Politiques et critères d'élargissement et intérêts stratégiques de l'Union européenne en la matière  
2012/2025(INI) - 22/11/2012  

Le Parlement européen a adopté par 571 voix pour, 34 voix contre et 35 abstentions, une résolution sur les politiques et critères d'élargissement et intérêts stratégiques de l'Union européenne en la matière.

Le Parlement rappelle en premier lieu que conformément à l’article 49 du traité sur l’Union européenne (TUE), tout État européen qui respecte et reste engagé à promouvoir les valeurs de dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, d’État de droit et de respect des droits de l’homme peut demander à devenir membre de l’Union. C’est pourquoi, contrairement à sa commission au fond, la Plénière n’envisage pas de lancer un débat sur l’introduction d’une nouvelle catégorie de membre associé de l’Union lors de la prochaine révision des traités, réaffirmant que l'adhésion à l'UE apporte une certaine stabilité dans l'environnement international en mutation rapide et que l'appartenance à l'Union européenne continue d'offrir une perspective de développement social et de prospérité.

Il souligne également que chaque pays aspirant à adhérer à l’Union doit être jugé sur ses mérites propres à satisfaire les critères d’adhésion, à les mettre en œuvre et à s'y conformer.

Il rappelle également que les critères de Copenhague sont vieux de 20 ans et qu’il est maintenant temps de procéder à leur réévaluation.

Il rappelle parallèlement que, par ses résolutions annuelles sur les pays candidats et candidats potentiels, il a contribué à améliorer la transparence et la responsabilité du processus d’élargissement en exprimant les points de vue des citoyens européens et que, depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, il joue un rôle plus important grâce à la reconnaissance de ses prérogatives de colégislateur, dans le cadre de l’instrument d’aide de préadhésion (IAP).

Considérations d'ordre général : le Parlement soutient résolument le processus d’élargissement et insiste pour que cette politique obtienne aussi le soutien des citoyens tant dans l’UE que dans les pays candidats et candidats potentiels. D’une manière générale, il estime que l'UE, les pays candidats et les candidats potentiels doivent respecter toutes les obligations et créer les conditions nécessaires pour assurer la réussite des élargissements futurs, notamment en aidant les pays concernés dans leurs efforts pour satisfaire aux critères d’adhésion à l’UE.

S’il considère que les critères de Copenhague continuent de former une base fondamentale et doivent rester au cœur de la politique d’élargissement, le Parlement estime que la capacité d'intégration de l'UE est un élément à prendre pleinement en considération. Pour le Parlement, cette notion recouvre quatre éléments fondamentaux :

  • les pays candidats devraient contribuer à la capacité de l'Union de maintenir sa dynamique de réalisation de ses objectifs politiques, et ne pas entraver cette capacité;
  • le cadre institutionnel de l'Union devrait permettre un gouvernement efficace et efficient;
  • l’Union devrait disposer de moyens financiers suffisants pour relever les défis de la cohésion économique et sociale et des politiques communes de l’Union;
  • une stratégie de communication globale devrait être mise en place afin d'informer l'opinion publique des conséquences de l'élargissement.

Constatant le fort pouvoir d’attraction de l'Union européenne alliant dynamisme économique et modèle social, le Parlement regrette que cette dimension sociale ait été largement négligée dans le processus d'élargissement. Il invite dès lors la Commission à se pencher sur ce problème, notamment dans le cadre du chapitre 19 (Politique sociale et emploi), afin d’encourager une transformation sociale positive dans les futurs États membres de l’Union européenne. Il rappelle à cet effet les grands acquis sociaux de l’Union européenne et les engagements pris dans le cadre tant de la Charte sociale européenne de 1961 que de la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs de 1989.

Pour favoriser un développement homogène des économies des pays candidats à l’adhésion et allant dans la même direction que celles des États membres de l’UE, le Parlement encourage la formulation d’objectifs réalisables et spécifiques à chaque pays, pour chacun des grands objectifs de la stratégie Europe 2020. Il considère également que pour renforcer la crédibilité et l'efficacité de la stratégie d'élargissement, les critères de Copenhague doivent être pleinement respectés et appliqués par les États membres eux-mêmes, afin d'éviter d'exiger des pays candidats le respect de normes plus élevées que celles qui sont appliquées dans certains États membres de l'Union. Á cet effet, le Parlement souhaite la fixation de points de référence justes et transparents tout au long du processus, de façon à traduire les critères d’adhésion généraux dans des étapes concrètes vers l’adhésion. Le respect d’un point de référence doit être continu, et tout recul devrait susciter une réaction adéquate des parties.

