Défis en matière de sécurité au Moyen-Orient et en Afrique du Nord et perspectives de stabilité politique  
2014/2229(INI) - 18/06/2015  

La commission des affaires étrangères a adopté un rapport d'initiative de Vincent PEILLON (S&D, FR) sur les défis en matière de sécurité au Moyen-Orient et en Afrique du Nord et les perspectives de stabilité politique.

Le rapport note que les conflits en Syrie, en Iraq, au Yémen et en Libye, ainsi que l'exacerbation des tensions au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, sont une source importante de déstabilisation pour la région qui fait peser des risques graves sur la sécurité, les citoyens et les intérêts de l'Union. La stabilisation de la région est un enjeu non seulement sur le plan de la sécurité, mais aussi en matière d'économie, de politique et de société, qui appelle l'Union et ses États membres à élaborer des politiques stratégiques, globales et multidimensionnelles dans une perspective de moyen et de long terme.

Les députés estiment que, contrainte de réagir dans l'urgence aux crises successives dans la région MOAN, qu'elle n'avait pas su anticiper malgré les signes avant-coureurs, l'Union n'a pas été en mesure d'analyser les éléments fondamentaux, ni de gérer la complexité de la situation, les attentes et les perspectives créées par les soulèvements arabes de 2011. Surtout, elle n'a pas su répondre à la nécessité d'une stratégie à très long terme pour soutenir et favoriser une véritable transition démocratique, le développement économique et la stabilité politique.

Répondre aux menaces et aux problèmes de sécurité : le rapport a invité l'Union et ses États membres à s'attaquer aux causes profondes de la détérioration rapide de la situation dans la région MOAN par une démarche complète et ambitieuse.

Tout en se félicitant de la participation de certains États membres de l'Union à la coalition internationale contre le groupe «État islamique», les députés ont demandé l'accroissement de la mobilisation dans tous les domaines et souligné la nécessité de mieux coordonner les actions entreprises, si nécessaire dans le cadre d'une opération relevant de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC). Ils ont demandé à cet effet, de mettre en place des capacités opérationnelles suffisantes et une véritable défense européenne commune.

Le rapport a invité l'Union à jouer le rôle de médiateur principal dans le dialogue régional et à y associer toutes les parties concernées à ce niveau, y compris la Ligue des Etats arabes (LEA), l'Arabie saoudite, l'Égypte, la Turquie et l'Iran, tout en répondant aux demandes légitimes des populations locales, notamment exprimées lors du printemps arabe de 2011, afin d'assurer la stabilité à long terme de la région. Les députés ont invité la HR/VP à travailler avec les ministres des affaires étrangères des États membres de l'Union et à assurer un dialogue constant et au plus haut niveau avec les pays de la région. Ils ont mis l’accent sur les points suivants :

  • l’UE et le monde arabe devraient évaluer les causes profondes de la radicalisation et les traiter dans une démarche globale fondée sur la sécurité, la capacité à établir une gouvernance démocratique et le développement politique, économique, social et culturel, dont l'inclusivité serait un principe fondateur; en l'absence d'une solution concrète et durable à ces problèmes, toute action visant à neutraliser la menace représentée par le groupe «État islamique» et les autres organisations terroristes rencontrerait des difficultés accrues et persistantes;
  • les efforts visant à adapter l'aide humanitaire de l'Union aux besoins spécifiques au sexe et à l'âge des réfugiés doivent être salués ; les députés ont pris acte de l'attribution d'un milliard EUR prévue dans le cadre de la stratégie de l'Union intitulée «Éléments relatifs à une stratégie régionale de l'UE pour la Syrie et l'Iraq, ainsi que pour la menace que représente Daech», dont 400 millions ont été consacrés à l'aide humanitaire;
  • l'ensemble des États membres de l'Union devraient renforcer leur engagement face à la crise des réfugiés en termes de ressources financières et de réinstallation des réfugiés les plus vulnérables; il conviendrait de prêter une attention particulière à la Jordanie et au Liban, qui absorbent la part la plus importante de réfugiés proportionnellement à leur population;
  • face à l'augmentation de demandes d'asile de Syrie et d'Iraq, les États membres devraient redoubler d'efforts afin d'accueillir les demandeurs d'asile et de traiter sans tarder les dossiers déjà déposés;
  • l'Union devrait promouvoir le renforcement de la confiance entre l'Iran et l'Arabie saoudite et renforcer la coopération contre le terrorisme avec la Turquie qui, en tant que membre de l'OTAN, pourrait jouer un rôle de premier plan dans la lutte contre le groupe «État islamique»;
  • il conviendrait de créer les conditions d'une reprise des négociations de paix entre Israël et l'Autorité palestinienne en vue d'un règlement définitif du conflit, fondé sur la solution de deux États vivant côte à côte en paix et en sécurité, dans les frontières de 1967 et avec Jérusalem comme capitale des deux États, conformément au droit international.

