Politiques et critères d'élargissement et intérêts stratégiques de l'Union européenne en la matière  
2012/2025(INI) - 03/10/2012  

La commission des affaires étrangères a adopté un rapport d’initiative de Maria Eleni KOPPA (S&D, EL) sur les politiques et critères d'élargissement et intérêts stratégiques de l'Union européenne en la matière.

Les députés rappellent en premier lieu que conformément à l’article 49 du traité sur l’Union européenne (TUE), tout État européen qui respecte et reste engagé à promouvoir les valeurs de dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, d’État de droit et de respect des droits de l’homme peut demander à devenir membre de l’Union. Ils soulignent également que chaque pays aspirant à adhérer à l’Union doit être jugé sur ses mérites propres à satisfaire les critères d’adhésion, à les mettre en œuvre et à s'y conformer.

Ils rappellent également que les critères de Copenhague sont vieux de 20 ans et qu’il est maintenant temps de procéder à leur réévaluation.

Les députés rappellent parallèlement que le Parlement européen, par ses résolutions annuelles sur les pays candidats et candidats potentiels, contribue à améliorer la transparence et la responsabilité du processus d’élargissement en exprimant les points de vue des citoyens européens et que, depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, il joue un rôle plus important grâce à la reconnaissance de ses prérogatives de colégislateur, dans le cadre de l’instrument d’aide de préadhésion (IAP).

Considérations d'ordre général : les députés indiquent qu’ils soutiennent résolument le processus d’élargissement et insistent pour que cette politique obtienne le soutien des citoyens tant dans l’UE que dans les pays candidats et candidats potentiels. D’une manière générale, ils estiment que l'UE, les pays candidats et les candidats potentiels doivent respecter toutes les obligations et créer les conditions nécessaires pour assurer la réussite des élargissements futurs, notamment en aidant les pays concernés dans leurs efforts pour satisfaire aux critères d’adhésion à l’UE.

S’ils considèrent que les critères de Copenhague continuent de former une base fondamentale et doivent rester au cœur de la politique d’élargissement, ils estiment également que la capacité d'intégration de l'UE est un élément à prendre pleinement en considération. Pour les députés, cette notion recouvre quatre éléments fondamentaux :

  • les pays candidats devraient contribuer à la capacité de l'Union de maintenir sa dynamique de réalisation de ses objectifs politiques, et ne pas entraver cette capacité;
  • le cadre institutionnel de l'Union devrait permettre un gouvernement efficace et efficient;
  • l’Union devrait disposer de moyens financiers suffisants pour relever les défis de la cohésion économique et sociale et des politiques communes de l’Union;
  • une stratégie de communication globale devrait être mise en place afin d'informer l'opinion publique des conséquences de l'élargissement.

Constatant le fort pouvoir d’attraction de l'Union européenne alliant dynamisme économique et modèle social, les députés regrettent que cette dimension sociale ait été largement négligée dans le processus d'élargissement. Ils invitent dès lors la Commission à se pencher sur ce problème, notamment dans le cadre du chapitre 19 (Politique sociale et emploi), afin d’encourager une transformation sociale positive dans les futurs États membres de l’Union européenne. Ils rappellent à cet effet les grands acquis sociaux de l’Union européenne et les engagements pris dans le cadre tant de la Charte sociale européenne de 1961 que de la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs de 1989.

Pour favoriser un développement homogène des économies des pays candidats à l’adhésion et allant dans la même direction que celles des États membres de l’UE, les députés encouragent la formulation d’objectifs réalisables et spécifiques à chaque pays, pour chacun des grands objectifs de la stratégie Europe 2020. Ils considèrent également que pour renforcer la crédibilité et l'efficacité de la stratégie d'élargissement, les critères de Copenhague doivent être pleinement respectés et appliqués par les États membres eux-mêmes, afin d'éviter d'exiger des pays candidats le respect de normes plus élevées que celles qui sont appliquées dans certains États membres de l'Union. Á cet effet, les députés souhaitent la fixation de points de référence justes et transparents tout au long du processus, de façon à traduire les critères d’adhésion généraux dans des étapes concrètes vers l’adhésion. Le respect d’un point de référence doit être continu, et tout recul devrait susciter une réaction adéquate des parties.

