Surveillance des échanges intra-UE de précurseurs de drogues  
2012/0261(COD) - 27/09/2012  

OBJECTIF : prévenir le détournement de l’anhydride acétique, principal précurseur de l’héroïne, en étendant l’obligation d’enregistrement de cette substance aux fins de la fabrication illicite de stupéfiants et modifier en conséquence le règlement (CE) nº 273/2004 relatif aux précurseurs de drogues.

ACTE PROPOSÉ : Règlement du Parlement européen et du Conseil.

CONTEXTE : les précurseurs de drogues sont des substances chimiques destinées à une grande variété d'usages licites, tels que la synthèse des matières plastiques, les produits pharmaceutiques, les cosmétiques, les parfums, les détergents ou les arômes. Ils sont échangés à des fins légitimes sur les marchés régionaux et mondiaux, mais certains d’entre eux peuvent également être détournés des circuits de distribution licites vers la fabrication illicite de stupéfiants. Dans ces conditions, et compte tenu de leurs nombreuses utilisations légitimes, on ne peut totalement en interdire le commerce.

Cependant, afin d’éviter leur détournement pour la fabrication illicite de stupéfiants, un cadre réglementaire spécifique a été mis en place à l’échelle internationale en vertu de l’article 12 de la convention des Nations unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes (ci-après dénommée «convention des Nations unies de 1988»). L’Union européenne est partie à cette convention et a mis en œuvre les obligations qui lui incombaient à ce titre en adoptant le règlement (CE) nº 273/2004 qui régit la surveillance des échanges intra-UE de précurseurs de drogues et le règlement (CE) n° 111/2005 du Conseil qui fait de même en matière de commerce extérieur.

Le cadre réglementaire de l’Union permet donc la surveillance et le contrôle des échanges légitimes de précurseurs de drogues. Il impose aux opérateurs, c’est-à-dire aux fabricants, distributeurs, intermédiaires, importateurs, exportateurs et grossistes de substances chimiques qui pratiquent le commerce légitime des précurseurs de drogues, de prendre des mesures pour prévenir les vols, de vérifier l’identité de leurs clients, de détecter les transactions suspectes et de signaler celles-ci aux autorités.

Ampleur du problème : en 2008, 75% des saisies d’anhydride acétique dans le monde ont été réalisées dans l’UE. L’héroïne reste la drogue à l’origine des taux de morbidité et de mortalité les plus importants dans l’Union. Bien que les quantités d’anhydride acétique saisies dans l’Union européenne aient très fortement diminué depuis 2008, il apparaît que les mesures législatives de contrôle en Europe ne sont pas suffisamment strictes pour empêcher le détournement du principal précurseur de l’héroïne des circuits commerciaux intérieurs.

En 2010, la Commission a adopté à cet égard un rapport relatif à la mise en œuvre et au fonctionnement de la législation actuelle de l’UE sur les précurseurs de drogues. Ce dernier constatait que la législation fonctionnait bien dans l’ensemble, mais décelait aussi quelques faiblesses. Il avait émis alors des recommandations pour y remédier. L’une des recommandations formulées dans le rapport était d’améliorer la prévention du détournement de l’anhydride acétique (substance classifiée dans la catégorie 2 du règlement de base), principal précurseur de l’héroïne, du commerce intérieur de l’Union européenne. Pour ce faire, il était envisagé d’étendre l’obligation d’enregistrement (applicable actuellement aux seuls opérateurs qui commercialisent l’anhydride acétique) aux utilisateurs de cette substance, et de renforcer les dispositions harmonisées en matière d’enregistrement, afin de créer des conditions de concurrence équitable plus robustes qui préserveront le marché intérieur et éviteront l’adoption de mesures nationales divergentes.

ANALYSE D’IMPACT : la principale source de problèmes étant le contrôle insuffisant exercé par les autorités sur l’ensemble des acteurs économiques qui pratiquent le commerce légitime de précurseurs de drogues, toutes les options stratégiques analysées visent à améliorer ce contrôle en renforçant les obligations de déclaration, de notification ou d’enregistrement auxquelles sont soumis ces acteurs. Les incidences des 6 options analysées sont les suivantes :

  • Option nº 1 (option de base): aucune action, maintenir en l’état la législation de l’Union européenne,
  • Option nº 2: renforcer les obligations de déclaration,
  • Option nº 3: renforcer les règles et les obligations applicables aux opérateurs s’agissant des déclarations de clients obtenues auprès des utilisateurs finals,
  • Option nº 4: imposer aux opérateurs de signaler systématiquement les nouveaux utilisateurs finals aux autorités, à des fins de vérification,
  • Option nº 5: imposer aux utilisateurs finals de s’enregistrer et renforcer les exigences en matière d’enregistrement,
  • Option nº 6: déplacer l’anhydride acétique de la catégorie 2 des substances classifiées à la catégorie 1.

