Lutte contre la traite des êtres humains dans les relations extérieures de l'Union  
2015/2340(INI) - 05/07/2016  

Le Parlement européen a adopté par 504 voix pour, 30 contre et 148 abstentions, une résolution sur la lutte contre la traite des êtres humains dans les relations extérieures de l'Union.

Les députés ont rappelé que selon le rapport mondial sur la traite des personnes (2014) de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime, 70% du total des victimes identifiées sont des femmes et des filles ; 79% des victimes recensées de l'exploitation sexuelle sont des femmes et  83% des victimes recensés du travail forcé sont des hommes.

Par ailleurs, selon les déclarations à la presse du directeur d'Europol, plus de 10.000 enfants réfugiés non accompagnés ou migrants ont disparu en Europe. Parmi ces enfants, beaucoup ont été obligés d'entrer dans des réseaux de traite sexuelle, dans la mendicité, sur le marché illicite et lucratif de la transplantation d'organes et dans des réseaux de traite d'esclaves.  Selon le dernier rapport sur l'esclavage dans le monde, 35,8 millions de personnes dans le monde seraient prises au piège de conditions d'esclavage moderne.

Tendances mondiales de la traite des êtres humains : le Parlement a clairement dénoncé la traite des êtres humains qu’il considère comme un type d'esclavage moderne ainsi qu'un crime grave constituant l'une des pires formes de violation des droits de l'homme, intolérable dans des sociétés fondées sur le respect des droits de l'homme, et notamment sur l'égalité entre les hommes et les femmes. Ce phénomène devait être appréhendé dans sa globalité, en mettant l'accent non seulement sur l'exploitation sexuelle, mais aussi sur le travail forcé, le trafic d'organes, la mendicité forcée, les mariages forcés, les enfants soldats ou le trafic de bébés.

Rappelant que la traite des êtres humains était un crime transnational à caractère mondial, le Parlement a souligné l'importance d'une approche cohérente des aspects internes et externes des politiques de l'Union destinées à lutter contre la traite. Il a déploré l'absence chronique de législation adéquate qui permettrait d'ériger en infraction pénale la traite des êtres humains, de même que l'énorme décalage entre la législation existante et son application, avec notamment un accès à la justice limité ou inexistant pour les victimes et l'absence de poursuites des auteurs.

Du fait que l'internet et les réseaux sociaux sont de plus en plus utilisés par les réseaux criminels pour attirer et exploiter des victimes, le Parlement a invité la Commission à i) évaluer l'utilisation de l'internet dans le cadre de la traite et en particulier en ce qui concerne l'exploitation sexuelle en ligne ; ii) adapter sa coopération avec les pays tiers pour prendre en considération le nouveau développement de la traite via l'internet.

La dimension économique : le Parlement a dénoncé le fait que la traite des êtres humains était une activité hautement lucrative et que les recettes provenant de cette activité criminelle étaient en grande partie réinjectées dans le système économique et financier mondial. Selon l'OIT, les profits illicites annuels provenant du travail forcé s'élèveraient à environ 150 milliards de dollars.

Il a donc invité à porter une attention accrue aux activités de blanchiment de capitaux et invité l'Union à renforcer la coopération avec les pays tiers afin de localiser et de confisquer les produits de ces activités criminelles. Les avoirs confisqués devraient être utilisés pour indemniser les victimes de la traite des êtres humains.

En outre, les gouvernements devraient faire preuve de la diligence nécessaire pour lutter contre la corruption, qui contribue à la traite des êtres humains, et encourager un dialogue et des partenariats entre les différentes parties prenantes réunissant des entreprises, des experts et des ONG pour mener des actions communes contre la traite.

