Situation en matière de droits fondamentaux: normes et pratiques en Hongrie (conformément à la résolution du Parlement européen du 16 février 2012)  
2012/2130(INI) - 03/07/2013  

Le Parlement européen a adopté par 370 voix pour, 249 voix contre et 82 abstentions, une résolution sur la situation en matière de droits fondamentaux: normes et pratiques en Hongrie (conformément à la résolution du Parlement européen du 16 février 2012 sur les événements politiques en Hongrie).

Valeurs européennes communes : le Parlement rappelle que l'Union européenne repose sur les valeurs de dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, d'état de droit ainsi que de respect des droits de l'homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités, ainsi que l'énonce l'article 2 du traité UE, et confère, selon une procédure définie, aux institutions européennes, le pouvoir de constater qu'il existe un risque manifeste de violation grave, par un État membre, des valeurs communes énoncées à l'article 2, et d'agir politiquement avec le pays concerné afin d'empêcher et de remédier aux violations.

Réforme en Hongrie : le Parlement indique qu'à la suite des élections générales de 2010 en Hongrie, la majorité au pouvoir a remporté plus de deux tiers des sièges au parlement, ce qui lui a permis d'entreprendre rapidement une activité législative intense en vue de redéfinir l'ensemble de l'ordre constitutionnel du pays (la Constitution précédente a été modifiée douze fois et la Loi fondamentale, quatre fois jusqu'à présent) et ainsi modifier considérablement le cadre institutionnel et juridique ainsi qu'un certain nombre d'aspects fondamentaux non seulement de la vie publique, mais également de la vie privée. Pour le Parlement, toute réforme constitutionnelle exige le plus grand soin et la prise en considération des procédures et garanties visant à préserver, entre autres, l'état de droit, la séparation des pouvoirs et la hiérarchie des normes juridiques – la constitution étant la loi suprême du pays. Or, l'échelle des réformes constitutionnelles et institutionnelles globales et systématiques que le nouveau gouvernement et le nouveau parlement hongrois ont réalisées dans un délai exceptionnellement court est sans précédent.

La Loi fondamentale et ses dispositions transitoires : le Parlement indique que la Loi fondamentale hongroise (adoptée le 18 avril 2011 exclusivement grâce aux voix des membres de la coalition au pouvoir et sur base d'un projet de texte préparé par les représentants de cette même coalition) a été adoptée en 35 jours civils à dater de la présentation de la proposition (T/2627) au parlement, limitant ainsi les possibilités de débat approfondi et substantiel avec les partis d'opposition et la société civile sur le projet de texte. Le Parlement souligne par ailleurs que le 28 décembre 2012, à la suite d'une requête constitutionnelle présentée par le commissaire hongrois aux droits fondamentaux, la Cour constitutionnelle hongroise a annulé plus de deux tiers des dispositions transitoires, au motif qu'elles n'étaient pas de nature transitoire et que le quatrième amendement à la Loi fondamentale, adopté le 11 mars 2013, intègre dans le texte de la Loi fondamentale la plupart des dispositions transitoires annulées par la Cour constitutionnelle, pourtant jugées anticonstitutionnelles.

Recours fréquent aux lois cardinales : le Parlement indique que la Loi fondamentale hongroise mentionne 26 domaines devant être définis par des lois cardinales (à savoir des lois dont l'adoption exige une majorité des deux tiers), qui couvrent toute une série de matières relatives au système institutionnel hongrois, à l'exercice des droits fondamentaux et à des dispositions importantes dans la société et que depuis l'adoption de la Loi fondamentale le parlement a adopté 49 lois cardinales  (en un an et demi).

Affaiblissement de l'équilibre des pouvoirs: le Parlement évoque parallèlement l’affaiblissement général de l’équilibre des pouvoirs que ce soit à la Cour constitutionnelle, au parlement hongrois, ou au sein de l'autorité chargée de la protection des données. Il estime dans ce contexte, qu'à la lumière des modifications systématiques de la Loi fondamentale selon la volonté du pouvoir politique, la Cour constitutionnelle ne peut plus jouer correctement son rôle d'organe suprême de protection constitutionnelle. Le Parlement regrette notamment que les nombreuses mesures adoptées, ainsi que certaines réformes en cours, n'offrent pas de garanties suffisantes de protection constitutionnelle de l'indépendance du pouvoir judiciaire et de l'indépendance de la Cour constitutionnelle de Hongrie.

Réforme électorale : le Parlement indique que la majorité au pouvoir au parlement hongrois a réformé le système électoral de manière unilatérale sans chercher à parvenir à un consensus avec l'opposition et en limitant de manière excessive le droit de vote des résidents hongrois.

Législation relative aux médias : le Parlement reconnaît les efforts des autorités hongroises, qui ont abouti à des changements législatifs visant à remédier aux insuffisances constatées et se conformer aux normes de l'UE et du Conseil de l'Europe. Il se déclare toutefois préoccupé par les effets de la disposition du quatrième amendement qui interdit la publicité politique dans les médias commerciaux, car bien que l'objectif déclaré de cette disposition soit de réduire les coûts des campagnes politiques et de mettre tous les partis sur un pied d'égalité, elle compromet l'objectivité de l'information. Il rappelle que les réglementations relatives aux contenus devraient être claires et note avec inquiétude qu'en dépit de ces réglementations détaillées, de récentes prises de position publiques anti-Roms sont restées impunies par l'autorité hongroise responsable des médias.

