Lutte contre la traite des êtres humains dans les relations extérieures de l'Union  
2015/2340(INI) - 13/06/2016  

La commission des affaires étrangères a adopté un rapport d’initiative de Barbara LOCHBIHLER (Verts/ALE, DE) sur la lutte contre la traite des êtres humains dans les relations extérieures de l'Union.

La commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures, ainsi que la commission des droits de la femme et de l'égalité des genres, exerçant leurs prérogatives de commissions associées conformément à l’article 54 du règlement intérieur du Parlement, ont également été consultées pour émettre un avis sur le présent rapport.

Les députés ont rappelé que selon le rapport mondial sur la traite des personnes (2014) de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), 70% du total des victimes identifiées sont des femmes et des filles; 79% des victimes recensées de l'exploitation sexuelle sont des femmes et  83% des victimes recensés du travail forcé sont des hommes.

Par ailleurs, selon les déclarations à la presse du directeur d'Europol, plus de 10.000 enfants réfugiés non accompagnés ou migrants ont disparu en Europe. Parmi ces enfants, beaucoup ont été obligés d'entrer dans des réseaux de traite sexuelle, dans la mendicité, sur le marché illicite et lucratif de la transplantation d'organes et dans des réseaux de traite d'esclaves.

Tendances mondiales de la traite des êtres humains : la commission parlementaire a clairement dénoncé la traite des êtres humains qu’elle considère comme un type d'esclavage moderne ainsi qu'un crime grave constituant l'une des pires formes de violation des droits de l'homme, intolérable dans des sociétés fondées sur le respect des droits de l'homme, et notamment sur l'égalité entre les hommes et les femmes. Ce phénomène devait être appréhendé dans sa globalité, en mettant l'accent non seulement sur l'exploitation sexuelle, mais aussi sur le travail forcé, le trafic d'organes, la mendicité forcée, les mariages forcés, les enfants soldats ou le trafic de bébés.

Rappelant que la traite des êtres humains était un crime transnational à caractère mondial, le rapport a souligné l'importance d'une approche cohérente des aspects internes et externes des politiques de l'Union destinées à lutter contre la traite. Il a déploré l'absence chronique de législation adéquate qui permettrait d'ériger en infraction pénale la traite des êtres humains et de lutter efficacement contre celle-ci dans de nombreux pays du globe, de même que l'énorme décalage entre la législation existante et son application, avec notamment un accès à la justice limité ou inexistant pour les victimes et l'absence de poursuites des auteurs.

Selon les députés, une distinction devrait être opérée entre les concepts de traite des êtres humains et de trafic de migrants. Si le trafic fait partie du champ d'action des réseaux criminels et du crime organisé et peut mener à une situation de traite, les députés estiment que ces deux concepts demandent des réponses pratiques et juridiques différentes et impliquent différentes obligations pour les États.

Soulignant que l'internet et les réseaux sociaux sont de plus en plus utilisés par les réseaux criminels pour attirer et exploiter des victimes, les députés ont demandé que davantage de travaux de recherche se concentrent sur le rôle des technologies de l'information et de la communication dans la traite des êtres humains. Ils ont invité la Commission à i) évaluer l'utilisation de l'internet dans le cadre de la traite et en particulier en ce qui concerne l'exploitation sexuelle en ligne ; ii) adapter sa coopération avec les pays tiers pour prendre en considération le nouveau développement de la traite via l'internet.

La dimension économique : le rapport a dénoncé le fait que la traite des êtres humains était une activité hautement lucrative et que les recettes provenant de cette activité criminelle étaient en grande partie réinjectées dans le système économique et financier mondial. Il a donc invité à porter une attention accrue aux activités de blanchiment de capitaux et invité l'Union à renforcer la coopération avec les pays tiers afin de localiser et de confisquer les produits de ces activités criminelles. Les avoirs confisqués devraient être utilisés pour indemniser les victimes de la traite des êtres humains. En outre, les gouvernements devraient faire preuve de la diligence nécessaire pour lutter contre la corruption, qui contribue à la traite des êtres humains.

