Situation des droits fondamentaux dans l'Union européenne (2013-2014)  
2014/2254(INI) - 08/09/2015  

Le Parlement européen a adopté par 371 voix pour, 293 voix contre et 43 abstentions, une résolution sur la situation des droits fondamentaux dans l'Union européenne (2013-2014).

Pour une stratégie interne sur les droits fondamentaux : le Parlement rappelle qu'il est fondamental de garantir le respect plein et entier des valeurs européennes communes énoncées à l'article 2 du traité UE. Il espère qu'une stratégie interne sur les droits fondamentaux sera rapidement adoptée en étroite collaboration avec l’ensemble des institutions. Il déplore en particulier le manque de volonté politique à recourir à l'article 7 du traité UE à l'égard des États membres responsables de violations des droits fondamentaux à titre de sanction et de mesure de dissuasion. Il souligne que tous les instruments actuellement prévus par les traités en la matière doivent être appliqués et mis en œuvre de toute urgence.

Pour renforcer le cadre européen existant, le Parlement demande à la Commission de :

  • lancer des procédures d'infraction à l’encontre des États membres qui ne respectent pas l'article 2 du traité UE;
  • veiller au lancement automatique de la procédure visée à l'article 7 du traité UE en cas de défaillance d’un État membre;
  • préciser que toutes les propositions législatives, politiques et actions de l'Union doivent respecter la charte des droits fondamentaux.

La stratégie interne devrait en outre s'accompagner d'un nouveau mécanisme clair et détaillé qui s'appuie solidement sur le droit international et de l'Union et qui fasse siennes toutes les valeurs protégées par l'article 2 du traité UE.

Un tel mécanisme devrait permettre de :

1)      assurer la cohérence avec le cadre stratégique en matière de droits de l'homme et de démocratie qui est déjà appliqué dans les relations extérieures de l'Union;

2)      rendre les institutions européennes et les États membres responsables de leurs actions et de leurs omissions en ce qui concerne les droits fondamentaux;

3)      contrôler le respect des droits fondamentaux par tous les États membres et engager un dialogue systématique et institutionnalisé en cas de violation des droits fondamentaux par un ou plusieurs États membres.

Pour renforcer encore l’efficacité de cette stratégie, la Commission est appelée à élaborer un tableau de bord fondé sur des indicateurs communs et objectifs qui permette d'évaluer la situation de la démocratie, de l'état de droit et des droits fondamentaux.

Recrudescence des actes discriminatoires : le Parlement s'inquiète de l'intensification préoccupante des violations des droits fondamentaux au sein de l'Union, notamment dans les domaines de l'immigration et de l'asile ainsi que des attaques ou pressions faites contre des ONG défendant les droits de ces groupes et communautés. Il constate la réticence des États membres à faire respecter ces libertés, notamment en ce qui concerne les Roms, les femmes, les personnes LGBTI, les demandeurs d'asile, les migrants et les autres populations vulnérables.

Le Parlement suggère notamment que les droits et les principes fondamentaux, tels qu'ils figurent dans les traités, la charte et la convention européenne des droits de l'homme, soient intégrés d'emblée dans les stratégies et mesures de sécurité intérieure.

Dans sa 2ème partie, le Parlement passe en revue les principaux droits fondamentaux et dresse un état des lieux de la situation à l’égard de ces droits dans l’UE.

Liberté et sécurité : le Parlement se penche sur les droits liés à la liberté et à la sécurité :

