que l'impossibilité pour aucun pays de cette région de continuer d'évoluer vers l'adhésion de l'Union ne risque, en fin de compte, de menacer la stabilité et la sécurité de tous. Pour le Parlement, même si chaque pays candidat avance à son propre rythme et avec sa propre dynamique d'adhésion, il revient à l'Union européenne de ne pas laisser le pays en arrière.

Réactions négatives du peuple macédonien : suite au refus du Conseil de suivre la position la Commission d’engager des négociations, un sentiment de frustration et un mécontentement légitimes a gagné l'opinion publique du pays. Le Parlement estime à cet égard que l'ouverture, le 15 mars 2012, du dialogue d'adhésion de haut niveau de la Commission avec ce pays constitue un pas en avant dans le processus d'adhésion et estime que ce dialogue devrait porter sur le système judiciaire et les droits fondamentaux,  la justice, la liberté et la sécurité.

Dénomination du pays : le Parlement rappelle que le partenariat d'association a demandé de redoubler d'efforts, dans un esprit constructif, pour trouver, avec la Grèce, une solution négociée et mutuellement acceptable au problème de la dénomination du pays, dans le cadre des résolutions 817(1993) et 845(1993) du Conseil de sécurité des Nations unies. Á cet effet, il prend acte de l'arrêt de la Cour internationale de justice du 5 décembre 2011 en ce qui concerne le différend sur le nom et indique que cette décision devrait donner un nouvel élan à l'idée d'assurer que tous les efforts soient faits afin de résoudre, sous l'égide de l'ONU, le différend sur le nom. Toutes les parties sont appelées à se conformer de bonne foi à cet arrêt et à en faire usage pour intensifier leur dialogue. Il regrette que ce différend continue de bloquer la voie du pays vers l'adhésion à l'Union et, par conséquent, entrave le processus d'élargissement. Il souligne au passage que de bonnes relations de voisinage sont un critère essentiel pour le processus d'élargissement de l'Union. De manière générale, les députés renouvellent leur appel à la vice-présidente/haute représentante et au commissaire chargé de l'élargissement de faciliter l'obtention d'un accord sur le différend sur le nom et de prévoir un référendum sur cette question.

Processus d’adhésion : les députés soulignent l'importance de maintenir l'élan du processus d'adhésion. Ils saluent, à cet égard, la proposition du gouvernement du pays de fixer une date limite pour régler le différend sur le nom, au plus tard avant la fin du processus d'examen analytique qui devrait être engagé par la Commission dès le début des négociations. Ils remarquent que la poursuite en parallèle de la résolution du dossier bilatéral et des négociations d'adhésion, sur la même base que pour le modèle Slovénie-Croatie, serait bénéfique tant au pays qu'à l'Union.

Coopération parlementaire : le Parlement demande un renforcement du dialogue politique, en attirant l'attention sur le parlement en tant qu'institution démocratique essentielle pour la discussion et la résolution de problèmes liés à des différences politiques. Il félicite le pays pour l'organisation des élections législatives anticipées du 5 juin 2011, ouvertes, transparentes et organisées correctement dans l'ensemble du pays même si quelques insuffisances ont pu être remarquées.

Développement économique : au plan économique, le Parlement rend hommage au pays pour ses bonnes performances et le maintien de la stabilité macroéconomique. Il reste persuadé que le potentiel d'investissement, d'échanges commerciaux et de développement économique demeure un argument décisif pour poursuivre l'adhésion du pays à l'Union. Globalement, le Parlement demande le renforcement du système judiciaire indépendant, ainsi qu'une administration professionnelle, impartiale et compétente, dans le pays. Les députés insistent en outre sur : i) la lutte contre le chômage et la pauvreté ; ii) la protection des groupes vulnérables par l'instauration d'un climat encourageant à investir davantage dans les affaires, iii) le soutien aux PME.

Lutte contre la corruption : rappelant que le pays avait gagné 40 places dans l'indice de lutte contre la corruption de l'organisation Transparency International, les députés déplorent que ce problème reste grave dans ce pays et appelle à la création d’une liste des personnes condamnées pour corruption. Ils plaident pour un renforcement de la protection juridique et institutionnelle des dénonciateurs et demandent au gouvernement de fournir le financement et le personnel nécessaires à la commission nationale responsable de la prévention de la corruption. Ils encouragent en outre les autorités compétentes à continuer à appliquer la législation pour lutter contre la corruption et améliorer l'indépendance, l'efficacité et les ressources du pouvoir judiciaire.