Différentes formes d'exploitation : à cet égard, les députés ont invité l'Union et ses États membres à :

  • lutter contre le travail forcé dans les entreprises de l'Union implantées à l'étranger en appliquant et en faisant respecter le droit du travail et en encourageant l’adoption de textes législatifs prévoyant des normes minimales de protection des travailleurs ;
  • soutenir davantage les organisations caritatives qui s’impliquent dans l'accompagnement psychologique des victimes de la prostitution forcée ; le lien clair entre traite des êtres humains à des fins sexuelles et prostitution a été souligné ;
  • considérer le mariage forcé comme une forme de traite des êtres humains lorsqu’il contient un élément d'exploitation de la victime ;
  • harmoniser leur législations nationales et encourager les gouvernements des pays tiers à adopter des dispositions juridiques à l’égard de la mendicité forcée, reconnue comme forme de traite des êtres humains en vertu de la directive 2011/36/UE;
  • adopter une approche multisectorielle et multidisciplinaire dans la lutte contre le commerce illicite des organes humains, de tissus et de cellules, y compris la traite aux fins du prélèvement d'organes, qui est devenue un problème mondial.

Le Parlement a condamné la pratique de la traite d'êtres humains pour la gestation pour autrui forcée en tant que violation des droits de la femme et de l'enfant. Il a de plus insisté pour que les enfants qui sont victimes de la traite soient identifiés en tant que telles et pour que l'intérêt supérieur, les droits et les besoins des enfants soient en toute circonstance considérés comme prioritaires. L'Union devrait en outre poursuivre les actions qu'elle mène afin de lutter contre le phénomène des enfants soldats.

Droits des victimes : le Parlement a invité l'Union et ses États membres à adopter une approche fondée sur les droits de l'homme et la victime. Il a demandé aux États membres, notamment aux pays d'origine, de transit et de destination, de fournir ou de faciliter l'accès à des voies de recours appropriées pour toutes les personnes victimes de la traite sur leurs territoires respectifs et soumises à leurs juridictions respectives, y compris les non-citoyens.

Les victimes de la traite devraient avoir droit à un recours effectif, y compris l'accès à la justice, la reconnaissance de leur identité juridique et de leur citoyenneté, la restitution de biens, une réparation adéquate ainsi que des soins médicaux et psychologiques, des services juridiques et sociaux et le soutien à l'intégration ou la réintégration à long terme, y compris grâce à un soutien économique.

Les députés ont également invité les États membres à i) veiller à ce que les autorités répressives et les autorités compétentes en matière d'asile coopèrent afin d'aider les victimes de la traite ayant besoin d'une protection internationale à déposer une demande de protection ; ii) pénaliser le recours à des services de victimes de la traite des êtres humains par leurs ressortissants.

Coopération au niveau régional et international : le Parlement s’est prononcé pour :

  • une coordination et d'une coopération renforcées et d'un échange d'informations systématique en vue d'enquêter sur les cas de traite transnationale ;
  • le renforcement de la coopération policière et judiciaire entre les États membres et avec les pays tiers, en particulier par l'intermédiaire d'Europol et d'Eurojust ;
  • la mise en place de mécanismes de migration transfrontalière de main-d'œuvre dans l'Union et au niveau international afin d'accroître la migration de main-d'œuvre régulière et de lui donner un caractère formel ;
  • l’élaboration d’une approche régionale qui soit axée sur les «routes de la traite» et qui apporte des réponses adaptées aux types d'exploitation en fonction des régions.

Politique de l'Union dans ses relations extérieures : le Parlement a jugé essentiel que les stratégies visant à prévenir la traite des êtres humains s'attaquent aux facteurs qui y contribuent ainsi qu'aux causes et aux circonstances qui la sous-tendent.

Le coordinateur de l'Union européenne chargé de la lutte contre la traite des êtres humains a été invité à :

  • poursuivre l'élaboration d'une action concrète et de mesures communes à l'Union, aux États membres, aux pays tiers et aux acteurs internationaux, de manière à parvenir à une coopération plus efficace pour mettre au point des systèmes qui identifient, protègent et aident les victimes de la traite,
  • intensifier l'action préventive contre la traite et les poursuites contre les trafiquants et à élaborer un réseau capable de répondre aux nouvelles préoccupations.

Les députés ont également invité les représentants de l'Union à accorder une attention particulière à la traite des êtres humains dans le dialogue politique de l'Union avec les pays tiers, mais également dans ses programmes de coopération et dans les enceintes multilatérales et régionales. L'Union devrait consentir les efforts nécessaires au niveau international pour prévenir et éliminer la traite des esclaves en vue d’aboutir le plus rapidement possible à l'abolition totale de l'esclavage sous toutes ses formes.