Prévention de la radicalisation et du recrutement de citoyens de l'Union par des organisations terroristes  
2015/2063(INI) - 03/11/2015  

La commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures a adopté un rapport d’initiative de Rachida DATI (PPE, FR) sur la prévention de la radicalisation et du recrutement de citoyens de l'Union par des organisations terroristes.

Le rapport évalue aujourd'hui à plus de 5.000 le nombre de citoyens de l'Union partis combattre aux côtés d'organisations terroristes en Iraq et en Syrie. Si ce phénomène prend une ampleur considérable dans certains États membres, toute l'Union européenne est concernée par les défis et les questions que ces «combattants étrangers» soulèvent.

La radicalisation des citoyens de l'Union, qui peut aller jusqu'à leur départ au combat auprès d'organisations terroristes telles que l'État islamique, constitue une réelle menace sécuritaire pour l'Union européenne, ses États membres et ses voisins. Face à l'accélération de ce phénomène, l'objectif de ce rapport est de faire des recommandations pour une stratégie européenne de prévention de la radicalisation et du recrutement de citoyens de l'Union.

Le rapport met l’accent sur les points suivants :

Valeur ajoutée européenne dans la prévention du terrorisme : soulignant que le terrorisme ne peut et ne doit être associé à aucune religion, nationalité ou civilisation, le rapport préconise de réaliser une étude détaillée sur l'efficacité des mesures prises au niveau national et européen afin de prévenir et de combattre le terrorisme. La Commission est invitée à :

  • établir un plan d'action pour la mise en œuvre et l'évaluation de la stratégie de l'Union visant à lutter contre la radicalisation et le recrutement de terroristes, en se fondant sur l'échange de bonnes pratiques et la mise en commun de compétences au sein de l'Union européenne, l'évaluation des mesures prises au sein des États membres et la coopération avec les pays tiers et les organisations internationales;
  • soutenir le développement, par les États membres, d'une stratégie de communication efficace et intensive sur la prévention de la radicalisation et du recrutement de citoyens européens et de ressortissants de pays extérieurs à l'Union qui résident dans l'Union par des organisations terroristes.

Les États membres devraient coordonner leurs stratégies, partager les informations et l'expérience dont ils disposent et coopérer pour prendre de nouvelles initiatives en matière de lutte contre la radicalisation et le recrutement terroristes.

Prévention de la radicalisation terroriste dans les prisons : soulignant que les prisons constituent une enceinte favorable à la diffusion d'idéologies radicales et violentes, le rapport invite la Commission à encourager l'échange de bonnes pratiques entre les États membres pour faire face à la montée de la radicalisation terroriste dans les prisons en Europe et appelle les États membres à prendre des mesures immédiates contre la surpopulation carcérale.

La Commission est invitée à proposer des lignes directrices sur les mesures à appliquer dans les prisons européennes pour prévenir la radicalisation et l'extrémisme violent, dans le plein respect des droits de l'homme.

Les députés encouragent par ailleurs la mise en place de programmes pédagogiques dotés de financements adéquats au sein des prisons européennes afin de favoriser l'esprit critique, la tolérance religieuse et la réintégration des détenus dans la société.

Prévention de la radicalisation terroriste sur l'internet : rappelant que l'internet et les réseaux sociaux constituent des plateformes importantes utilisées pour accélérer la radicalisation et le fondamentalisme, les députés insistent sur le rôle de l'éducation et des campagnes de sensibilisation du public pour prévenir la radicalisation sur l'internet. Ils souhaitent la mise en place d'une stratégie efficace de détection et de suppression des contenus illicites incitant à l'extrémisme violent, dans le respect des droits fondamentaux et de la liberté d'expression, et surtout contribuant à la diffusion de contre-discours efficaces face à la propagande terroriste.

Les autorités compétentes sont appelées à assurer un contrôle plus strict des sites internet qui incitent à la haine. Les députés soutiennent la mise en place de mesures permettant à chacun des usagers de l'internet de signaler facilement et rapidement les contenus illicites circulant sur le web et les réseaux sociaux et d'en informer les autorités compétentes, y compris via des lignes d'assistance. Chaque État membre devrait mettre en place une unité spéciale chargée de signaler les contenus illicites présents sur l'internet et de faciliter la détection et la suppression de ces contenus. Les députés préconisent également un renforcement de l'arsenal européen de lutte contre la cybercriminalité.

Prévention de la radicalisation par l'éducation et l'inclusion sociale : les députés ont rappelé le rôle crucial de l'école pour contribuer à favoriser l'intégration au sein de la société et à développer l'esprit critique, ainsi que pour promouvoir la non-discrimination. Ils ont demandé aux États membres d'encourager les établissements éducatifs à proposer des programmes de cours et d'enseignement visant à renforcer la compréhension et la tolérance, en particulier en ce qui concerne les différentes religions, l'histoire des religions, les philosophies et les idéologies. Ils ont souligné la nécessité d'enseigner les valeurs fondamentales et les principes démocratiques de l'Union, tels que les droits de l'homme.

Les États membres devraient veiller à l'existence de programmes éducatifs sur l'utilisation de l'internet dans chaque école. Par ailleurs, il importe de permettre aux enseignants de s'opposer activement à toutes les formes de discrimination et de racisme.

Le rapport souligne également l'importance de combiner les programmes de déradicalisation avec des mesures telles que la mise en place de partenariats avec les représentants communautaires, l'investissement dans les projets sociaux et de quartier destinés à mettre fin à la marginalisation économique et géographique, et la création de dispositifs de tutorat destinés aux jeunes isolés et exclus considérés comme risquant de se radicaliser.

Renforcement de l'échange d'informations sur la radicalisation terroriste en Europe : tout en réaffirmant la nécessité d’œuvrer à l'achèvement d'une directive de l'Union sur les dossiers passagers (PNR) avant la fin de l'année 2015, les députés plaident pour une stratégie globale, ambitieuse et complète de lutte contre le terrorisme et le crime organisé, basée sur la politique étrangère, la politique sociale, la politique en matière d'éducation, l'application des lois et la justice.

Le rapport insiste également sur la nécessité absolue d'améliorer la rapidité et l'efficacité des échanges d'informations entre les autorités répressives des États membres et entre les États membres et les agences compétentes, en particulier en optimisant le recours et les contributions au système d'information Schengen (SIS) et au système d'information sur les visas (VIS).

Renforcement de la dissuasion face à la radicalisation terroriste : les députés plaident pour que les mesures visant à prévenir la radicalisation des citoyens européens s’accompagnent d'un arsenal dissuasif de mesures de justice pénale dans l'ensemble des États membres. Ces derniers devraient ainsi rendre effective la criminalisation des actes terroristes menés à l'étranger aux côtés d'organisations terroristes.

Les députés demandent le renforcement des capacités du centre de coordination d'Eurojust, qui devrait jouer un rôle crucial dans la promotion des actions conjointes des autorités judiciaires des États membres pour la collecte de preuves, et améliorer l'efficacité des poursuites concernant les crimes liés au terrorisme. Ils demandent également à l'Union d'œuvrer à la mise en place d'accords de coopération en matière judiciaire et répressive avec les pays tiers afin de faciliter la collecte de preuves dans ces pays pour autant que les droits fondamentaux soient garantis par l'ensemble des parties.

Prévention des départs et anticipation des retours de citoyens européens radicalisés : les députés ont rappelé que l'Union européenne devrait améliorer l'efficacité des contrôles aux frontières extérieures de l'Union en faisant bon usage des instruments existants, tels que les systèmes SIS et VIS. Les États membres sont invités à échanger leurs bonnes pratiques relatives aux contrôles des sorties et des retours et au gel des avoirs financiers de citoyens, dans le cadre de la prévention de leur participation à des activités terroristes dans des zones de conflit au sein de pays tiers et de la gestion de leur retour dans l'Union.

Renforcement des liens entre sécurité intérieure et sécurité extérieure : les députés estiment qu’il est crucial que l'Union européenne établisse une étroite coopération avec les pays tiers, notamment les pays de transit et les pays de destination, afin de pouvoir détecter les départs ou les retours de citoyens de l'Union.

L'Union européenne devrait accroître sa coopération avec des partenaires régionaux en vue d'enrayer le trafic d'armes, en ciblant en particulier les pays d'origine du terrorisme, et de suivre de près l'exportation d'armes susceptibles d'être utilisées par des terroristes. Les députés plaident également pour le renforcement des instruments de politique étrangère et du dialogue avec les pays tiers afin de lutter contre le financement des organisations terroristes.

Démantèlement des filières terroristes : le rapport souligne que le blanchiment d'argent, l'évasion fiscale et d'autres délits fiscaux peuvent être d'importantes sources de financement du terrorisme. Le traçage des délits touchant aux intérêts financiers de l'Union, ainsi que la lutte contre ces délits, devrait dès lors constituer une priorité.

Les députés invitent à adopter une approche harmonisée pour qualifier d'infraction pénale les discours de haine, en ligne et hors ligne, par lesquels des radicaux incitent d'autres personnes au non-respect et à la violation des droits fondamentaux.