Monnaies virtuelles  
2016/2007(INI) - 26/05/2016  

Le Parlement européen a adopté par 542 voix pour, 51 contre et 11 abstentions, une résolution sur les monnaies virtuelles.

Les députés ont rappelé que les monnaies virtuelles - dont il n’existe encore aucune définition universellement applicable - étaient principalement fondées sur une technologie de registres distribués, sur laquelle s'appuient plus de 600 systèmes de monnaies virtuelles, facilitant l'échange de «pair à pair», dont le plus connu est le bitcoin. Lancé en 2009, le bitcoin détient actuellement une part de marché de près de 90% parmi les monnaies virtuelles fondées sur une technologie de registres distribués, la valeur marchande pour les bitcoins en circulation étant de près de 5 milliards d'euros.

La technologie des registres distribués inclut des bases de données caractérisées par différents niveaux de confiance et de résilience. Elle a le potentiel de traiter de vastes quantités de transactions rapidement et la capacité de révolutionner non seulement le secteur des monnaies virtuelles mais aussi, plus généralement, celui des technologies financières. Les investissements dans la technologie des registres distribués représentent au total plus d'un milliard d'euros à ce jour, provenant de fonds de capital-risque ou de l'investissement des entreprises.

Avantages et risques liés aux monnaies virtuelles et à la technologie des registres distribués : le Parlement a mis en évidence les principaux avantages suivants pour le développement économique, y compris dans le secteur financier :

  • une réduction des coûts de transaction et des coûts opérationnels pour les paiements et notamment les virements transfrontaliers de fonds, qui pourraient s'établir à moins de 1%, contre un taux actuellement compris entre 2% et 4% pour les systèmes de paiement en ligne traditionnels, et un taux supérieur à 7% en moyenne pour les envois transfrontaliers de fond, ce qui représenterait, selon des évaluations optimistes, une réduction potentielle globale des coûts totaux des envois de fonds pouvant atteindre 20 milliards d'euros;
  • une réduction du coût de l'accès au financement, y compris en l'absence d’un compte bancaire traditionnel, qui pourrait contribuer à l'inclusion financière ;
  • une amélioration de la rapidité des systèmes de paiement ainsi que de l'échange de biens, grâce à l'architecture intrinsèquement décentralisée de la technologie des registres distribués, à même de poursuivre leur fonctionnement de façon fiable même si certaines parties du réseau subissaient des dysfonctionnements ou des piratages ;
  • la possibilité de disposer de systèmes qui regroupent la facilité d'utilisation, de faibles coûts de transaction et opérationnels et un degré élevé de respect de la vie privée, tout en évitant un anonymat complet de sorte à garantir, dans une certaine mesure, la traçabilité des transactions.

Toutefois ces systèmes de monnaies virtuelles et de technologie des registres distribués présentent des risques qui doivent être examinés, de manière à améliorer leur fiabilité, notamment dans le contexte actuel, à savoir:

  • l’absence de structures de gouvernance flexibles ou d'une définition de ces structures, ce qui génère une insécurité et des problèmes de protection des consommateurs ou, plus généralement, des utilisateurs ;
  • la forte volatilité des monnaies virtuelles et le risque de bulles spéculatives, ainsi que l'absence de formes traditionnelles de surveillance, de garanties et de protection réglementaires ;
  • les sources potentielles d'instabilité financière qui peuvent être associées à des produits dérivés ;
  • les possibilités de transactions sur le «marché noir», de blanchiment de capitaux, de financement du terrorisme, de fraude et d'évasion fiscales et d'autres activités criminelles ;
  • la consommation énergétique de certaines monnaies virtuelles qui, selon un rapport du conseiller scientifique principal du gouvernement britannique sur la technologie des registres distribués, a été évaluée à plus de 1 GW dans le cas du bitcoin.

La résolution a suggéré que la prise en compte de ces risques exigeait :

  • un renforcement des capacités réglementaires, y compris de l'expertise technique, et
  • le développement d'un cadre juridique solide permettant de suivre l'évolution technologique, afin qu'une réponse rapide et proportionnée puisse être fournie dans le cas où l'utilisation de certaines applications de la technologie des registres distribués présenterait une importance systémique.