Renforcer la stratégie globale pour la démocratie et les droits de l'homme : convaincus que l'absence de démocratie était l'une des cause fondamentales de l'instabilité politique dans la région, les députés ont demandé à l'Union européenne de continuer à soutenir la société civile, notamment grâce à l'instrument européen pour la démocratie et les droits de l'homme (IEDDH) et au mécanisme de voisinage en faveur de la société civile de la PEV, ainsi qu'aux nouveaux instruments de soutien à la démocratie tels que le Fonds européen pour la démocratie (FEDEM). Les États membres ont été invités à doter le budget du Fonds d'un financement suffisant.

Tout en se félicitant du lancement d'une vaste consultation sur la révision de la politique européenne de voisinage (PEV), les députés ont souligné l'importance de préserver l'actuel équilibre de distribution des fonds de la PEV. Ils ont rappelé que les pays qui progressent dans leurs réformes et respectent mieux les mesures européennes, notamment la Tunisie, devraient obtenir un soutien supplémentaire décisif.

L’UE a par ailleurs été invitée à établir un programme spécifique de soutien et de réhabilitation pour les femmes et les jeunes filles victimes de violences sexuelles et d'esclavage dans les zones de conflit du Proche-Orient et d'Afrique du Nord, en particulier en Syrie et en Iraq.

Le rapport a insisté sur la nécessité de développer un contre-discours européen efficace et commun à tous les États membres face à la propagande djihadiste et à la radicalisation en Europe, grâce aux outils numériques, à l'internet et aux réseaux sociaux. Ce contre-discours devrait reposer sur la mise en avant de valeurs communes fondées sur l'universalité des droits de l'homme et devrait discréditer l'idée d'un conflit entre les religions et les civilisations. Des personnes parlant les langues de la région MOAN devraient être nommées au SEAE afin de renforcer l'efficacité de la communication.

Les députés ont réaffirmé le rôle central de l'Union pour la Méditerranée et rappelé l'importance de redonner un élan et une ambition politique à l'Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne.

Approfondir la coopération pour le développement économique : selon les députés, le dialogue stratégique de l'Union européenne avec les pays MOAN devrait être complété par un nouvel élan pour un développement économique durable, de nature à résorber les inégalités et à offrir, en particulier aux jeunes, des perspectives en matière d'emploi et d'éducation.  Le rapport a souligné l'importance de créer les conditions d'un accès des pays MOAN au marché unique de l'Union, avec toutes les protections qui leur sont nécessaires de même que l'importance de favoriser les investissements européens dans les pays MOAN, notamment en matière d'énergie et d'infrastructures.

Notant que les bouleversements pourraient mettre en péril la sécurité énergétique de l'UE, les députés ont proposé que l'Union européenne se lance plus résolument dans une diplomatie énergétique à l'égard de la région MOAN, soulignant l'importance à la fois stratégique et économique de l'approvisionnement énergétique auprès des pays voisins méridionaux de l'Union européenne.

Enfin, la commission parlementaire a regretté qu'un délai minimum d'un an soit nécessaire pour débloquer l'aide macrofinancière à destination de pays dont la situation budgétaire est très précaire. Elle a insisté sur la mise en place d'un nouveau volet procédural de l'aide européenne, eu égard à l'assistance fournie par les instruments financiers de l'action extérieure de l'Union européenne et à l'aide macro-financière. En outre, l'Union européenne est invitée à évaluer l'incidence socio-économique et les répercussions sur les droits de l'homme des mesures demandées aux pays bénéficiaires, afin de garantir que cette assistance ne constitue pas un facteur d'instabilité, par exemple en portant atteinte aux services publics.