Blocage géographique et d'autres formes de discrimination fondée sur la nationalité, le lieu de résidence ou le lieu d'établissement des clients dans le marché intérieur  
2016/0152(COD) - 25/05/2016  

OBJECTIF : prévenir les discriminations directes et indirectes que des clients peuvent subir dans leurs transactions commerciales avec des professionnels dans l’Union sur la base de leur nationalité, de leur lieu de résidence ou de leur lieu d’établissement, y compris le blocage géographique.

ACTE PROPOSÉ : Règlement du Parlement européen et du Conseil.

RÔLE DU PARLEMENT EUROPÉEN : le Parlement européen décide conformément à la procédure législative ordinaire sur un pied d’égalité avec le Conseil.

CONTEXTE : malgré la mise en œuvre du principe de non-discrimination prévu par la directive 2006/123/CE (directive «services»), les consommateurs sont toujours confrontés à des refus de vente et à des conditions différentes lorsqu’ils achètent des biens ou des services par-delà les frontières.

En effet, l'introduction, par des entités privées, d'obstacles incompatibles avec les libertés du marché intérieur peut neutraliser la suppression des barrières d’origine étatique. C'est le cas lorsque des professionnels exerçant leurs activités dans un État membre bloquent ou limitent l’accès de clients originaires d’autres États membres désireux de réaliser des transactions commerciales transnationales à leurs interfaces en ligne, tels que sites web et applications (pratique connue sous le nom de «blocage géographique» ou «géoblocage»).

C'est également l'effet produit lorsque certains professionnels qui appliquent, aussi bien en ligne que hors ligne, des conditions générales d’accès à leurs biens et services différentes à l’égard de ces clients originaires d’autres États membres.

De telles pratiques discriminatoires contribuent dans une large mesure au niveau relativement faible des transactions commerciales transnationales à l’intérieur de l’Union, y compris dans le secteur du commerce électronique, ce qui entrave la réalisation du potentiel de croissance du marché intérieur. Pour remédier à ce problème, la Commission estime qu’il conviendrait de donner aux professionnels et aux clients plus de précisions sur les situations dans lesquelles les différences de traitement fondées sur la résidence ne se justifient pas.

La stratégie pour un marché unique numérique, adoptée en mai 2015, et la stratégie pour le marché unique, adoptée en octobre 2015, annonçaient des mesures législatives pour lutter contre le blocage géographique injustifié et combattre globalement la discrimination fondée sur la nationalité ou les lieux de résidence ou d’établissement.

ANALYSE D’IMPACT : cinq scénarios ont été envisagés. L’option privilégiée consiste à combiner une transparence accrue accompagnée d’une interdiction de bloquer l’accès au site internet ainsi que l'interdiction du réacheminement automatique moyennant consentement avec la définition de certaines situations spécifiques dans lesquelles la géo-discrimination ne saurait se justifier (pour les marchandises, lorsque le professionnel n'assure pas la livraison à l'étranger; pour les services fournis par voie électronique; et pour les services reçus en dehors de l’État membre du client).

CONTENU : la proposition de règlement vise à octroyer aux clients un meilleur accès aux biens et aux services dans le marché unique en empêchant la discrimination directe et indirecte due à une segmentation artificielle du marché fondée sur la résidence des clients.

Champ d’application : le champ d’application matériel de la proposition s'aligne sur celui de la directive «Services» dans la mesure du possible. Cela signifie que, entre autres, les services d’intérêt général non économiques, les services de transport, les services audiovisuels, les activités de jeux d’argent et de hasard, les services de santé et certains services sociaux sont exclus du champ d’application.

La portée territoriale est conçue pour inclure indifféremment les professionnels établis dans l’UE et ceux qui sont établis dans des pays tiers, mais qui vendent ou souhaitent vendre des biens et des services à des clients dans l’Union.

Accès aux interfaces en ligne : la proposition interdit aux professionnels d’empêcher l’accès à leurs interfaces en ligne sur la base de la résidence des clients. Elle requiert également le consentement du client en cas de réacheminement automatique et oblige les professionnels à maintenir un accès aisé à la version des interfaces en ligne que le client cherchait à consulter avant d’avoir fait l’objet d’un réacheminement.

Le professionnel serait exempté de ces obligations lorsque des restrictions d’accès ou le réacheminement sont requis par la loi. Dans ces cas exceptionnels, le professionnel serait tenu de fournir une justification claire.

Accès aux biens ou aux services : la proposition énonce trois situations spécifiques dans lesquelles la discrimination à l’égard des clients fondée sur la résidence est interdite :

  • la première situation concerne la vente de biens physiques lorsque le professionnel n’intervient pas dans leur livraison vers l’État membre du client ;
  • la deuxième situation concerne l'offre de services fournis par voie électronique, autres que des services dont la principale caractéristique est de fournir un accès à des œuvres protégées par le droit d’auteur ou d’autres objets protégés et de permettre leur utilisation ;
  • la troisième situation concerne les services fournis par le professionnel dans un État membre autre que l'État membre de résidence du client.

Non-discrimination pour des motifs liés au paiement : les règles proposées disposent que, dans certains cas, les professionnels ne peuvent pas refuser un moyen de paiement (tel que les cartes de crédit ou de débit) ou adopter des pratiques discriminatoires à cet égard.

Accords en matière de ventes passives : la proposition ne permet pas le contournement des règles par des moyens contractuels. Ainsi, les accords relatifs aux ventes passives obligeant le professionnel à agir en violation des règles contenues dans le règlement seraient nuls de plein droit.

Contrôle par les autorités nationales : chaque État membre devrait désigner un ou plusieurs organismes chargés du contrôle de l’application du règlement. Ces organismes devraient être dotés de moyens adéquats et efficaces en vue d’assurer le respect du règlement. Les États membres devraient déterminer le régime des sanctions applicables aux violations du des dispositions du règlement.

Assistance aux consommateurs : chaque État membre devrait confier à un ou plusieurs organismes la tâche d'apporter aux consommateurs une assistance pratique en cas de litige avec un professionnel découlant de l'application du règlement. Les organismes devraient proposer aux consommateurs un formulaire type uniforme pour le dépôt de plaintes.

Clause de réexamen : l’application du règlement serait évaluée périodiquement par la Commission. La première évaluation (deux ans après la date d’entrée en vigueur du règlement) devrait permettre de déterminer si l'interdiction de discrimination à l’accès aux biens ou aux services doit être étendue aux services fournis par voie électronique dont la principale caractéristique est de fournir un accès à des œuvres protégées par le droit d’auteur ou d’autres objets protégés et de permettre leur utilisation, pour autant que le professionnel ait les droits requis pour les territoires concernés.

Enfin, il est proposé que le règlement soit ajouté aux annexes du règlement (CE) n° 2004/2006 et de la directive 2009/22/CE afin qu’il puisse également être mis en œuvre au moyen des mesures prévues par le règlement relatif à la coopération en matière de protection des consommateurs, ainsi que par la directive relative aux actions en cessation.