Cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020  
2011/0177(APP) - 23/10/2012  

Le Parlement européen a adopté par 517 voix, 105 voix contre et 63 abstentions, une résolution visant à favoriser un résultat positif de la procédure d'approbation du cadre financier pluriannuel 2014-2020.

Le Parlement rappelle tout d’abord que conformément au TFUE, le Conseil, statuant conformément à une procédure législative spéciale, doit adopter un règlement fixant le cadre financier pluriannuel et de sorte que toutes les recettes et les dépenses de l'Union soient inscrites au budget.

Le budget de l'Union comme instrument clé permettant la mise en œuvre d'une croissance intelligente, durable et inclusive pour l'ensemble de l'Union : le Parlement se dit parfaitement conscient que les négociations sur le CFP 2014-2020 interviennent dans un contexte social, économique et financier très difficile, dans lequel les États membres consentent des efforts considérables pour assainir leurs budgets nationaux. Toutefois, le Parlement estime que l'Union européenne ne saurait être considérée comme la source d'une charge financière supplémentaire pour les contribuables. Pour le Parlement, en effet, le budget de l'Union fait partie de la solution qui permettra à l'Europe de sortir de la crise actuelle en stimulant les investissements pour la croissance et l'emploi.

Des réformes structurelles s’imposent toutefois tant au niveau national qu'au niveau de l'Union pour promouvoir l'emploi, améliorer le financement public de l'innovation, de la recherche et du développement, mettre en œuvre des actions destinées à enrayer le changement climatique et pour améliorer les niveaux d'éducation et la promotion de l'inclusion sociale. Face à la crise actuelle, le Parlement estime également que le budget de l'UE doit agir en tant qu’élément de base de la solidarité entre les États membres.

Le Parlement a également à cœur de rappeler que le budget de l'Union ne représente qu'environ 2% de la totalité des dépenses publiques dans l'Union, qu'il est par conséquent 45 fois plus petit que la somme des dépenses publiques des États membres et que surtout le budget de l'Union est avant tout un budget d'investissement et que 94% des ressources qui alimentent le budget de l'Union sont investies dans les États membres ou pour des priorités extérieures de l'Union. Il insiste en précisant que l'investissement public pour les régions et les États membres serait réduit au minimum voire impossible sans la contribution du budget de l'Union.

Le Parlement met également en avant les éléments suivants :

  • pour réaliser les 7 initiatives phares de la stratégie Europe 2020, d'importants investissements axés sur l'avenir seront nécessaires, estimés à au moins 1.800 milliards EUR d'ici 2020 tout en appliquant des mesures drastiques d'assainissement budgétaire au plan national ;
  • il est capital de s’atteler à la situation des jeunes européens, qui reste alarmante ;
  • des mesures s’imposent au niveau industriel pour renforcer la compétitivité et créer de nouveaux emplois dans l'Union ;
  • il convient de porter à au moins 20% la part des dépenses liées au climat en mobilisant des crédits budgétaires européens à cet effet pour favoriser une économie durable et prospère à faibles émissions de CO2.

Niveau de dépenses : le Parlement constate que d’une manière générale, le niveau de croissance du budget de l'Union est en flagrante contradiction avec l'extension des compétences et des missions conférées à l'Union par le traité. Ainsi, depuis 2000, l'écart entre le plafond des ressources propres de l'Union (1,29% du RNB pour les crédits d'engagements et 1,23% pour les crédits de paiement) et les plafonds du CFP s'est creusé de façon spectaculaire. Il rappelle au passage que le CFP se contente de fixer des niveaux maximums de dépenses alors que le budget de l'Union est toujours resté bien en-deçà de ces niveaux. Plus loin, le Parlement estime que la proposition de la Commission, qui représente un gel des plafonds du CFP pour 2014-2020 au niveau des plafonds de 2013, ne suffira pas à financer les priorités politiques actuelles liées à la stratégie Europe 2020, ce qui met grandement en péril plusieurs priorités et politiques de l'Union.

Le Parlement recommande dès lors au Conseil de ne pas tenter de réduire davantage le niveau des dépenses de l'Union par rapport à la proposition de la Commission. Il s'oppose avec énergie à toute demande de réductions linéaires générales qui menaceraient la mise en œuvre et l'efficacité de toutes les politiques de l'Union, et, appelle le Conseil à préciser clairement et publiquement quelles priorités ou projets politiques il envisage de purement et simplement abandonner.

Dans la foulée, le Parlement rappelle son soutien inconditionnel à une augmentation marquée des crédits disponibles au titre : i) des programmes de l'Union dans les domaines de la compétitivité, ii) des PME et de l'entrepreneuriat, iii) des infrastructures durables.