Rappelant également que l'objectif de la procédure d'adhésion est une appartenance à part entière à l'Union européenne, le Parlement demande à la Commission d’intensifier son contrôle sur les avancements du processus d’adhésion, ainsi que son assistance aux pays candidats et candidats potentiels, afin qu'ils atteignent un degré élevé de préparation. Pour le Parlement, il convient également d’évaluer la capacité d’intégration de chaque candidat avant tout processus de négociation (donc, dès la présentation de l’»avis de la Commission» sur un pays candidat).

Il souligne parallèlement que la réussite du processus d’élargissement nécessite de préserver la capacité de l’UE à agir et à poursuivre son développement en disposant de ressources financières suffisantes pour poursuivre ses objectifs politiques.

Politiques d'élargissement : se ralliant globalement à la nouvelle approche de négociation, accordant la priorité aux questions liées aux droits judiciaires et fondamentaux, ainsi qu’à la justice et aux affaires intérieures, le Parlement invite la Commission à lui faire régulièrement rapport sur les progrès réalisés dans ces domaines. Cette focalisation ne doit toutefois pas se faire au détriment des efforts et progrès réalisés dans les autres domaines.

En matière de politiques à mettre en œuvre par les candidats, le Parlement épingle les principales priorités suivantes :

  • la création d’un système judiciaire efficace, indépendant et impartial et d’un système politique démocratique transparent capable de renforcer l’État de droit ;
  • la lutte contre la corruption et la criminalité organisée ;
  • la libéralisation des visas ;
  • une participation plus grande de la société civile, des acteurs non étatiques et des partenaires sociaux dans le cadre d’un dialogue permanent ;
  • le renforcement des capacités administratives et des ressources humaines afin de les rendre aptes à la transposition, à la mise en œuvre et au respect de l’acquis ;
  • la reconnaissance du dialogue social dans le processus d’élargissement et le développement de mécanismes d’exécution effective (en matière d’inspection du travail, pour protéger les travailleurs et assurer le respect de leurs droits sociaux) ;
  • un renforcement du soutien en faveur des PME ;
  • le développement de la coopération régionale et la promotion d’une réconciliation authentique et durable (y compris, la poursuite des criminels de guerre, la coexistence pacifique des différentes communautés ethniques, culturelles et religieuses et la protection des minorités) ;
  • le renforcement de l’égalité entre les genres et la non-discrimination, y compris la défense des droits de la communauté LGBT et l'intégration des minorités dans la vie politique, sociale et économique ;
  • la mise en place de stratégies nationales d’inclusion des Roms.

D’autres questions sont évoquées comme l’amélioration qualitative du processus d’adhésion en le basant davantage sur le mérite et en le rendant plus transparent afin de le rendre plus juste et plus objectivement mesurable. Dans cette perspective, le Parlement estime que les rapports d'avancement devraient être plus clairs. Les points de référence ne devraient en outre pas fixer de conditions supplémentaires aux pays candidats et candidats potentiels, mais plutôt traduire les critères d’adhésion généraux et les objectifs de l’aide européenne de préadhésion en des étapes et en résultats concrets à atteindre.

La question des conflits et les relations de bon voisinage : le Parlement estime que tout État candidat devrait résoudre ses principaux problèmes bilatéraux et ses principaux différends avec ses voisins, en particulier les problèmes portant sur des conflits territoriaux, avant de pouvoir adhérer à l’Union. En conséquence, il appelle l'Union européenne à soutenir les efforts visant à résoudre les conflits en cours, en ce compris les conflits frontaliers. Toute résolution pacifique des conflits antérieurs à l’adhésion devraient être résolus de manière constructive et si nécessaire, se résoudre dans le cadre de la Cour internationale de justice. La résolution de ces conflits doit intervenir de sorte à ne pas entraver la mise en œuvre de l'acquis ou compromettre le maintien de la paix et de la sécurité internationales. Dans ce contexte, la Commission et le Conseil sont appelés à lancer le développement, conformément aux traités de l’UE, d’un mécanisme d’arbitrage afin de résoudre les litiges concernés.