Accord-cadre d'Ohrid : les députés soulignent que cet accord peut servir de modèle de résolution efficace de conflits interethniques réussissant à préserver l'intégrité territoriale et à réformer les structures de l'État. Ils soulignent, néanmoins, qu'il faut poursuivre et intensifier encore les efforts accomplis en vue de parvenir à une réconciliation totale des parties et de jeter les bases de la consolidation d'institutions démocratiques non partisanes et interethniques. Le Parlement constate cependant l'utilisation de différends historiques dans le débat actuel, y compris le phénomène dit d'antiquisation, ce qui risque d'aggraver les tensions avec les pays voisins et de provoquer de nouvelles divisions internes. Les députés insistent tout particulièrement pour que l’on lutte contre la séparation entre les enfants des différents groupes ethniques dans le système éducatif, tout en soutenant le droit de chacun à recevoir un enseignement dans sa langue maternelle. Ils demandent l’élaboration de nouveaux manuels scolaires visant à améliorer la compréhension mutuelle et de cesser la pratique dommageable de l'alternance ethnique encore appliquée aujourd'hui dans certaines écoles.

Décentralisation : les députés soutiennent la prise de mesures décisives en faveur de la décentralisation politique du pays. Ils plaident également pour un rééquilibrage significatif entre le budget central et les budgets locaux afin de parvenir à cette décentralisation. D’une manière générale, ils vantent la réussite du programme de coopération entre municipalités, mené avec l'assistance du Programme des Nations unies pour le développement et appellent l'Union européenne à accroître son propre soutien à cette pratique.

Droits fondamentaux : les députés s’inquiètent de l'évolution récente des médias et invitent le pays à faire preuve d'un engagement absolu en faveur du pluralisme et des libertés dans les médias. Ils demandent instamment aux autorités de garantir le respect de l'état de droit et la liberté des médias dans le pays, et appellent les chaînes de télévision nationales à respecter les objectifs d’impartialité.

D’autres mesures sont réclamées pour :

  • renforcer l’indépendance des journalistes ;
  • lutter contre les discriminations, notamment à l'encontre de citoyens revendiquant ouvertement une identité ou une origine ethnique bulgares ou des homosexuels ;
  • renforcer l'égalité entre les hommes et les femmes ;
  • renforcer les droits et l’intégration des Roms;
  • renforcer la société civile ;
  • améliorer les droits professionnels et syndicaux.

Justice et affaires intérieures : globalement, le Parlement souhaite le renforcement de l'indépendance de l’appareil judiciaire et de la police. D’autres mesures sont réclamées comme : i) l’amélioration du milieu carcéral ; ii) la lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme ; iii) la procédure de divulgation des noms des agents affiliés aux anciens services secrets yougoslaves, cette révélation constituant une avancée décisive dans la rupture avec le passé communiste ; iv) une gestion plus efficace des flux de migration ; v) la défense du régime de libéralisation des visas comme clef de voûte des relations entre le pays et l'Union.

Administration publique : les députés se réjouissent de l'adoption de la stratégie de réforme de l'administration publique, mise à jour jusqu'en 2015, et de l’ensemble des mesures prises dans ce contexte. Ils demandent toutefois au gouvernement et à la Commission d'accélérer les travaux sur la coordination interministérielle afin de permettre au pays de tirer pleinement parti des ressources disponibles dans le cadre de l’instrument de préadhésion.

Autres questions liées aux réformes : parmi les mesures vivement encouragées par le Parlement pour préparer l’adhésion figurent encore :

  • la promotion des sources d'énergie renouvelables ;
  • le renforcement de la législation en matière d'environnement ;
  • la modernisation des réseaux de transport, d'énergie et de télécommunications ;
  • la création avec la Bulgarie et la Grèce de comités communs d'experts en histoire et en éducation, afin de contribuer à une interprétation de l'histoire objective et fondée sur les faits, au renforcement de la coopération universitaire et à la promotion d'une attitude positive des jeunes générations envers leurs voisins;
  • une coopération renforcée dans le domaine des universités avec l’UE ;
  • l'alignement des positions de ce pays avec les positions communes de l'Union dans le domaine de la politique étrangère;
  • le renforcement de la coopération régionale en tant qu'élément essentiel de la progression vers l'Union européenne (avec l'Albanie, le Monténégro).

Le Parlement salue enfin l'implication du pays dans plusieurs activités importantes au niveau international, telles que sa participation à l'opération militaire de l'Union européenne en Bosnie-et-Herzégovine (EUFOR/ALTHEA), sa présidence en 2012-2013 du processus de coopération en Europe du Sud-est, ainsi que son étroite coopération avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie.