Prévention de la radicalisation et du recrutement de citoyens de l'Union par des organisations terroristes  
2015/2063(INI) - 25/11/2015  

Le Parlement européen a adopté par 548 voix pour, 110 contre et 36 abstentions, une résolution sur la prévention de la radicalisation et du recrutement de citoyens de l'Union par des organisations terroristes.

Le Parlement a noté que plus de 5.000 citoyens européens ont rejoint des organisations terroristes et d'autres formations militaires, notamment les rangs du groupe «État islamique», du Front al-Nosra et d'autres organisations, en particulier dans les régions du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord. Les récentes attaques terroristes en France, en Belgique, en Tunisie et à Copenhague ont mis en lumière la menace sécuritaire que constituaient la présence et la circulation de ces combattants «étrangers», qui sont souvent des ressortissants de l'Union, sur le territoire européen et dans les pays voisins.

1) Valeur ajoutée européenne dans la prévention du terrorisme : le Parlement a condamné les attentats meurtriers qui ont tué et blessé des centaines de personnes à Paris le 13 novembre 2015, mettant une nouvelle fois en évidence la nécessité d’une action coordonnée et urgente des États membres et de l'UE afin de prévenir la radicalisation et de lutter contre le terrorisme.

Dans le même temps, soulignant que le terrorisme ne pouvait être associé à aucune religion, nationalité ou civilisation, il a condamné le recours à des discours et des comportements racistes et xénophobes qui font un lien entre les attentats terroristes et les réfugiés qui fuient leur pays en quête d'un lieu sûr, pour échapper à la guerre et aux actes de violence qu'ils vivent quotidiennement dans leurs pays d'origine.

Le Parlement a invité la Commission à :

  • établir un plan d'action pour la mise en œuvre et l'évaluation de la stratégie de l'Union visant à lutter contre la radicalisation et le recrutement de terroristes, en se fondant sur l'échange de bonnes pratiques et la mise en commun de compétences au sein de l'Union européenne, l'évaluation des mesures prises au sein des États membres et la coopération avec les pays tiers et les organisations internationales dans le plein respect des conventions internationales relatives aux droits de l'homme ;
  • soutenir le développement, par les États membres, d'une stratégie de communication efficace et intensive sur la prévention de la radicalisation et du recrutement de citoyens européens et de ressortissants de pays extérieurs à l'Union qui résident dans l'Union par des organisations terroristes.

Les députés ont demandé aux États membres de coordonner leurs stratégies, de partager leurs informations et leur expérience et de coopérer pour prendre de nouvelles initiatives en matière de lutte contre la radicalisation et le recrutement terroristes. Ils ont souligné l’importance de renforcer la coopération transnationale entre les autorités répressives à cet égard, et de fournir des ressources et une formation appropriées aux forces de police travaillant sur le terrain.

2) Prévention de la radicalisation terroriste dans les prisons : soulignant que les prisons constituent une enceinte favorable à la diffusion d'idéologies radicales et violentes, le Parlement a invité la Commission à encourager l'échange de bonnes pratiques entre les États membres pour faire face à la montée de la radicalisation terroriste dans les prisons en Europe et appelé les États membres à prendre des mesures immédiates contre la surpopulation carcérale.

La Commission a été invitée à proposer des lignes directrices sur les mesures à appliquer dans les prisons européennes pour prévenir la radicalisation et l'extrémisme violent et à examiner la pratique de mise à l'écart des prisonniers radicalisés comme solution possible contenir la propagation de la radicalisation.

Les députés ont par ailleurs encouragé la mise en place de programmes pédagogiques dotés de financements adéquats au sein des prisons européennes afin de favoriser l'esprit critique, la tolérance religieuse et la réintégration des détenus dans la société.

3) Prévention de la radicalisation terroriste sur l'internet : rappelant que l'internet et les réseaux sociaux constituent des plateformes importantes utilisées pour accélérer la radicalisation et le fondamentalisme, les députés ont insisté sur le rôle de l'éducation et des campagnes de sensibilisation du public pour prévenir la radicalisation sur l'internet. Ils ont réclamé la mise en place d'une stratégie efficace de détection et de suppression des contenus illicites incitant à l'extrémisme violent, dans le respect des droits fondamentaux et de la liberté d'expression, et surtout contribuant à la diffusion de contre-discours efficaces face à la propagande terroriste.