  • liberté d’expression :
  • le Parlement prie l'Union et les autorités nationales de veiller à ce que les mesures de lutte contre le terrorisme respectent pleinement la démocratie, l'état de droit et les droits fondamentaux, notamment les droits de la défense et la présomption d'innocence;
  • le Parlement demande une nouvelle fois aux États membres d'établir les responsabilités pour les violations des droits fondamentaux dans le cadre de la déportation et de la détention illégale de détenus par la CIA dans des pays européens. Il prie les États membres de conduire des enquêtes ouvertes et transparentes pour faire toute la lumière sur cette affaire et de coopérer pleinement à l'enquête menée par le Parlement européen dans ce domaine;
  • en matière de surveillance massive de données, le Parlement condamne fermement les activités de surveillance telles qu'elles sont révélées depuis 2013. Il invite la Commission et les États membres à tenir pleinement compte des exigences et de ses recommandations figurant dans sa résolution du 12 mars 2014 sur le programme de surveillance de la NSA. Il rappelle au passage que les États membres doivent faire en sorte que leurs services de renseignement opèrent dans la légalité;
  • en matière de liberté d’expression, le Parlement réprouve les pressions exercées par des acteurs tant publics que privés sur les entreprises pour accéder aux données relatives aux internautes et contrôler les contenus sur l'internet;
  • le Parlement déplore les faits de discrimination, voire de violence, perpétrés par les forces de police de certains États membres à l'égard de Roms, de personnes LGBTI ou encore de personnes handicapées.
  • Liberté de religion et de conviction : le Parlement condamne toute forme de discrimination ou d'intolérance et invite les États membres, y compris les autorités régionales, à protéger, par tous les moyens, la liberté de religion ou de croyance, à promouvoir la tolérance et le dialogue interculturel. Il s'alarme de la recrudescence de l'antisémitisme en Europe et de la banalisation des discours niant l'Holocauste. Il se dit également vivement préoccupé par la montée de l'islamophobie, les attaques envers les lieux de culte musulmans et les nombreux amalgames. Il demande aux États membres de les condamner systématiquement et d'appliquer une tolérance zéro à cet égard.
  • Égalité et non-discrimination : le Parlement considère que l'Union et les États membres doivent intensifier leurs efforts en matière de lutte contre les discriminations et de protection de la diversité culturelle, religieuse et linguistique. Il convient de promouvoir les mesures visant à renforcer l'égalité entre hommes et femmes, les droits de l'enfant, les droits des personnes âgées, les droits des personnes handicapées, les droits des personnes LGBTI et les droits des personnes appartenant à des minorités nationales. A cet égard, le Parlement demande à la Commission et aux États membres d'adopter des engagements politiques spécifiques pour lutter contre toutes les formes de racisme, y compris l'antisémitisme, l'islamophobie, l'afrophobie et l'antitsiganisme.
  • Défense des minorités : le Parlement invite les institutions de l'Union à élaborer un système global de protection à l'échelle de l'Union pour les minorités nationales, ethniques et linguistiques afin d'assurer leur égalité de traitement. Il demande aux États membres de garantir l'égalité effective de ces minorités, notamment en ce qui concerne la langue, l'éducation et la culture. Il condamne également toute forme de discrimination fondée sur l'usage d'une langue et invite les États membres qui ne l'ont pas encore fait à ratifier la charte européenne des langues régionales ou minoritaires.
  • en ce qui concerne la situation des Roms, le Parlement déplore le développement des tendances anti-Roms en Europe et s'inquiète de la situation des Roms dans l'Union et des nombreux cas de persécution. Il réclame toute une batterie de mesures pour faciliter leur intégration;
  • en matière de violence à l'égard des femmes, le Parlement demande aux États membres de lutter efficacement contre la violence domestique et l'exploitation sexuelle sous toutes ses formes, y compris les pratiques de mutilations génitales. Des mesures sont également réclamées pour lutter contre la sous-représentation des femmes dans les processus décisionnels. Il souligne que le refus d'un avortement dont le but est de sauver une vie constitue également une violation grave des droits fondamentaux;
  • pour ce qui est des droits des enfants, le Parlement invite les États membres et l'Union à joindre leurs efforts dans la lutte contre la pédopornographie sur l'internet ainsi qu’à lutter contre les cas d'enlèvements parentaux transfrontaliers;
  • pour les droits des personnes LGBTI, le Parlement condamne dans les termes les plus fermes toutes les discriminations et les violences commises au détriment des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI). Il invite une nouvelle fois la Commission à proposer un règlement ambitieux pour la reconnaissance mutuelle des documents d'état civil, y compris la reconnaissance légale du genre. Il déplore que les personnes transgenres soient toujours considérées comme souffrant de maladie mentale dans les États membres;
  • pour les personnes handicapées, le Parlement demande à la Commission, aux États membres et aux autorités régionales de mettre en œuvre la stratégie européenne qui leur est consacrée;
  • pour les personnes âgées, le Parlement déplore leur accès insuffisant à des revenus, à l'emploi, aux soins de santé et aux biens et services nécessaires. Il appelle à un meilleur respect de leur dignité notamment en fin de vie.

Crimes et discours de haine : le Parlement demande à l'Union de faire de la lutte contre les crimes motivés par la haine une priorité lors de l'élaboration des mesures européennes contre la discrimination et dans le domaine de la justice. Il s'inquiète de la multiplication des discours de haine sur l'internet et invite les États membres à mettre en place une procédure simple permettant aux citoyens de signaler la présence de contenus à caractère haineux sur l'internet. Il déplore à la présence de plus en plus visible dans la sphère publique de groupes racistes et xénophobes, dont certains ont acquis ou cherchent à acquérir le statut de parti politique.

Il invite également la Commission à contrôler la transposition correcte de la décision-cadre et à lancer des procédures en infraction contre les États membres qui ne la transposent pas. Il demande en outre que la décision-cadre soit revue de manière à couvrir entièrement toutes les formes de crimes haineux et de crimes motivés par des préjugés ou fondés sur un motif discriminatoire.

Personnes sans abri : le Parlement exprime son inquiétude face aux personnes sans domicile et appelle les États membres à adopter des mesures ambitieuses pour venir en aide à ces personnes et à élaborer des stratégies nationales visant à lutter contre le sans-abrisme sur leur territoire. La Commission est également appelée à soutenir les États membres dans leur lutte contre le sans-abrisme en facilitant les échanges des meilleures pratiques et la collecte de données précises. Il rappelle que le droit à l'aide au logement pour les plus démunis figure dans la charte des droits fondamentaux.