Le Parlement se félicite par ailleurs des initiatives telles que l'agenda positif sur la Turquie, le dialogue d'adhésion à haut niveau avec l'ancienne République yougoslave de Macédoine et le dialogue structuré relatif à l'état de droit avec le Kosovo et se réjouit de l'objectif de créer une nouvelle dynamique dans le processus de réforme, tout en soulignant que ces initiatives ne doivent en aucun cas remplacer les procédures formelles de négociation, mais se conformer pleinement au cadre de négociation.

D’une manière générale, le Parlement considère qu'il importe de tenir compte des intérêts et des valeurs de l'Union dans leur globalité et de l'obligation de respecter entièrement l'acquis et les principes sur lesquels l'Union européenne elle-même est fondée.

L’IAP et la question du financement de l’adhésion : le Parlement demande à la Commission de ne pas réduire, en termes réels, le montant global pour chaque bénéficiaire. Pour le Parlement, l’aide préadhésion doit s'effectuer en tenant compte des éléments suivants: a) le rapport entre l'aide globale programmée au titre de l'IAP et le PIB des différents pays ne doit pas diminuer en termes relatifs ; b) le nombre de pays ayant accès au financement grâce au nouvel instrument diminuera probablement avec l'adhésion de la Croatie ; c) avec les modifications proposées pour le nouvel instrument, destinées à supprimer la différenciation entre les pays sur la base de leur statut de candidat ou non, un plus grand nombre de pays seront éligibles au financement.

Pour une politique de communication concertée : le Parlement estime qu’il faut accompagner l’élargissement de l’Union européenne d’une politique de communication concertée, plus efficace et plus transparente. Á cet effet, il convient de rallier le soutien des citoyens de l’Union en faveur de nouveaux élargissements et l’implication des citoyens des pays candidats et candidats potentiels en leur fournissant des informations claires et complètes sur les avantages politiques, socio-économiques et culturels de l’élargissement. Il considère qu’il est tout particulièrement essentiel d’expliquer à l’opinion publique comment l'élargissement a apporté de nouvelles opportunités d’investissement et d’exportation et comment elle peut contribuer à la réalisation des objectifs de l’UE en termes de promotion de la prévention et du règlement pacifique des conflits, de redressement de la crise économique, de création d’emplois, de facilitation de la libre circulation de la main-d’œuvre, de protection de l’environnement en améliorant par conséquent les conditions de vie des personnes et en réduisant les déséquilibres sociaux et économiques dans les pays visés.

Perspectives et intérêts stratégiques de l'Union : sachant que l’appartenance à l’Union européenne représente un intérêt stratégique à long terme pour l’UE, le Parlement insiste pour rester pleinement engagé dans la perspective de l'élargissement. Il rappelle encore que le processus d’élargissement ne se résume pas à la simple transposition de l’acquis mais doit se concentrer sur sa mise en œuvre efficace. Á cet effet, il demande que les États membres de l’UE soient également évalués afin de s’assurer qu’ils continuent de respecter les valeurs fondamentales européennes. Il appelle dès lors la Commission à élaborer une proposition détaillée sur un mécanisme de contrôle, établi sur la base des dispositions de l'article 7 du TUE et de l'article 258 du TFUE.

Constatant les dégâts de la crise financière mondiale et les difficultés de la zone euro, le Parlement souligne l'importance de poursuivre la consolidation de la stabilité économique et financière et d'encourager la croissance, dans les pays candidats et candidats potentiels ainsi que le maintien de finances publiques saines. Il convient donc de prévoir une assistance financière de préadhésion adéquate et mieux ciblée. Il se réjouit dès lors de la proposition de la Commission concernant un nouvel IAP, qui prévoit l'augmentation du soutien financier pour la perspective financière 2014-2020. Il suggère également que l’on recoure plus volontiers à des instruments financiers innovants notamment dans les Balkans occidentaux, qui complètent les structures administratives de l'IAP et qui visent à mobiliser et canaliser les aides aux régions prioritaires.

Le Parlement met enfin en avant la nécessité de concentrer le processus d’élargissement sur un modèle de croissance durable à l’image de ce qui se fait dans le cadre des objectifs d'Europe 2020.