En définitive, l’option nº 5 représenterait l’option la plus intéressante et celle à l’égard de laquelle le soutien politique a été le plus manifeste par la plupart des États membres.

BASE JURIDIQUE : article 114 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).

CONTENU : la présente proposition vise à corriger les faiblesses relevées lors de l’évaluation du fonctionnement et de l’application des règlements relatifs aux précurseurs de drogues, en rendant l’enregistrement obligatoire non seulement pour les opérateurs qui commercialisent de l’anhydride acétique («AA»), mais aussi pour les utilisateurs qui en détiennent pour leurs propres usages ou processus (c’est-à-dire les utilisateurs finals).

La proposition n’étend pas les dispositions envisagées pour l’anhydride acétique aux autres substances classifiées de la catégorie 2.

Á cet effet, il est proposé de :

  • instaurer, pour les utilisateurs finals d’anhydride acétique, l’obligation de s’enregistrer, à l’instar des opérateurs qui commercialisent la substance et de renforcer les règles en matière d’enregistrement ;
  • renforcer les dispositions harmonisées en matière d’enregistrement, afin de créer des conditions de concurrence équitable plus robustes, qui préserveront le marché intérieur et éviteront l’adoption de mesures nationales divergentes. Des règles détaillées sont donc instituées en matière d’enregistrement, afin de garantir l’uniformité des conditions d’enregistrement dans tous les États membres pour les substances classifiées de la catégorie 2 de l’annexe I. Pour les substances classifiées relevant de la nouvelle sous-catégorie 2A de l’annexe I, l’obligation d’enregistrement devrait concerner non seulement les opérateurs, mais aussi les utilisateurs.

En même temps que de garantir le bon fonctionnement du marché intérieur des précurseurs de drogues en soumettant les opérateurs à des règles identiques et harmonisées au sein de l’Union européenne, la proposition évitera de créer des obstacles inutiles au commerce légitime ainsi que des charges administratives pour les entreprises et les autorités compétentes.

Base de données européenne des précurseurs de drogue : la proposition envisage également de créer et de tenir à jour une base de données européenne relative aux précurseurs de drogues. Celle-ci contribuera à moderniser la collecte des informations fournies par les États membres sur les saisies et interceptions de précurseurs de drogues conformément à l’actuel article 13 du règlement (CE) nº 273/2004, et de tenir une liste des opérateurs et utilisateurs enregistrés ou titulaires d’un agrément dans l’UE, qui commercialisent les précurseurs de drogues ou y ont recours. Le texte permet par ailleurs aux opérateurs de fournir aux autorités compétentes, sous une forme synthétique, des informations relatives à leurs transactions portant sur des substances classifiées, conformément à l’actuel article 8, paragraphe 2, du règlement (CE) nº 273/2004.

Autres modifications : la proposition prévoit en outre:

  • une période transitoire pour l’entrée en vigueur des nouvelles obligations en matière d’enregistrement incombant aux utilisateurs finals d’anhydride acétique ;
  • une clause de réexamen qui permettra d’évaluer l’efficacité du règlement modifié eu égard à la prévention du détournement de l’anhydride acétique.

Annexe : la proposition n’étend pas les dispositions envisagées pour l’anhydride acétique aux autres substances classifiées de la catégorie 2. L’anhydride acétique, actuellement classé dans la catégorie 2 de l’annexe I, devrait être rattaché à une nouvelle sous-catégorie 2A de l’annexe I, afin de permettre un contrôle renforcé de son commerce. Les autres substances relevant de la catégorie 2 devraient être classées dans la sous-catégorie 2B.

INCIDENCE BUDGÉTAIRE : la proposition n’a pas d’incidence sur le budget de l’Union européenne car la mise en œuvre de l’action proposée ne nécessite pas de ressources supplémentaires. Les ressources nécessaires au déploiement de la base de données européenne sont déjà comprises dans les crédits accordés au cours de la procédure budgétaire et dans la ligne budgétaire «marché intérieur». La proposition n’a, par conséquent, pas d’incidence budgétaire au-delà des crédits déjà prévus pour les années à venir dans le document officiel de programmation de la Commission.

ACTES DÉLÉGUÉS : la Commission aura le pouvoir d’adopter des actes conformément à l’article 290 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne pour établir un certain nombre dispositions listées à la proposition.