En outre, le Parlement :

  • appuie toutes les initiatives favorables à la recherche et de l'innovation et invite les institutions de l'Union et les États membres à convenir d'une feuille de route spécifique pour atteindre l'objectif de 3% du PIB consacrés à l'investissement dans la recherche ;
  • s’oppose résolument à toute réduction de la dotation du programme COSME ;
  • soutient un financement adéquat de la politique de cohésion, avec au minimum son maintien au niveau de la période 2007-2013 et l’affectation de 25% du total des crédits de la politique de cohésion au FSE ;
  • soutient le maintien du budget de la PAC à son niveau de 2013 en répartissant de manière plus équitable les niveaux de paiements directs et de crédits prévus pour le développement rural entre les États membres, les régions et les agriculteurs ;
  • appuie le renforcement du programme de l'Union pour l'environnement et le climat ;
  • exige l'augmentation des moyens prévus pour les instruments spécifiquement destinés à la jeunesse proposés par la Commission ;
  • insiste sur la nécessité de poursuivre le programme en faveur des personnes les plus démunies ;
  • réaffirme qu’il convient de respecter les engagements de l’UE au plan international, en mobilisant les crédits nécessaires pour porter à 0,7% du RNB les dépenses consacrées par les États membres à l'aide publique au développement et financer de manière effective les propositions de la Commission concernant l'"Europe dans le monde" en dotant également le SEAE de ressources budgétaires à la hauteur de ses responsabilités.

Meilleure affectation des dépenses : le Parlement estime que, dans le contexte actuel de restrictions budgétaires publiques, la valeur ajoutée de l'Union réside dans les investissements à long terme, qui sont inaccessibles aux États membres à titre individuel. Il faut toutefois veiller à la cohérence et à la simplification des programmes pour ne pas alourdir leur accès par une charge bureaucratique supplémentaire. Insistant à nouveau sur le principe de bonne gestion financière, le Parlement rappelle aux États membres qu'ils ont l'obligation légale de veiller à ce que les crédits inscrits au budget soient utilisés conformément à ce principe (90% des erreurs décelées par la Cour des comptes européenne se sont produites dans les États membres). Dans ce contexte, le Parlement se dit favorable à l'introduction de dispositions de conditionnalité ex ante afin de garantir que les crédits alloués par l'Union, notamment au titre du Fonds de cohésion, des fonds structurels, du Fonds rural et du Fonds européen pour la pêche, soient davantage ciblés sur la réalisation des objectifs de la stratégie Europe 2020. Il estime toutefois que les régions ne devraient pas pâtir du fait que les procédures en matière de gouvernance économique n'aient pas été respectées au niveau national.

D’une manière générale, le Parlement est favorable à une meilleure rationalisation des dépenses administratives tout en garantissant que les institutions puissent s'acquitter de leurs tâches et de leurs devoirs conformément aux obligations et aux compétences que leurs confèrent les traités. Il s’oppose donc à toute réduction uniforme des effectifs dans l'ensemble des institutions, organes et agences, étant donné que les missions et les responsabilités qui leur sont conférées par les traités diffèrent considérablement. Une fois de plus, le Parlement évoque les économies considérables qui pourraient être réalisées si le Parlement européen ne disposait que d'un seul siège. Cette question devrait dès lors être évoquée lors des négociations sur le prochain CFP 2014-2020.

Durée et clause de réexamen : le Parlement estime que pour le prochain CFP, une période de 7 ans courant jusqu'en 2020 devrait être considérée comme une solution transitoire étant donné qu'elle établit clairement un lien avec la stratégie Europe 2020 mais qu'une période de 5 ou de 5 + 5 ans alignerait mieux la durée du CFP sur le mandat des institutions, de façon à renforcer la responsabilité et la responsabilisation démocratique. Il souligne également la nécessité de prévoir dans le règlement CFP un examen à mi-parcours, assorti d'une procédure spécifique comportant un calendrier contraignant, garantissant la pleine participation du Parlement dans ce contexte.

Nécessité d'une plus grande flexibilité du CFP : pour pouvoir s'adapter à de nouvelles conditions sans devoir augmenter le montant total ou procéder à une révision du CFP, le Parlement préconise une flexibilité de 5% est en ce qui concerne les plafonds des rubriques et sous-rubriques. Il se félicite dès lors de la proposition de la Commission de porter le niveau de flexibilité législative (possibilité de s'écarter d'un montant donné pour la durée totale du programme concerné) de 5% à 10%. Dans le même ordre d’idées, il propose que les marges du plafond des crédits d'engagement d'un exercice donné soient reportées à l'exercice suivant en fonction des besoins.

