Rapport d'enquête sur le rôle et les activités de la troïka (BCE, Commission et FMI) dans les pays du programme de la zone euro  
2013/2277(INI) - 28/02/2014  

La commission des affaires économiques et monétaires a adopté un rapport d’initiative d’Othmar KARAS (PPE, AT) et de Liem HOANG NGOC (S&D, FR) sur le rapport d’enquête sur le rôle et les activités de la troïka (BCE, Commission et FMI) dans les pays sous-programme de la zone euro.

Le rapport consiste à évaluer le fonctionnement de la troïka dans les programmes en cours dans les quatre pays que sont la Grèce, le Portugal, l'Irlande et Chypre.

La troïka: la dimension institutionnelle et la légitimité démocratique : en raison de la nature évolutive de la réaction de l'Union à la crise, de l'imprécision du rôle de la BCE dans la troïka et de la nature du processus décisionnel de cette dernière, le rapport note que le mandat de la troïka est perçu comme n'étant pas clairement défini et dépourvu de transparence et de contrôle démocratique.

Les députés soulignent que les mécanismes de sauvetage et la troïka revêtent un caractère ad hoc et déplorent l'absence d'une base juridique adéquate pour la création de la troïka au regard du droit primaire de l'Union, situation qui a conduit à l'instauration de mécanismes intergouvernementaux tels que le Fonds européen de stabilité financière (FESF) et, finalement, le mécanisme européen de stabilité (MES). Ils demandent que toute solution future repose sur le droit primaire de l'Union, ce qui pourrait conduire à la nécessité de modifier le traité.

Le rapport s'interroge sur le double rôle joué par la Commission dans le cadre de la troïka, en tant qu'agent des États membres et institution de l'Union et déclare l'existence d'un conflit d'intérêts potentiel au sein de la Commission entre son rôle dans la troïka et sa responsabilité de gardienne des traités et de l'acquis communautaire. Il appelle également l'attention sur le conflit d'intérêts potentiel entre le rôle actuel de la BCE dans la troïka en tant que «conseiller technique» et son statut de créancier à l'égard des quatre États membres. De plus, il déplore que, en raison de ses statuts, le FMI ne puisse pas être entendu formellement par les parlements nationaux ou le Parlement européen. Il souligne que la participation du FMI comme prêteur en dernier ressort assurant jusqu'à un tiers du financement confère à cette institution un rôle minoritaire.

Les députés regrettent que la troïka soit dépourvue, en raison de sa structure, des moyens d'assurer une légitimité démocratique à l'échelon de l'Union européenne. Ils déplorent également que les institutions de l'Union soient présentées comme des boucs émissaires responsables des effets négatifs de l'ajustement macroéconomique effectué par les États membres, alors que ce sont les ministres des finances des États membres qui sont politiquement responsables de la troïka et de ses activités. Il est donc demandé à l'Eurogroupe, au Conseil et au Conseil européen d'assumer l'entière responsabilité des activités de la troïka.

Propositions et recommandations :

1) Du court terme au moyen terme, le rapport demande : i) l'application de règles de procédure précises, transparentes et contraignantes aux relations entre les institutions membres de la troïka et à la répartition des fonctions et des responsabilités au sein de celle-ci ; ii) l'élaboration d'une stratégie de communication améliorée pour les programmes d'assistance financière actuels ou futurs.

Les députés rappellent que la position adoptée par le Parlement sur le règlement (UE) n° 472/2013 impliquait l'instauration de dispositions exigeant que les programmes d'ajustement macroéconomique comportent des plans d'urgence en cas de non-réalisation des scénarios de référence prévus et en cas de glissement causé par des circonstances échappant au contrôle de l'État membre bénéficiant d'une assistance, par exemple en cas de choc économique international inattendu. Le rapport souligne que de tels plans sont une condition indispensable de toute politique prudente étant donné la fragilité et le manque de fiabilité des modèles économiques qui sous-tendent les prévisions des programmes.

Le rapport souligne également que la quête de la stabilité économique et financière dans les États membres et dans l'Union ne doit pas nuire à la stabilité sociale, au modèle social européen ni aux droits sociaux des citoyens de l'Union. Il insiste sur la nécessité d'associer les partenaires sociaux à l'élaboration et à la mise en œuvre des programmes d'ajustement actuels et futurs.

La Commission est invitée à ouvrir des négociations interinstitutionnelles avec le Parlement afin de définir une procédure commune destinée à informer la commission compétente du Parlement des conclusions tirées du suivi du programme d'ajustement macroéconomique ainsi que des progrès accomplis dans la préparation du projet de programme d'ajustement macroéconomique.

Les députés proposent que, pour chaque pays sous programme, la Commission mette en place un «groupe de travail sur la croissance» composé notamment d'experts désignés, entre autres, par les États membres et la BEI ainsi que de représentants du secteur privé et de la société civile, chargé de proposer des mesures possibles pour promouvoir la croissance en complément de l'assainissement budgétaire et des réformes structurelles.

Avant la fin de 2015, la Commission devrait présenter une étude détaillée sur les conséquences économiques et sociales des programmes d'ajustement dans les quatre pays.

Le rapport demande également : i) une réévaluation du processus décisionnel de l'Eurogroupe afin que soit instaurée une responsabilité démocratique appropriée aux niveaux national et européen ; ii) l’intégration du MES dans le cadre juridique de l'Union pour qu’il devienne un mécanisme communautaire.

2) À plus long terme, le rapport recommande de clarifier les rôles et les tâches de chaque membre de la troïka selon les modalités suivantes:

  • la création d’un Fonds monétaire européen (FME), qui associerait les moyens financiers du MES et les ressources humaines que la Commission a acquises ces dernières années, assumerait désormais le rôle de la Commission, ce qui permettrait à cette dernière d'agir dans le respect de l'article 17 du traité FUE, en particulier comme «gardienne des traités» ;
  • la BCE participerait comme observateur silencieux au processus de négociation, de manière à pouvoir formuler de graves préoccupations au titre de son rôle de conseiller de la Commission, et ultérieurement auprès du Fonds monétaire européen, le cas échéant;
  • le FMI, si sa participation est indubitablement nécessaire, serait un prêteur marginal et pourrait, par conséquent, cesser d'être associé au programme en cas de désaccord.

Le prochain Parlement serait invité à continuer le travail contenu dans le présent rapport.