Commerce pour le changement: stratégie commerciale et d'investissement de l'Union pour le sud de la Méditerranée à la suite des révolutions du printemps arabe  
2011/2113(INI) - 10/05/2012  

Le Parlement européen a adopté par 479 voix pour, 64 voix contre et 40 abstentions, une résolution sur le commerce pour le changement: stratégie de l'Union européenne en matière de commerce et d'investissements pour le sud de la Méditerranée après les révolutions du Printemps arabe.

Les députés estiment que le printemps arabe est un événement historique sans précédent, déclenché par les aspirations de liberté, de droits démocratiques et d'amélioration des conditions de vie des peuples. Ils sont conscients que les sociétés des pays du sud de la Méditerranée (PSM) ont une forte attente d'aide accrue et plus équitable de l'UE en matière de réformes démocratiques et de véritable développement économique au bénéfice de tous. Toutefois, les avancées dues aux révolutions du printemps arabe n’étant pas encore pleinement consolidées, l'UE devrait mettre rapidement en œuvre son programme sur le commerce pour le changement.

La résolution souligne que l'un des principaux rôles du Parlement européen consiste à renforcer le dialogue politique, la compréhension mutuelle et la confiance entre l'Europe et les pays tiers, dont les PSM, où le Parlement devrait se concentrer sur la diffusion et la promotion des réformes démocratiques, des libertés pleines et entières et de l'état de droit. Ces tâches, fondées sur des relations directes, pourraient également permettre d'évaluer le respect des critères à venir (en fonction des événements et des progrès accomplis) et d'apporter les ajustements nécessaires aux accords d'association, notamment dans les domaines du commerce, des investissements ou des finances.

Les parlementaires saluent en outre l'approche ascendante sur mesure envisagée par la Commission, fondée sur une accentuation de la conditionnalité et de la différenciation dans le contexte de la récente révision de la Politique européenne de voisinage (PEV), et le principe «plus pour plus», qui garantit une aide plus ciblée à chacun des pays voisins de l'UE et veille à ce que le financement corresponde à l'ambition politique.

1) Accords de libre-échange approfondis et complets (ALEAC) et autres instruments : le Parlement note que l'UE dispose déjà d'accords commerciaux préférentiels forts avec de nombreux PSM dans le cadre des accords d'association. Il souligne toutefois qu'aucun de ces processus n'est arrivé à son terme et qu'il y a toujours un grand potentiel pour approfondir les relations économiques. Les députés saluent dès lors la décision du Conseil d'autoriser l'ouverture des négociations d'ALEAC avec l'Égypte, la Jordanie, le Maroc et la Tunisie dès que les processus préparatoires seront achevés. Ils estiment indispensable que toutes les forces sociales, et plus particulièrement les ONG et les organisations syndicales, soient impliquées et consultées dès le lancement de négociations commerciales.

Les députés s'inquiètent toutefois du fait que le service européen pour l'action extérieure (SEAE) n'ait pas encore rendu public les détails des critères «plus pour plus» qui détermineront si un pays est éligible et prêt pour un ALEAC. Ils demandent dès lors au SEAE d'établir ces critères de manière à ce que le processus soit transparent et à ce que les pays partenaires sachent à l'avance quand ils doivent faire des ajustements.

Le Parlement rappelle que les ALE ne constituent pas une fin en soi mais qu'ils doivent servir les intérêts de chaque pays impliqué. Il maintient que les dispositions commerciales devraient être soutenues par des clauses de droits de l'homme renforcées et un chapitre ambitieux sur le développement durable qui donne un rôle central à la société civile, comprenant des dispositions relatives à la responsabilité sociale des entreprises (RSE)

Tout en saluant l'accent mis sur les obstacles transfrontaliers au commerce et l'alignement sur l'acquis de l'UE, le Parlement note qu'il y a toujours de la place pour de nouvelles négociations sur des réductions des droits tarifaires avec certains pays. Ils estiment que l'UE doit être prête à fournir des efforts supplémentaires dans des domaines sensibles comme l'agriculture et les services Mode IV. Il note, à cet égard, que l'UE présente en réalité un excédent commercial total significatif avec ces pays.

En ce qui concerne l'agriculture, qui occupe plus d'un tiers de la population active dans les pays de la rive sud, et du développement rural pour le processus de stabilisation, les députés demandent à l'Union d'appuyer à la fois l'essor d'une production agricole saine et le développement rural dans cette région, dans le cadre de la lutte contre la pauvreté, plaie persistante dans les campagnes. La Commission est invitée à soutenir spécifiquement les initiatives en faveur du commerce équitable et de l'agriculture biologique.

La résolution demande en outre, qu'afin d'éviter tout dumping social et environnemental entre les pays concernés et avec l'UE, les mesures proposées par la Commission permettent de renforcer la mise en place d'actions innovantes de promotion des savoir-faire locaux, de formation à l'organisation des producteurs et de développement des marchés locaux et régionaux dans le cadre d'échanges de bonnes pratiques entre pays et avec l'UE.