Il souligne, en particulier, la nécessité d'introduire dans le CFP une marge globale pour les crédits de paiement de façon à ce que les marges résiduelles dans le cadre du plafond des crédits de paiement puissent être reportées à l'exercice suivant et utilisées dans le cadre de la procédure budgétaire annuelle.

Une fois encore, le Parlement évoque le niveau croissant d'engagements restant à liquider et invite à un débat sur cette question de manière à éviter, dans la mesure du possible, le risque d'entraver la mise en œuvre de programmes de l'Union européenne en raison d'un manque de crédits de paiement à la fin du cadre financier.

Le Parlement évoque encore : i) la question des excédents budgétaires ; ii) des coupes linéaires des crédits de paiement inscrites par la Commission dans le projet de budget par le Conseil, une méthode qui entrave la bonne gestion (à cet effet, le Parlement estime qu’il serait souhaitable de récupérer les excédents budgétaires pour les réinjecter dans le budget de l’UE) ; iv) la question des marges pour imprévu ; v) l’augmentation de la dotation de l'instrument de flexibilité proposée par la Commission ; vi) son soutien à la proposition de la Commission visant à ce que les crédits de la réserve d'aide d'urgence, du Fonds de solidarité, du Fonds européen d'ajustement à la mondialisation et de la réserve pour les crises dans le secteur agricole soient inscrits dans le budget, au-dessus des plafonds concernés.

Unité du budget : une fois encore, le Parlement réaffirme que le budget de l'Union couvre toutes les recettes et dépenses découlant des décisions prises par les institutions de l'Union dans le cadre de leurs compétences et qu'il prend en compte séparément les opérations financières réalisées par l'Union sous forme de prêts, d'emprunts et de garanties. Il engage donc vivement la Commission et le Conseil à faire figurer dans une annexe séparée la liste des engagements et garanties budgétaires ou financiers pris par l'Union ou par certains États membres dans le cadre des mécanismes de stabilisation européens (MESF, FESF, MES) conformément aux dispositions pertinentes du TFUE.  Dans un amendement adopté en Plénière, le Parlement estime par ailleurs, que toute nouvelle capacité fiscale pour les États membres de la zone euro destinée à des adaptations à des chocs asymétriques et des réformes structurelles spécifiques par pays et dont les fonctions fiscales ne sont pas couvertes par le CFP doit être mise au point dans le cadre de l'Union et soumise à une responsabilité démocratique par l'intermédiaire des institutions existantes. Il ajoute que toute nouvelle capacité budgétaire doit faire partie du budget de l'Union, en respectant ainsi son unité. Pour améliorer la visibilité et assurer l'additionalité d'une telle nouvelle capacité budgétaire, il convient qu’une nouvelle rubrique spéciale du CFP soit créée. En ce sens, il rejette fermement toute tentative visant à réduire les plafonds de la proposition de la Commission sur le CFP en vue de garantir des ressources pour cette nouvelle capacité.

Au passage, le Parlement annonce sa ferme intention d'organiser à l'avenir un débat public spécifique et de programmer un vote sur le volet "recettes" du budget, dans le cadre de son examen du projet de budget annuel pour maintenir la pression sur le système de financement actuel de l'Union.

Ressources propres : d’une manière générale, le Parlement déplore le blocage actuel des négociations sur l'absence d'un véritable système de ressources propres. Ces négociations organisées au Conseil se structurent autour de 2 camps opposés, dirigés par les pays contributeurs nets du budget de l'UE, pour l'un, et par les pays bénéficiaires nets de ce budget, pour l'autre, aboutissant à une vision purement comptable de "juste retour".

Le Parlement réaffirme sa conviction selon laquelle tout budget de l'Union devrait recommencer à être financé par un véritable système de ressources propres, comme le prévoient le traité de Rome et tous les traités européens qui ont suivi. Il regrette donc vivement que le système actuel, selon lequel l'essentiel des moyens de financement provient de contributions nationales, n'est ni transparent, ni équitable, pas plus qu'il n'est soumis au contrôle parlementaire au niveau européen ou national. En substance, ce système est contraire à la lettre et à l'esprit du traité. Le Parlement réaffirme donc sa position de base, telle que définie dans sa résolution du 13 juin 2012, à savoir qu'il n'a pas l'intention de donner son approbation sur le prochain règlement relatif au CFP si un accord politique n'est pas trouvé sur la réforme du système des ressources propres, conformément aux propositions de la Commission du 29 juin 2011. Ce type de réforme devrait viser à ramener à un maximum de 40%, d'ici 2020, la part des contributions des États membres basées sur le RNB dans le budget de l'Union, ce qui contribuerait aux efforts d'assainissement budgétaire des États membres.