Les autorités compétentes ont été appelées à assurer un contrôle plus strict des sites internet qui incitent à la haine. Ainsi, les États membres devraient envisager d'intenter des actions en justice, y compris des poursuites pénales, contre les fournisseurs de services internet qui refusent de donner suite à une demande administrative ou judiciaire visant à effacer des contenus illicites ou faisant l'apologie du terrorisme de leurs plateformes en ligne. Un refus de coopérer devrait être considéré comme un acte de complicité pouvant être assimilé à une intention criminelle ou à une négligence.

Les députés ont également soutenu la mise en place de mesures permettant aux usagers de l'internet de signaler facilement et rapidement les contenus illicites circulant sur le web et les réseaux sociaux et d'en informer les autorités compétentes, y compris via des lignes d'assistance. Chaque État membre devrait mettre en place une unité spéciale chargée de signaler les contenus illicites présents sur l'internet et de faciliter la détection et la suppression de ces contenus. Les députés ont également préconisé un renforcement de l'arsenal européen de lutte contre la cybercriminalité.

4) Prévention de la radicalisation par l'éducation et l'inclusion sociale : le Parlement a rappelé le rôle crucial de l'école pour contribuer à favoriser l'intégration au sein de la société et à développer l'esprit critique, ainsi que pour promouvoir la non-discrimination. Il a demandé aux États membres d'encourager les établissements éducatifs à proposer des programmes de cours et d'enseignement visant à renforcer la compréhension et la tolérance, en particulier en ce qui concerne les différentes religions, l'histoire des religions, les philosophies et les idéologies. Il a souligné la nécessité d'enseigner les valeurs fondamentales et les principes démocratiques de l'Union, tels que les droits de l'homme.

Les États membres devraient veiller à l'existence de programmes éducatifs sur l'utilisation de l'internet dans chaque école. Par ailleurs, les enseignants devraient pouvoir s'opposer activement à toutes les formes de discrimination et de racisme.

La résolution a recommandé, entre autres : 

  • de combiner les programmes de déradicalisation avec des mesures telles que la mise en place de partenariats avec les représentants communautaires et l'investissement dans les projets sociaux et de quartier destinés à mettre fin à la marginalisation économique et géographique ;
  • d'engager un dialogue interculturel avec les différentes communautés afin de participer à une meilleure compréhension et à une prévention accrue du phénomène de radicalisation ;
  • d’examiner la question de la formation des responsables religieux - qui devrait, si possible, avoir lieu en Europe - pour ce qui est d'empêcher les incitations à la haine et à l'extrémisme violent dans les lieux de culte en Europe et de s'assurer que ces responsables partagent les valeurs européennes ;
  • de mettre en place au sein de chacun des États membres un système d'alerte visant à fournir une aide, qui permettrait à l'entourage et aux familles d'obtenir un soutien ou de signaler facilement et rapidement tout changement brutal de comportement pouvant indiquer un processus de radicalisation terroriste ou le départ d'une personne pour rejoindre une organisation terroriste.

5) Renforcement de l'échange d'informations sur la radicalisation terroriste en Europe : tout en réaffirmant la nécessité d’œuvrer à l'achèvement d'une directive de l'Union sur les dossiers passagers (PNR) avant la fin de l'année 2015, le Parlement a plaidé pour une stratégie globale, ambitieuse et complète de lutte contre le terrorisme et le crime organisé, basée sur la politique étrangère, la politique sociale, la politique en matière d'éducation, l'application des lois et la justice.

La résolution a également insisté sur la nécessité d'améliorer la rapidité et l'efficacité des échanges d'informations entre les autorités répressives des États membres et entre les États membres et les agences compétentes, en particulier en optimisant le recours et les contributions au système d'information Schengen (SIS) et au système d'information sur les visas (VIS) et en renforçant le rôle des entités de l'Union européenne telles qu'Europol, Eurojust et le Collège européen de police (CEPOL).