Rappelant également que l'objectif de la procédure d'adhésion est une appartenance à part entière à l'Union européenne, les députés demandent à la Commission d’intensifier son contrôle sur les avancements du processus d’adhésion, ainsi que son assistance aux pays candidats et candidats potentiels, afin qu'ils atteignent un degré élevé de préparation. Pour les députés, il convient également d’évaluer la capacité d’intégration de chaque candidat avant tout processus de négociation (donc, dès la présentation de l’»avis de la Commission» sur un pays candidat).

Les députés soulignent parallèlement que la réussite du processus d’élargissement nécessite de préserver la capacité de l’UE à agir et à poursuivre son développement en disposant de ressources financières suffisantes pour poursuivre ses objectifs politiques.

Politiques d'élargissement : se ralliant globalement à la nouvelle approche de négociation préconisée, accordant la priorité aux questions liées aux droits judiciaires et fondamentaux, ainsi qu’à la justice et aux affaires intérieures, les députés invitent la Commission à faire régulièrement rapport au Parlement sur les progrès réalisés dans ces domaines. Cette focalisation ne doit toutefois pas se faire au détriment des efforts et progrès réalisés dans les autres domaines.

En matière de politiques à mettre en œuvre par les candidats, les députés épinglent les principales priorités suivantes :

  • la création d’un système judiciaire efficace, indépendant et impartial et d’un système politique démocratique transparent capable de renforcer l’État de droit ;
  • la lutte contre la corruption et la criminalité organisée ;
  • la libéralisation des visas ;
  • une participation plus grande de la société civile, des acteurs non étatiques et des partenaires sociaux dans le cadre d’un dialogue permanent ;
  • le renforcement des capacités administratives et des ressources humaines afin de les rendre aptes à la transposition, à la mise en œuvre et au respect de l’acquis ;
  • la reconnaissance du dialogue social dans le processus d’élargissement et le développement de mécanismes d’exécution effective (en matière d’inspection du travail, pour protéger les travailleurs et assurer le respect de leurs droits sociaux) ;
  • un renforcement du soutien en faveur des PME ;
  • le développement de la coopération régionale et la promotion d’une réconciliation authentique et durable (y compris, la poursuite des criminels de guerre, la coexistence pacifique des différentes communautés ethniques, culturelles et religieuses et la protection des minorités) ;
  • le renforcement de l’égalité entre les genres et la non-discrimination, y compris la défense des droits de la communauté LGBT ;
  • la mise en place de stratégies nationales d’inclusion des Roms.

D’autres questions sont évoquées comme l’amélioration qualitative du processus d’adhésion en le basant davantage sur le mérite et en le rendant plus transparent afin de le rendre plus juste et plus objectivement mesurable. Dans cette perspective, les députés estiment que les rapports d'avancement devraient être plus clairs. Les points de référence ne devraient en outre pas fixer de conditions supplémentaires aux pays candidats et candidats potentiels, mais plutôt traduire les critères d’adhésion généraux et les objectifs de l’aide européenne de préadhésion en des étapes et en résultats concrets à atteindre.

La question des conflits et les relations de bon voisinage : pour les députés, tout État candidat devrait résoudre ses principaux problèmes bilatéraux et ses principaux différends avec ses voisins, en particulier les problèmes portant sur des conflits territoriaux, avant de pouvoir adhérer à l’Union. En conséquence, les députés appellent l'Union européenne à soutenir les efforts visant à résoudre les conflits en cours, en ce compris les conflits frontaliers. Toute résolution pacifique des conflits antérieurs à l’adhésion devraient être résolus de manière constructive et si nécessaire, se résoudre dans le cadre de la Cour internationale de justice. Dans ce contexte, la Commission et le Conseil sont appelés à lancer le développement, conformément aux traités de l’UE, d’un mécanisme d’arbitrage afin de résoudre les litiges concernés.