Les députés appellent également la Commission :

  • à utiliser des ALEAC pour s'adapter aux normes dans le domaine législatif, notamment en ce qui concerne les normes et réglementations techniques, les mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS), les règles de transparence pour les marchés publics, la politique de protection des consommateurs, les règles de protection de la propriété intellectuelle, la facilitation des échanges/douanes et la suppression des obstacles non tarifaires (ONT) ;
  • à préparer une stratégie pour les partenaires «plus pour plus» avec lesquels aucun accord préalable n'existe ou qui ne sont pas les destinataires immédiats des ALEAC, en particulier ceux, comme la Libye et le Liban, qui ne sont pas encore membres de l'OMC.

2) Faire des petites et moyennes entreprises (PME) un outil de démocratisation économique : les députés sont convaincus qu'une stratégie commerciale fructueuse pour la région devrait renforcer le rôle des PME, qui fournissent pas moins de 30% des emplois dans certains pays. Ils reconnaissent l'importance des micro-entreprises, qui représentent 98,1% des PME en Égypte, 97,8% au Maroc et 89,1% en Jordanie, mais seulement 9,2% en Tunisie.

La résolution souligne l’importance d'encourager l'esprit d'entreprise en adoptant les mesures nécessaires pour créer un environnement propice et pour y associer la société. Les députés demandent en particulier que le programme Invest in Med, dont la mission spécifique est de favoriser la coopération entre les PME et les organisations qui les représentent dans les États membres de l'Union et les pays du sud de la Méditerranée, entre dans une deuxième phase.

Le Parlement reconnaît le rôle de la BEI, par l'intermédiaire de la facilité euro-méditerranéenne d'investissement et de partenariat (FEMIP), dans l'aide au sud de la Méditerranée. Il salue la décision de relever le plafond de ses activités dans la région d'un milliard d'euros, ce qui le portera à 6 milliards d'euros au cours des trois prochaines années. Il réaffirme que la BEI devrait cibler spécifiquement ses projets d'investissement sur les PME et le développement des projets infrastructurels, spécifiquement dans le domaine de l'énergie.

Les députés saluent également l'implication récente de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) dans la région méditerranéenne et demandent que le montant total du financement disponible pour les investissements de la BERD dans la région soit accru et que les PME soient les principales bénéficiaires de ces investissements.

3) Renforcement du processus d'Agadir : le Parlement regrette que l'accord de libre-échange euro-méditerranéen n'ait pas été conclu en 2010 et espère que tous les partenaires utiliseront l'élan donné par le printemps arabe pour progresser dans les réformes nécessaires à la création d'un espace de libre-échange à part entière et opérationnel sans fausser la concurrence vis-à-vis des producteurs européens.

Les députés proposent, dans le cadre de l'ouverture d'une politique de libre-échange, la mise en place régulière d'études d'impact pour un suivi actif et continu des retombées de cette politique sur les pays méditerranéens du sud de l'Europe. Ils encouragent également les nouveaux gouvernements démocratiquement élus à être plus ouverts que leurs prédécesseurs en matière de commerce avec leurs pays voisins.

La résolution reconnaît le groupe d'Agadir comme le seul exemple d'effort concerté en matière de commerce Sud-Sud et encourage les signataires à élargir la portée et de leur relation commerciale et à en augmenter le nombre de participants. La Commission est invitée à poursuivre son soutien à ce groupe, en tant que pierre angulaire sur laquelle bâtir la future stratégie commerciale de l'UE.

4) Acquisition des connaissances et contacts directs : le Parlement encourage les États membres à jouer un rôle plus ambitieux dans la stratégie de l'UE à l'égard du voisinage méridional en prévoyant des programmes majeurs de bourses pour les étudiants des PSM, en particulier dans les domaines de l'économie, des affaires, des TI, des communications et des échanges commerciaux. La Commission et la vice-présidente/haute représentante sont invités à proposer immédiatement la mise sur pied de programmes Erasmus et Da Vinci Euromed.

Rappelant le rôle joué par les artistes, les acteurs culturels et les blogueurs, qui ont permis à certaines sociétés civiles du monde arabe de se libérer du joug dictatorial et d'ouvrir la voie à la démocratie, le Parlement appelle l'UE à veiller à ce que sa politique commerciale intègre une dimension «coopération culturelle», en vue de promouvoir les droits de l'homme et la démocratie.

Les députés appellent en outre à la création imminente de chambres de commerce de l'UE avec les pays partenaires, servant de vecteurs de promotion d'activités commerciales communes et d'échanges mutuels entre les partenaires économiques.

5) Renforcement de l'impact de l'action de l'UE : le Parlement affirme que les initiatives commerciales de la Commission doivent être soutenues par une présence accrue de fonctionnaires de l'UE chargés du commerce sur place. Les députés estiment en outre qu'il est essentiel pour l'UE de pleinement coordonner ses activités de soutien au commerce, aux investissements et au financement dans la région pour en maximiser l'impact positif.