Emploi de la technologie des registres distribués dans des domaines autres que les paiements : le Parlement a souligné que la compensation, le règlement et d'autres procédures de gestion post-négociation coûtaient actuellement au secteur financier mondial une somme qui dépasse largement 50 milliards d'euros par an. Il s'agit, avec les procédures de rapprochement bancaire, de domaines où l'utilisation de la technologie des registres distribués pourrait apporter de grandes transformations en ce qui concerne l'efficacité, mais également poser de nouveaux défis réglementaires.

Les députés ont par ailleurs reconnu que le potentiel de la technologie des registres distribués était encore en train de se développer, bien au-delà du seul secteur financier, y compris le financement participatif par crypto-actions ("crypto-equity"), les services de médiation des litiges, en particulier dans les secteurs financier et juridique, et la possibilité de contrats «intelligents» combinés avec des signatures numériques, des applications qui rendent possibles une sécurité des données plus élevée et des synergies avec le développement de l'internet des objets.

Le Parlement a encouragé les organismes publics à tester des systèmes fondés sur la technologie des registres distribués, après avoir mené à bien des analyses d'impact appropriés, afin d'améliorer la prestation de services aux citoyens et de perfectionner des solutions d'administration en ligne, conformément aux règles de l'Union en vigueur en matière de protection des données.

Une réglementation intelligente encourageant l'innovation et préservant l'intégrité : les députés ont réclamé une approche réglementaire proportionnée, au niveau de l'Union, qui ne freine pas l'innovation et n'entraîne pas de frais superflus en amont, tout en prenant au sérieux les problèmes réglementaires que l'utilisation généralisée des monnaies virtuelles et de la technologie des registres distribués pourrait présenter. Ils ont invité la Commission à développer un système de gouvernance inclusif et partagé de la technologie des registres distribués.

La résolution a souligné que les principaux actes de l'Union, tels que le règlement sur l'infrastructure du marché européen (EMIR), le règlement concernant les dépositaires centraux de titres, la DCDR, la directive MiFID/le règlement MiFIR, la directive OPCVM ou la directive sur les gestionnaires de fonds d'investissement alternatifs, pourraient fournir un cadre réglementaire suivant les activités exercées. Elle a toutefois fait observer qu'une législation plus spécifique pourrait être nécessaire.

Les députés ont salué la suggestion de la Commission d'inclure les plateformes d'échange des monnaies virtuelles dans le champ d'application de la directive sur la lutte contre le blanchiment de capitaux, afin de supprimer l'anonymat lié à ces plateformes Toute proposition dans ce domaine devrait être ciblée, justifiée au moyen d'une analyse complète des risques liés aux monnaies virtuelles et fondée sur une analyse d'impact.

Ils ont recommandé à la Commission de préparer une analyse exhaustive des monnaies virtuelles et, sur la base de cette évaluation, d'envisager, le cas échéant, une révision de la législation de l'Union pertinente en matière de paiements, à la lumière des nouvelles possibilités offertes par les nouvelles évolutions technologiques.

Le Parlement a appelé à la création d'un groupe d'étude transversal sur la technologie des registres distribués, dirigé par la Commission et composé d'experts en réglementation et d'experts techniques, afin notamment : i) de fournir l'expertise technique et réglementaire nécessaire dans les différents secteurs des applications pertinentes fondées sur la technologie des registres distribués ; ii) d’analyser les avantages et les risques des applications fondées sur la technologie des registres distribués ; iii) de concevoir des tests de résistance pour tous les aspects des systèmes de monnaies virtuelles qui atteignent un niveau d'utilisation qui leur donne une importance systémique pour la stabilité.

Enfin, la Commission a été invitée à établir, en coopération avec les États membres et le secteur des monnaies virtuelles, des orientations visant à garantir la communication d'informations correctes, claires et complètes aux utilisateurs de monnaies virtuelles actuels et futurs.