L’IAP et la question du financement de l’adhésion : les députés demandent à la Commission de ne pas réduire, en termes réels, le montant global pour chaque bénéficiaire. Pour les députés, l’aide préadhésion doit s'effectuer en tenant compte des éléments suivants: a) le rapport entre l'aide globale programmée au titre de l'IAP et le PIB des différents pays ne doit pas diminuer en termes relatifs ; b) le nombre de pays ayant accès au financement grâce au nouvel instrument diminuera probablement avec l'adhésion de la Croatie ; c) avec les modifications proposées pour le nouvel instrument, destinées à supprimer la différenciation entre les pays sur la base de leur statut de candidat ou non, un plus grand nombre de pays seront éligibles au financement.

Pour une politique de communication concertée : pour les députés, il est essentiel d’accompagner l’élargissement de l’Union européenne d’une politique de communication concertée, plus efficace et plus transparente. Á cet effet, il convient de rallier le soutien des citoyens de l’Union en faveur de nouveaux élargissements et l’implication des citoyens des pays candidats et candidats potentiels en leur fournissant des informations claires et complètes sur les avantages politiques, socio-économiques et culturels de l’élargissement. Ils considèrent qu’il est tout particulièrement essentiel d’expliquer à l’opinion publique comment l'élargissement a apporté de nouvelles opportunités d’investissement et d’exportation et comment elle peut contribuer à la réalisation des objectifs de l’UE en termes de promotion de la prévention et du règlement pacifique des conflits, de redressement de la crise économique, de création d’emplois, de facilitation de la libre circulation de la main-d’œuvre, de protection de l’environnement en améliorant par conséquent les conditions de vie des personnes et en réduisant les déséquilibres sociaux et économiques dans les pays visés.

Perspectives et intérêts stratégiques de l'Union : les députés estiment que l’adhésion à l’UE apporte une certaine stabilité dans l’environnement international en mutation rapide et que l’appartenance à l’Union européenne continue d’offrir une perspective de développement social et de prospérité. Il représente également un intérêt stratégique à long terme pour l’UE.

Pour sa part, les députés estiment que le Parlement doit rester pleinement engagé dans la perspective de l'élargissement. Ils sont toutefois bien conscients que tous les États européens ne choisiront pas nécessairement de briguer l’adhésion, et que certains, qui briguent cette adhésion, ne satisferont pas aux critères requis. Par conséquent, ils estiment que le Parlement européen, lors de la prochaine révision générale des traités, devra lancer un débat sur l’introduction d’une nouvelle catégorie de membre associé de l’Union.

Les députés rappellent encore que le processus d’élargissement ne se résume pas à la simple transposition de l’acquis mais doit se concentrer sur sa mise en œuvre efficace. Á cet effet, les députés demandent que les États membres de l’UE soient également évalués afin de s’assurer qu’ils continuent de respecter les valeurs fondamentales européennes. Ils appellent dès lors la Commission à élaborer une proposition détaillée sur un mécanisme de contrôle, établi sur la base des dispositions de l'article 7 du TUE et de l'article 258 du TFUE.

Constatant les dégâts de la crise financière mondiale et les difficultés de la zone euro, les députés soulignent l'importance de poursuivre la consolidation de la stabilité économique et financière et d'encourager la croissance, dans les pays candidats et candidats potentiels ainsi que le maintien de finances publiques saines. Il convient donc de prévoir une assistance financière de préadhésion adéquate et mieux ciblée. Les députés se réjouissent dès lors de la proposition de la Commission concernant un nouvel IAP, qui prévoit l'augmentation du soutien financier pour la perspective financière 2014-2020. Ils suggèrent également que l’on recoure plus volontiers à des instruments financiers innovants notamment dans les Balkans occidentaux, qui complètent les structures administratives de l'IAP et qui visent à mobiliser et canaliser les aides aux régions prioritaires.

Les députés mettent enfin en avant la nécessité de concentrer le processus d’élargissement sur un modèle de croissance durable à l’image de ce qui se fait dans le cadre des objectifs d'Europe 2020.