Aspects liés à l'emploi et dimension sociale du rôle et des activités de la troïka (BCE, Commission et FMI) dans les pays du programme de la zone euro  
2014/2007(INI) - 21/02/2014  

La commission de l'emploi et des affaires sociales a adopté le rapport d’initiative d’Alejandro CERCAS (S&D, ES) sur l'emploi et les aspects sociaux du rôle et des opérations de la Troïka (BCE, Commission et FMI) dans les pays du programme de la zone euro.

Les députés constatent la crise économique et financière sans précédent qui a mis en évidence la fragilité des finances publiques dans certains États membres. Ils constatent en particulier les mesures des programmes d'ajustement économique adoptées en réponse à la situation de la Grèce (mai 2010 et mars 2012), de l'Irlande (décembre 2010), du Portugal (mai 2011) et de Chypre (juin 2013) qui ont eu des répercussions directes et indirectes sur le niveau d'emploi et sur les conditions de vie de nombreuses personnes.

Absence du Parlement européen dans la mise en place des programmes d’ajustement : faisant l’état des lieux de la situation de ces pays et notamment du niveau de chômage qui touche ces États membres (la situation étant particulièrement inquiétante en Grèce, où le taux de chômage des jeunes dépasse 50%, au Portugal et en Irlande, où il excédait les 30% en 2012, ou encore à Chypre, où il avoisine 26,4% même si ces chiffres s’améliorent après cinq années de crise), les députés regrettent que les programmes d’ajustement qui ont été proposés et mis en œuvre dans ces pays aient été initiés en ne tenant aucun compte de la position du Parlement européen. Ce dernier a été en effet entièrement tenu à l'écart des différentes phases des programmes, à savoir la phase préparatoire, l'élaboration des mandats et le suivi des résultats obtenus par les programmes et les mesures associées. Bien qu'aucune disposition contraignante ne rende obligatoire l'association du Parlement aux travaux faute de base juridique, les députés estiment que l'absence des institutions européennes et de mécanismes financiers européens ont conduit à improviser les programmes, ce qui s'est traduit par des accords financiers et institutionnels conclus en dehors de la méthode communautaire. Ils relèvent, de même, que la Banque centrale européenne a pris des décisions qui ne relevaient pas de son mandat.

Dans ce contexte, les députés appellent les seules des institutions réellement responsables sur le plan démocratique à diriger le processus politique d'élaboration et de mise en œuvre des programmes d'ajustement pour les pays confrontés à de graves problèmes financiers.

Les députés déplorent au passage que les programmes en question aient été élaborés sans disposer des moyens suffisants pour évaluer leurs répercussions par des études d'impact ou une coordination avec le comité de l'emploi, le comité de la protection sociale, le Conseil emploi, politique sociale, santé et consommateurs (EPSCO) ou le commissaire chargé de l'emploi et des affaires sociales. Ils regrettent en outre que l'OIT n'ait pas été consultée, pas plus que les organes consultatifs institués par les traités, et notamment le Comité économique et social et le Comité des régions, malgré les conséquences sociales importantes du dossier.

Enfin, les députés déplorent que les conditions imposées en échange de l'assistance financière aient menacé la réalisation des objectifs sociaux de l'Union dans les États membres concernés.

Recommandations à la Commission : face à ces constats et à la dégradation de l’emploi et à la disparition de PME, cause majeure de la faible reprise dans ces pays et face aussi à l’appauvrissement et à l’exclusion sociale en hausse dans les États membres visés, les députés invitent la Commission à réaliser une étude détaillée des conséquences économiques et sociales de la crise économique et financière et des programmes d'ajustement mis en œuvre pour y remédier dans les quatre pays concernés, afin d'en appréhender avec précision les effets à court et à long terme sur l'emploi et les systèmes de protection sociale, ainsi que sur l'acquis social européen.

Ils invitent :

  • la Commission à prier l'OIT et le Conseil de l'Europe de rédiger des rapports sur les éventuelles mesures correctrices et d'incitation nécessaires ;
  • l'Union européenne, compte tenu des sacrifices consentis par ces pays, à apporter son aide, au terme de l'évaluation et en mobilisant des ressources financières suffisantes le cas échéant, au rétablissement des normes de protection sociale, à la relance de la lutte contre la pauvreté, aux services éducatifs, notamment ceux visant les enfants présentant des besoins particuliers et les personnes en situation de handicap.

Les députés exigent en particulier le respect des obligations juridiques nées des traités et de la charte des droits fondamentaux, dès lors que le non-respect de celles-ci constitue une violation du droit primaire de l'Union européenne.

Ils demandent à la troïka et aux États membres concernés de mettre un terme aux programmes dès que possible et d'introduire des mécanismes de gestion de crise qui permettraient à l'ensemble des institutions de l'Union, y compris le Parlement, d'atteindre les objectifs sociaux et de mettre en place les politiques associées – dont celles ayant trait aux droits individuels et collectifs des personnes les plus exposées au risque d'exclusion sociale – visés dans les traités et inscrits dans les accords conclus avec les partenaires sociaux ou dans d'autres obligations contractées à l'échelle internationale. Ils réclament à cet égard une transparence accrue et une plus grande implication politique dans l'élaboration et la mise en œuvre des programmes d'ajustement. Ils invitent en particulier la Commission et le Conseil à prêter aux déséquilibres sociaux et à la lutte contre ceux-ci la même attention que celle qu'ils accordent aux déséquilibres macroéconomiques, et à faire en sorte que les mesures d'ajustement poursuivent un objectif de justice sociale. De même, ils recommandent à la Commission et aux États membres de ne pas considérer les dépenses en matière de santé publique et d'éducation comme étant susceptibles de faire l'objet de coupes, mais comme des investissements publics dans l'avenir du pays.

Vers des programmes de relance : une fois passé le moment le plus difficile de la crise financière, les députés demandent que les pays concernés par les programmes, conjointement avec les institutions de l'Union, mettent en place des programmes de relance de l'emploi visant à restaurer suffisamment l'économie pour revenir à la situation d'avant les programmes dans le domaine social, prenant notamment en compte :

  • la nécessité de rétablir rapidement le système d'octroi de crédits, en particulier pour les PME ;
  • le besoin de créer des conditions favorables pour les entreprises ;
  • l'exploitation optimale des possibilités offertes par le Fonds social européen ;
  • une réelle politique de l'emploi prévoyant des mesures actives pour le marché du travail ;
  • des services publics pour l'emploi à l'échelle européenne et de qualité ;
  • une garantie européenne d'emploi pour les jeunes ;
  • la nécessité d'assurer l'équité de l'impact de la répartition des revenus ;
  • un programme destiné aux ménages sans emploi, et une gestion budgétaire plus prudente.

Sont encore réclamées : i) un rapport sur les progrès réalisés vers l'accomplissement des objectifs de la stratégie Europe 2020, en accordant une attention particulière à l'absence de progrès dans les pays des programmes ; ii) des études d'incidences sociales avant d'imposer des réformes majeures dans les pays concernés par les programmes et à examiner l'effet de contagion de ces mesures, par exemple sur la pauvreté, sur l'exclusion sociale, sur le taux de criminalité et sur la xénophobie ; iii) des mesures d'urgence afin d'empêcher la progression du nombre de sans-abri dans les pays concernés ; iv) un rapport d’application tel que prévu par le règlement (UE) n° 472/2013 sur la gouvernance économique ; v)  la consultation de la société civile, des associations de patients et des organisations professionnelles en ce qui concerne les futures mesures relatives à la santé prévues dans les programmes d'ajustement.