6) Renforcement de la dissuasion face à la radicalisation terroriste : les députés ont plaidé pour que les mesures visant à prévenir la radicalisation des citoyens européens s’accompagnent d'un arsenal dissuasif de mesures de justice pénale dans l'ensemble des États membres. Ces derniers devraient ainsi rendre effective la criminalisation des actes terroristes menés à l'étranger aux côtés d'organisations terroristes.

Les députés ont demandé :

  • le renforcement des capacités du centre de coordination d'Eurojust, qui devrait jouer un rôle crucial dans la promotion des actions conjointes des autorités judiciaires des États membres pour la collecte de preuves, et améliorer l'efficacité des poursuites concernant les crimes liés au terrorisme ;
  • la mise en place d’accords de coopération en matière judiciaire et répressive avec les pays tiers afin de faciliter la collecte de preuves dans ces pays pour autant que les droits fondamentaux soient garantis par l'ensemble des parties.

7) Prévention des départs et anticipation des retours de citoyens européens radicalisés : le Parlement a rappelé que l'Union européenne devait d'urgence renforcer ses contrôles aux frontières extérieures de l'Union dans le respect des droits fondamentaux. Il a souligné qu'il ne sera possible de détecter efficacement les départs et les retours des personnes en provenance et à destination de l'Union que par la mise en place par les États membres des contrôles systématiques et obligatoires prévus aux frontières extérieures de l'Union.

Les États membres devraient dans ce contexte :

  • faire bon usage des instruments existants, tels que les systèmes SIS et VIS, y compris en ce qui concerne les passeports volés, perdus et falsifiés ;
  • donner aux gardes-frontières un accès systématique au système d'information d'Europol pouvant contenir des informations sur les personnes soupçonnées de terrorisme ;
  • échanger leurs bonnes pratiques relatives aux contrôles des sorties et des retours et au gel des avoirs financiers de citoyens ;
  • avoir la possibilité de confisquer le passeport de leurs citoyens qui envisagent de rejoindre des organisations terroristes, à la demande de l'autorité judiciaire compétente, conformément à leur droit national et dans le plein respect du principe de proportionnalité ;
  • faire en sorte que tout combattant étranger soit mis sous contrôle judiciaire et, le cas échéant, placé en rétention administrative à son retour en Europe, jusqu'à ce que les poursuites judiciaires requises soient engagées.

8) Renforcement des liens entre sécurité intérieure et sécurité extérieure : les députés ont jugé crucial que l'Union européenne établisse une étroite coopération avec les pays tiers, notamment les pays de transit et les pays de destination, afin de pouvoir détecter les départs ou les retours de citoyens de l'Union.

L'Union européenne devrait accroître sa coopération avec des partenaires régionaux en vue d'enrayer le trafic d'armes, en ciblant en particulier les pays d'origine du terrorisme, et de suivre de près l'exportation d'armes susceptibles d'être utilisées par des terroristes. Les députés ont également plaidé pour le renforcement des instruments de politique étrangère et du dialogue avec les pays tiers afin de lutter contre le financement des organisations terroristes.

9) Démantèlement des filières terroristes : le Parlement a souligné que le blanchiment d'argent, l'évasion fiscale et d'autres délits fiscaux pouvaient être d'importantes sources de financement du terrorisme. Le traçage des délits touchant aux intérêts financiers de l'Union, ainsi que la lutte contre ces délits, devrait dès lors constituer une priorité.

Les organisations terroristes telles que l'EI/Daech et Jabhat Al-Nosra se sont procuré d'importantes ressources financières en Iraq et en Syrie au moyen de la contrebande du pétrole, de la vente de biens volés, des enlèvements et de l'extorsion, de la saisie de comptes bancaires et de la contrebande d'antiquités. Les députés ont donc demandé que les pays et les intermédiaires qui contribuent à ce marché noir soient identifiés et qu'il soit d'urgence mis un terme à leurs activités.

La résolution a suggéré d’adopter une approche harmonisée pour qualifier d'infraction pénale les discours de haine, en ligne et hors ligne, par lesquels des radicaux incitent d'autres personnes au non-respect et à la violation des droits fondamentaux.

Enfin, le Parlement a invité le Conseil à établir une liste noire des djihadistes européens et des djihadistes terroristes présumés.