Droits des migrants et des demandeurs de la protection internationale : en ce qui concerne la question centrale des migrants, le Parlement condamne le fait qu'un grand nombre de demandeurs d'asile et de migrants cherchant à atteindre l'Union continuent de mourir en Méditerranée. Il souligne que l'Union et les États membres devraient prendre des mesures énergiques et obligatoires pour éviter de nouvelles tragédies en mer. Il demande à l'Union et aux États membres de placer la solidarité et le respect des droits fondamentaux des migrants et des demandeurs d'asile au cœur des politiques de l'Union en matière de migration.

Le Parlement insiste sur la nécessité d'une approche globale de l'Union qui permette d'accroître la cohérence entre son action intérieure et extérieure.

Par ailleurs, le Parlement:

  • rappelle aux États membres leur obligation internationale de porter secours aux personnes en détresse en mer;
  • demande aux États membres de modifier ou de réexaminer toute législation prévoyant des sanctions à l'encontre des personnes qui portent secours aux migrants en détresse en mer;
  • souligne le droit fondamental de demander l'asile;
  • encourage l'Union et les États membres à ouvrir de nouvelles voies d'entrée légales et sûres dans l'Union européenne et d'y affecter les ressources qui conviennent afin de réduire les risques liés aux tentatives d'entrée irrégulière;
  • invite les États membres à prendre part aux programmes de réinstallation de l'Union et encourage l'utilisation de visas humanitaires;
  • prie les États membres d'offrir des conditions d'accueil décentes, dans le respect des droits fondamentaux et de la législation en vigueur en matière d'asile;
  • réclame la mise en place d'un système d'asile efficace et harmonisé à l'échelle de l'Union aux fins d'une répartition équitable des demandeurs d'asile entre les États membres;
  • invite la Commission, ses agences et les États membres à veiller au respect de ces principes ainsi que des autres obligations découlant du droit international et européen.

La Plénière invite en outre à l'Union et les États membres à adopter les législations nécessaires afin de mettre en œuvre le principe de solidarité tel qu'il figure à l'article 80 du traité FUE.

Elle condamne fermement la protection sécuritaire des frontières de l'Union allant jusqu'à la construction de murs et de barbelés et le manque de voies d'entrée légales dans l'Union qui ont pour conséquence que de nombreux demandeurs d'asile et de migrants se trouvent dans l'obligation d'utiliser des voies de plus en plus dangereuses et sont livrés aux mains des passeurs et des trafiquants.

D’une manière générale, le Parlement condamne le recours généralisé à la détention illégale des migrants en situation irrégulière, y compris des demandeurs d'asile, des mineurs non accompagnés et des apatrides. Il réclame un contrôle renforcé du fonctionnement des centres d'accueil et de détention de migrants, et réprouve les "procédures d'expulsion à chaud" et les violents incidents qui ont lieu dans différentes zones "sensibles" du sud de l'Europe.

Au passage, le Parlement demande une enquête sur les allégations de violations commises dans le cadre des opérations coordonnées par l'agence Frontex.

Conditions dans les prisons et autres lieux de privation de liberté : le Parlement déplore le fait que seuls quelques États membres aient mis en œuvre les 3 décisions-cadres couvrant le transfert de détenus, la probation et les peines de substitution et la décision européenne de contrôle judiciaire, qui offrent un potentiel important de réduction de la surpopulation carcérale. Il invite la Commission à évaluer l'impact des politiques de détention et des systèmes de justice pénale sur les enfants. Il insiste sur le fait que, selon les estimations, 800.000 enfants dans l'Union sont séparés d'un parent incarcéré chaque année.

Citoyenneté : enfin, le Parlement estime qu’il faut renforcer la transparence institutionnelle, l'obligation démocratique de rendre des comptes et l'ouverture institutionnelle dans l'Union. Il presse les institutions compétentes de l'Union ainsi que l'ensemble des États membres à:

  • redoubler d'efforts pour mener à bien une révision rapide du règlement (CE) nº 1049/2001 relatif à l'accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission;
  • présenter une révision du règlement relatif à l'initiative citoyenne européenne (règlement (UE) nº 211/2011) au cours de la législature actuelle pour en améliorer le fonctionnement;
  • présenter une révision de la directive 93/109/CE fixant les modalités de l'exercice du droit de vote et d'éligibilité aux élections au Parlement européen pour les citoyens de l'Union européenne résidant dans un État membre dont ils ne sont pas ressortissants, afin que les citoyens résidant dans un autre État que leur État d'origine puissent participer aux élections européennes dans leur pays de résidence;
  • prêter dûment attention à la part croissante de la population qui est complètement privée du droit de vote pour les élections nationales.

Á noter qu’une proposition de résolution de remplacement, déposée par le groupe PPE, a été rejetée en Plénière.