Monnaies virtuelles  
2016/2007(INI) - 03/05/2016  

La commission des affaires économiques et monétaires a adopté un rapport d’initiative de Jakob von WEIZSÄCKER (S&D, DE) sur les monnaies virtuelles.

Les députés ont rappelé que les monnaies virtuelles étaient principalement fondées sur une technologie de registres distribués, sur laquelle s'appuient plus de 600 systèmes de monnaies virtuelles, facilitant l'échange de «pair à pair», dont le plus connu est le bitcoin. Lancé en 2009, le bitcoin détient actuellement une part de marché de près de 90% parmi les monnaies virtuelles fondées sur une technologie de registres distribués, la valeur marchande pour les bitcoins en circulation étant de près de 5 milliards EUR.

La technologie des registres distribués inclut des bases de données caractérisées par différents niveaux de confiance et de résilience. Elle a le potentiel de traiter de vastes quantités de transactions rapidement et la capacité de révolutionner non seulement le secteur des monnaies virtuelles mais aussi, plus généralement, celui des technologies financières. Les investissements dans la technologie des registres distribués représentent au total plus d'un milliard d’euros à ce jour, provenant de fonds de capital-risque ou de l'investissement des entreprises.

Avantages et risques liés aux monnaies virtuelles et à la technologie des registres distribués : le rapport souligne que les monnaies virtuelles et la technologie des registres distribués sont susceptibles de contribuer positivement au développement économique, y compris dans le secteur financier, en particulier grâce aux avantages suivants:

  • une réduction des coûts de transaction et des coûts opérationnels pour les paiements et notamment les virements transfrontaliers de fonds, qui pourraient s'établir à moins de 1%, contre un taux actuellement compris entre 2% et 4% pour les systèmes de paiement en ligne traditionnels, et un taux supérieur à 7% en moyenne pour les envois transfrontaliers de fond ;
  • une réduction du coût de l'accès au financement, y compris en l'absence d’un compte bancaire traditionnel, qui pourrait contribuer à l'inclusion financière ;
  • une amélioration de la rapidité des systèmes de paiement ainsi que de l'échange de biens ;
  • la possibilité de disposer de systèmes qui regroupent la facilité d'utilisation, de faibles coûts de transaction et opérationnels et un degré élevé de respect de la vie privée, tout en évitant un anonymat complet de sorte à garantir, dans une certaine mesure, la traçabilité des transactions.

Toutefois ces systèmes de monnaies virtuelles et de technologie des registres distribués présentent des risques qui doivent être examinés, de manière à améliorer leur fiabilité, notamment dans le contexte actuel, à savoir:

  • l’absence de structures de gouvernance flexibles ou d'une définition de ces structures ;
  • la forte volatilité des monnaies virtuelles et le risque de bulles spéculatives, ainsi que l'absence de formes traditionnelles de surveillance, de garanties et de protection réglementaires ;
  • les sources potentielles d'instabilité financière qui peuvent être associées à des produits dérivés;
  • les possibilités de transactions sur le «marché noir», de blanchiment de capitaux, de financement du terrorisme, de fraude et d'évasion fiscales et d'autres activités criminelles.

Le rapport suggère que la prise en compte de ces risques exige un renforcement des capacités réglementaires, y compris de l'expertise technique, et le développement d'un cadre juridique solide permettant de suivre l'évolution technologique, afin qu'une réponse rapide et proportionnée puisse être fournie dans le cas où l'utilisation de certaines applications de la technologie des registres distribués présenterait une importance systémique.

Emploi de la technologie des registres distribués dans des domaines autres que les paiements : le rapport souligne que la compensation, le règlement et d'autres procédures de gestion post-négociation coûtent actuellement au secteur financier mondial une somme qui dépasse largement 50 milliards EUR par an. Il s'agit, avec les procédures de rapprochement bancaire, de domaines où l'utilisation de la technologie des registres distribués pourrait apporter de grandes transformations en ce qui concerne l'efficacité, mais également poser de nouveaux défis réglementaires.

Les députés reconnaissent par ailleurs que le potentiel de la technologie des registres distribués encore en train de se développer, bien au-delà du seul secteur financier, y compris le financement participatif par crypto-actions ("crypto-equity"), les services de médiation des litiges, en particulier dans les secteurs financier et juridique, et la possibilité de contrats «intelligents» combinés avec des signatures numériques, des applications qui rendent possibles une sécurité des données plus élevée et des synergies avec le développement de l'internet des objets.

Le rapport encourage les organismes publics à tester des systèmes fondés sur la technologie des registres distribués, après avoir mené à bien des analyses d'impact appropriés, afin d'améliorer la prestation de services aux citoyens et de perfectionner des solutions d'administration en ligne, conformément aux règles de l'Union en vigueur en matière de protection des données.

Une réglementation intelligente encourageant l'innovation et préservant l'intégrité : les députés appellent de leurs vœux une approche réglementaire proportionnée, au niveau de l'Union, qui ne freine pas l'innovation et n'entraîne pas de frais superflus en amont, tout en prenant au sérieux les problèmes réglementaires que l'utilisation généralisée des monnaies virtuelles et de la technologie des registres distribués pourrait présenter. Il invite la Commission à développer un système de gouvernance inclusif et partagé de la technologie des registres distribués.

Le rapport souligne que les principaux actes de l'Union, tels que le règlement sur l'infrastructure du marché européen (EMIR), le règlement concernant les dépositaires centraux de titres, la DCDR, la directive MiFID/le règlement MiFIR, la directive OPCVM ou la directive sur les gestionnaires de fonds d'investissement alternatifs, pourraient fournir un cadre réglementaire suivant les activités exercées. Les députés font toutefois observer qu'une législation plus spécifique pourrait être nécessaire.

Les députés recommandent à la Commission de préparer une analyse exhaustive des monnaies virtuelles et, sur la base de cette évaluation, d'envisager, le cas échéant, une révision de la législation de l'Union pertinente en matière de paiements, à la lumière des nouvelles possibilités offertes par les nouvelles évolutions technologiques.

Le rapport appelle à la création d'un groupe d'étude transversal sur la technologie des registres distribués, dirigé par la Commission et composé d'experts en réglementation et d'experts techniques, afin notamment : i) de fournir l'expertise technique et réglementaire nécessaire dans les différents secteurs des applications pertinentes fondées sur la technologie des registres distribués ; ii) d’analyser les avantages et les risques des applications fondées sur la technologie des registres distribués ; iii) de concevoir des tests de résistance pour tous les aspects des systèmes de monnaies virtuelles qui atteignent un niveau d'utilisation qui leur donne une importance systémique pour la stabilité.

Enfin, la Commission est invitée à établir, en coopération avec les États membres et le secteur des monnaies virtuelles, des orientations visant à garantir la communication d'informations correctes, claires et complètes aux utilisateurs de monnaies virtuelles actuels et futurs.