Le Parlement indique ensuite, ce qui à ses yeux, devrait constituer la base du futur accord politique en cette matière:

  • une réforme en profondeur du mode de financement du budget de l'Union, afin de repasser à un système véritable, clair, simple et équitable de ressources propres offrant toutes les garanties en termes de prise de décisions et de contrôle démocratique qui sont propres à tous les budgets publics;
  • cette réforme doit entrer en vigueur dans le courant du CFP 2014-2020;
  • une réaction immédiate de la Commission à la demande formelle de plusieurs États membres, d'introduire une taxe sur les transactions financières au titre de la coopération renforcée, une telle proposition législative de la Commission devant être publiée avec un ensemble de propositions révisées relatives au paquet "ressources propres" afin de garantir que les recettes provenant de cette taxe soient, en totalité ou en partie, inscrites au budget de l'Union en tant que véritables ressources propres, de façon à réduire les contributions nationales des États membres ayant introduit ce type de taxe;
  • un accord sur la réforme de la ressource propre TVA, assorti de ses modalités d'application, doit être conclu en même temps que l'accord sur le CFP;
  • le nouveau système doit mettre un terme aux rabais et aux autres mécanismes de correction existants; une éventuelle compensation ne peut être acceptée que sur la base d'une proposition de la Commission; elle doit revêtir un caractère provisoire et être justifiée par des critères économiques indiscutables et objectifs;
  • dans le cas où la mise en œuvre des nouvelles ressources propres ne débouche pas sur une réduction significative des contributions des États membres basées sur le RNB dans le budget de l'Union, la Commission présentera d'autres propositions relatives à l'introduction de nouvelles et véritables ressources propres.

Négociations interinstitutionnelles : le Parlement rappelle enfin qu'une majorité stricte est requise, à la fois au Parlement et au Conseil, pour l'adoption du CFP, et souligne qu'il importe de tirer pleinement parti des dispositions de l'article 312, paragraphe 5 du TFUE, en vertu duquel les institutions sont tenues de conduire des négociations en vue de s'accorder sur un texte susceptible d'être approuvé par le Parlement. Il souligne également que ce sera la première fois qu'un règlement CFP sera adopté en vertu des nouvelles dispositions du traité de Lisbonne, qui implique de nouvelles formes de coopération entre les institutions combinant une prise de décisions efficace et le respect des prérogatives de chacune. Á cet égard, le Parlement se félicite des mesures prises par les présidences hongroise, polonaise, danoise et chypriote du Conseil en vue d'établir un dialogue structuré et d'instaurer un échange d'informations régulier avec le Parlement.

Il rappelle également qu'un accord politique conclu au niveau du Conseil européen ne constitue rien d'autre qu'un mandat de négociation confié au Conseil. Dès lors, après que le Conseil européen soit parvenu à un accord politique, de véritables négociations devront avoir lieu entre le Parlement et le Conseil avant que ce dernier ne soumette officiellement ses propositions relatives au règlement CFP à l'approbation du Parlement. Il rappelle également qu'en vertu du TFUE, les organes législatifs sont le Parlement et le Conseil, le Conseil européen n'exerçant pas le rôle de législateur. Ainsi, les négociations concernant les propositions législatives relatives aux programmes pluriannuels se poursuivront dans le cadre de la procédure législative ordinaire.

Sur le fond, le Parlement se rallie en outre sur le principe selon lequel "il n'y a d'accord sur rien tant qu'il n'y a pas d'accord sur tout". Il attire en outre l'attention du Conseil sur le document de travail joint en annexe, qui indique les modifications à la proposition de règlement du Conseil fixant le cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020 et à la proposition d'accord interinstitutionnel sur la coopération en matière budgétaire et la bonne gestion financière (AII). Il annonce déjà que d'autres modifications seront peut-être nécessaires, en fonction de l'évolution des négociations sur le CFP et qu’en tout état de cause que l'AII ne pourra être finalisé qu'après l'aboutissement de la procédure du CFP.

Sur le plan des négociations, le Parlement se déclare disposé à engager des discussions approfondies avec le Conseil concernant le règlement CFP et l'AII, et demande au Conseil d'intensifier les contacts à tous les niveaux dans la perspective du Conseil européen des 22 et 23 novembre afin de parvenir à un accord final sur le CFP dans les meilleurs délais. Il souligne enfin que, si un CFP n'est pas adopté avant la fin de l'exercice 2013, les plafonds et autres dispositions correspondant à 2013 seront reconduits jusqu'au jour où un nouveau CFP sera adopté. Dans cette éventualité, le Parlement serait prêt à conclure rapidement un accord avec le Conseil et la Commission afin d'adapter la structure interne du CFP, de manière à refléter les nouvelles priorités politiques.

Á noter qu'une proposition de résolution de remplacement présentée par le groupe ECR a été rejetée en Plénière.