Différentes formes d'exploitation : à cet égard, les députés ont invité l'Union et ses États membres à :

  • déployer les efforts nécessaires pour lutter contre le travail forcé dans les entreprises de l'Union implantées à l'étranger en appliquant et en faisant respecter le droit du travail ainsi qu'en encourageant l’adoption de textes législatifs prévoyant des normes minimales de protection des travailleurs ;
  • soutenir davantage les organisations caritatives qui s’impliquent dans l'accompagnement psychologique des victimes de la prostitution forcée ;
  • considérer le mariage forcé comme une forme de traite des êtres humains lorsqu’il contient un élément d'exploitation de la victime et à inclure cette dimension dans leur définition de la traite des êtres humains ;
  • prévenir et adopter une approche multisectorielle et multidisciplinaire dans la lutte contre le commerce illicite des organes humains, de tissus et de cellules, y compris la traite aux fins du prélèvement d'organes, qui est devenue un problème mondial.

Le rapport a condamné la pratique de la traite d'êtres humains pour la gestation pour autrui forcée en tant que violation des droits de la femme et de l'enfant. Il a de plus insisté pour que les enfants qui sont victimes de la traite des êtres humains soient identifiés en tant que telles et pour que l'intérêt supérieur, les droits et les besoins des enfants soient en toute circonstance considérés comme prioritaires.

Droits des victimes : les députés ont invité l'Union et ses États membres à adopter une approche fondée sur les droits de l'homme et axée sur la victime et à placer les victimes et les populations vulnérables au cœur de tous les efforts déployés pour lutter contre la traite des êtres humains, la prévenir et protéger les victimes. Ils ont demandé aux États membres, notamment aux pays d'origine, de transit et de destination, de fournir ou de faciliter l'accès à des voies de recours appropriées pour toutes les personnes victimes de la traite sur leurs territoires respectifs et soumises à leurs juridictions respectives, y compris les non-citoyens.

Les victimes de la traite devraient avoir droit à un recours effectif, y compris l'accès à la justice, la reconnaissance de leur identité juridique et de leur citoyenneté, la restitution de biens, une réparation adéquate ainsi que des soins médicaux et psychologiques, des services juridiques et sociaux et le soutien à l'intégration ou la réintégration à long terme, y compris grâce à un soutien économique.

Coopération au niveau régional et international : le rapport a plaidé en faveur d'une coordination et d'une coopération renforcées et d'un échange d'informations systématique en vue d'enquêter sur les cas de traite transnationale et de les combattre grâce à une intensification de l'assistance financière et technique, une amélioration de la communication et de la coopération transfrontalières et un renforcement des capacités au niveau des pouvoirs publics et des autorités répressives, y compris les services de gardes-frontières et les autorités chargées de l'immigration et de l'asile,  notamment sur la façon d'identifier et de protéger les victimes.

Les députés ont mis l'accent sur la nécessité pour l'Union européenne de renforcer la coopération policière et judiciaire entre les États membres et avec les pays tiers, en particulier par l'intermédiaire d'Europol et d'Eurojust. Ils ont également préconisé de mettre en place des mécanismes de migration transfrontalière de main-d'œuvre dans l'Union et au niveau international afin d'accroître la migration de main-d'œuvre régulière et de lui donner un caractère formel.

L'Union européenne a été invitée à élaborer une approche régionale qui soit axée sur les «routes de la traite» et qui apporte des réponses adaptées aux types d'exploitation en fonction des régions.

Politique de l'Union dans ses relations extérieures : les députés ont jugé essentiel que les stratégies visant à prévenir la traite des êtres humains s'attaquent aux facteurs qui y contribuent ainsi qu'aux causes et aux circonstances qui la sous-tendent.

Ils ont exhorté le coordinateur de l'Union européenne chargé de la lutte contre la traite des êtres humains i) à poursuivre l'élaboration d'une action concrète et de mesures communes à l'Union, aux États membres, aux pays tiers et aux acteurs internationaux, de manière à parvenir à une coopération plus efficace pour mettre au point des systèmes qui identifient, protègent et aident les victimes de la traite, ii) à intensifier l'action préventive contre la traite et les poursuites contre les trafiquants et iii) à élaborer un réseau capable de répondre aux nouvelles préoccupations.

Ils ont également invité les représentants de l'Union à accorder une attention particulière à la traite des êtres humains dans le dialogue politique de l'Union avec les pays tiers, mais également dans ses programmes de coopération et dans les enceintes multilatérales et régionales.