Droits des personnes appartenant à des minorités : le Parlement constate que le parlement hongrois a promulgué une législation en matière pénale et civile afin de lutter contre l'incitation à la haine raciale et les discours haineux. Il considère que de telles mesures législatives sont un point de départ important pour atteindre l'objectif d'une société exempte d'intolérance et de discrimination à travers l'Europe, vu que des mesures concrètes ne peuvent se fonder que sur une législation ferme. Il relève cependant que la législation doit faire l'objet d'une application effective. Il note avec préoccupation les nombreux changements dans l'ordre juridique qui restreignent les droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT), par exemple en cherchant à exclure les couples de même sexe et leurs enfants, mais aussi d'autres structures familiales différentes, de la définition de "famille" dans la Loi fondamentale hongroise. Il souligne que ces dispositions vont à l'encontre de la jurisprudence récente de la Cour européenne des droits de l'homme et alimentent un climat d'intolérance vis-à-vis des personnes LGBT.

Recommandations : le Parlement réaffirme que la résolution ne traite pas seulement de la Hongrie, mais indissociablement de l'Union européenne dans son ensemble, de sa reconstruction et de son développement démocratiques suite à la chute des totalitarismes du XXe siècle. Elle traite de l'aide et de la confiance mutuelles dont l'Union, ses citoyens et les États membres ont besoin pour que ces traités ne constituent pas juste des mots sur le papier, mais forment la base juridique d'une Europe vraie, juste et ouverte, qui respecte les droits fondamentaux. Le Parlement réaffirme que la crédibilité et la solidité des institutions constitutionnelles jouent un rôle clé dans le fondement des politiques économiques, budgétaires et sociales et de la cohésion sociale.

Appel lancé à tous les États membres : la résolution invite les États membres à remplir leurs obligations découlant des traités concernant le respect, la garantie, la protection et la promotion des valeurs communes de l'Union, lesquelles sont indispensables du respect de la démocratie.

Appel lancé au Conseil européen : le Parlement déplore que le Conseil européen soit la seule institution politique européenne à avoir gardé le silence, alors que la Commission, le Parlement, le Conseil de l'Europe, l'OSCE et même le gouvernement américain ont exprimé des inquiétudes quant à la situation de la Hongrie. Il rappelle au Conseil européen ses responsabilités dans le cadre d'une zone de liberté, de sécurité et de justice européenne. Il estime que le Conseil européen ne peut rester passif lorsqu'un des États membres viole les droits fondamentaux ou met en place des changements pouvant compromettre l'état de droit dans ledit pays et par conséquent l'état de droit au sein de l'Union européenne au sens large, en particulier quand la confiance mutuelle dans le système juridique et la coopération judiciaire sont menacées, au risque de retombées négatives pour l'Union elle-même. Il invite le président du Conseil européen à informer le Parlement de son évaluation de la situation.

Recommandations à l'intention de la Commission européenne : en tant que gardienne des Traités, la Commission est appelée à s’assurer de la complète mise en œuvre de la loi européenne sous la supervision de la Cour de justice de l'Union européenne.

Entre autres choses, la Commission est appelée à :

  • informer le Parlement de son évaluation du quatrième amendement à la Loi fondamentale et de son impact sur la coopération au sein de l'Union européenne;
  • lancer des enquêtes objectives et entamer des procédures d’infraction à chaque fois qu'elle considère qu'un État membre a manqué à une des obligations qui lui incombent en vertu des traités et, notamment, qu'il a enfreint les droits inscrits à la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne;
  • éviter toute différence de traitement entre les États membres, en veillant à ce que, dans des situations analogues, tous les États membres soient traités de la même manière ;
  • se concentrer non seulement sur les violations spécifiques du droit européen, mais également de réagir comme il se doit à un changement systémique du système constitutionnel et juridique et de la pratique d'un État membre au sein duquel de multiples violations récurrentes conduisent malheureusement à un état d'incertitude juridique;
  • adopter une approche plus exhaustive afin de pouvoir faire face à tout risque potentiel de violation grave des valeurs fondamentales au sein d'un État membre donné et ce dès le début, et d'engager immédiatement un dialogue politique structuré avec l'État membre concerné et les autres institutions européennes.

Recommandations à l'intention des autorités hongroises : le Parlement demande aux autorités hongroises de mettre en œuvre sans plus attendre toutes les mesures que la Commission juge nécessaire en vue de se conformer pleinement à la loi européenne, de se conformer aux décisions de la Cour constitutionnelle hongroise ainsi que les recommandations du Parlement européen, en ligne avec les recommandations établies par les diverses institutions internationales en vue de la protection des droits fondamentaux, de restaurer pleinement l'état de droit et ses principales exigences concernant le cadre constitutionnel, le système d'équilibre des pouvoirs et l'indépendance du pouvoir judiciaire, ainsi que de solides garanties pour les droits fondamentaux, dont la liberté d'expression, la liberté des médias, la liberté de culte, la protection des minorités, la lutte contre les discriminations et le droit à la propriété.

Recommandations à l'intention des institutions européennes concernant l'établissement d'un nouveau mécanisme permettant d'appliquer efficacement l'article 2 du traité UE : enfin, le Parlement rappelle le besoin urgent de faire face au "dilemme de Copenhague", à l'égard duquel l'Union européenne reste très stricte quant au respect des valeurs et des normes communes par les pays candidats, mais manque d'outils efficaces de contrôle et de sanction dès que ces pays ont rejoint l'Union européenne.

Étant donné l'article 7 du traité UE, le Parlement réclame enfin l’établissement d’un nouveau mécanisme pour garantir le respect, par tous les États membres, des valeurs communes consacrées à l'article 2 du traité UE et la continuité des critères dits "de Copenhague". Un tel mécanisme pourrait prendre la forme d'un groupe de haut niveau ou commission "de Copenhague", d'un "groupe des sages" ou d'une évaluation au titre de l'article 70 du traité FUE, dans le prolongement de la réforme et du renforcement du mandat de l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Á noter qu’une proposition de résolution de remplacement présentée par le groupe ALDE a été repoussée en Plénière.