Cadre de l'UE pour la réinstallation  
2016/0225(COD) - 13/07/2016  

OBJECTIF : établir un cadre de l’Union pour la réinstallation et modifier le règlement (UE) nº 516/2014 du Parlement européen et du Conseil établissant le Fonds asile et migration (l’«AMIF»).

ACTE PROPOSÉ : Règlement du Parlement européen et du Conseil.

RÔLE DU PARLEMENT EUROPÉEN : le Parlement européen décide conformément à la procédure législative ordinaire sur un pied d’égalité avec le Conseil.

CONTEXTE : l’Union œuvre à la mise au point d’une politique migratoire intégrée, durable et globale, qui soit fondée sur la solidarité et un partage équitable des responsabilités et qui puisse fonctionner efficacement tant en période de calme qu’en temps de crise. L’Agenda européen en matière de migration a posé les fondements de cette politique et inclut la question de la réinstallation de ressortissants de pays tiers ou d’apatrides sur le territoire des États membres où ces personnes peuvent recevoir une protection adéquate.

Il s’agit également d’un instrument de solidarité internationale et de partage des responsabilités avec les pays tiers vers ou dans lesquels un grand nombre de personnes ayant besoin d’une protection internationale ont été déplacées.

Le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) estime qu’en 2017, le nombre de personnes en besoin de réinstallation dépassera 1,19 million à l’échelon mondial, alors que seules 80.000 personnes environ ont été réinstallées dans le monde en 2015. Depuis plusieurs années, le HCR demande instamment à l’Union et à ses États membres d’accroître leur engagement pour accueillir des réfugiés dans le cadre de programmes de réinstallation durables, l’objectif étant de réinstaller, d’ici 2020, 20.000 personnes par an.

Dans ce contexte, la Commission entend créer, sur la base de l’expérience acquise, un cadre permanent plus structuré et harmonisé pour la réinstallation dans l’Union. Elle propose dès lors sur base de l’expérience acquise grâce aux programmes de réinstallation nationaux, la présente proposition législative qui vise à établir une procédure unifiée de réinstallation.

Parallèlement, afin d’assurer la compatibilité avec l’acquis en matière d’asile, il y a lieu d'accorder une protection internationale aux personnes sélectionnées pour une réinstallation. En conséquence, les dispositions sur le contenu de cette protection incluses dans l’acquis en matière d’asile doivent être appliquées aux personnes réinstallées dans les États membres.

C’est également la raison pour laquelle, ce cadre est proposé en cohérence avec le nouveau train de mesures législatives présenté par la Commission dans le cadre de la réforme du régime d’asile européen commun comprenant :

  1. une proposition remplaçant la directive relative aux procédures d’asile par un règlement instituant une véritable procédure commune;
  2. une proposition remplaçant la directive relative aux conditions que doivent remplir les demandeurs d'asile par un règlement qui fixe des normes uniformes pour la reconnaissance des personnes ayant besoin d'une protection internationale ;
  3. une proposition de révision de la directive relative aux conditions d’accueil.

CONTENU : la présente proposition établit un cadre de l’Union pour la réinstallation de ressortissants de pays tiers ou d’apatrides sur le territoire des États membres.

Les principaux éléments de la proposition sont les suivants:

Réinstallation : la réinstallation signifie l'admission, sur le territoire des États membres, de ressortissants de pays tiers ayant besoin d’une protection internationale qui ont été déplacés de leur pays d’origine, ou au sein de celui-ci, dans le but d'accorder une protection internationale à ces ressortissants.

Régions ou pays tiers à partir desquels la réinstallation doit avoir lieu : par actes d’exécution qui viseront à établir des programmes de réinstallation ciblés de l’Union et des plans de réinstallation annuels de l’Union, la Commission et le Conseil devront prévoir des régions ou pays tiers depuis lesquels la réinstallation aura lieu, en tenant compte d’un certain nombre de facteurs indiquant la situation des personnes ayant besoin d’une protection et le nombre de personnes à accueillir.

Personnes à réinstaller : la proposition définit les critères d’éligibilité et les motifs d’exclusion pour les personnes susceptibles de faire l'objet d'une réinstallation.

  • Éligibilité : sont éligibles, les ressortissants de pays tiers ou les apatrides qui ont été déplacés non seulement vers un autre pays, mais aussi au sein de leur propre pays en raison de craintes de persécution bien fondées ou lorsque ces personnes ont des motifs sérieux de croire qu’elles courent un risque réel de subir des atteintes graves.

Les personnes vulnérables (ex. : femmes et filles en danger; enfants et adolescents en danger, y compris les enfants non accompagnés; personnes victimes d'actes de violence, ou même qui ont une vulnérabilité socio-économique, etc.) peuvent prétendre à la réinstallation dans l’Union. Il en est de même pour les personnes qui ont des liens familiaux avec des ressortissants de pays tiers, apatrides ou citoyens de l'Union résidant légalement dans un État membre, ou qui sont à la charge de ces derniers. L’inclusion des personnes qui ont une vulnérabilité socio-économique et de celles qui ont des liens familiaux élargit les catégories traditionnelles de personnes qui bénéficient d'une réinstallation habituellement effectuée sur signalement du HCR et s’inscrit dans l’approche adoptée dans le cadre des procédures opérationnelles standard guidant la mise en œuvre du programme de réinstallation avec la Turquie.

  • Exclusion : sont exclus du bénéfice de la réinstallation, les ressortissants de pays tiers ou apatrides qui ne répondent pas aux critères d’éligibilité ou qui relèvent d’un motif d’exclusion obligatoire à savoir : a) les motifs d’exclusion énoncés dans le règlement relatif aux conditions que doivent remplir les demandeurs d'asile (ex. coupables d’un crime ou d’actes terroristes); b) les motifs de refus d’entrée à la frontière ; c) les motifs de non-renouvellement ou de révocation d'un titre de séjour conformément au règlement relatif aux conditions que doivent remplir les demandeurs d'asile.

Les personnes entrées de façon irrégulière, ayant séjourné dans des conditions irrégulières ou ayant tenté d'entrer de façon irrégulière sur le territoire des États membres au cours des 5 années précédant la réinstallation seront également exclues.

Parmi les personnes à exclure figurent également celles qui ont déjà été réinstallées par un autre État membre au titre d'un programme de réinstallation ciblé de l’Union ou lors de la mise en œuvre des initiatives de réinstallation existantes de l’Union. L’exclusion s’applique en outre aux ressortissants de pays tiers et aux apatrides qu’un État membre a, au cours des 5 années précédant la réinstallation, refusé de réinstaller.

Á noter que la proposition ne crée aucun droit d’admission sur le territoire des États membres aux fins de l’octroi d’une protection internationale.

Procédures de réinstallation uniformes : la proposition établit des procédures uniformes communes pour la réinstallation obéissant à 2 types possibles de procédures:

1) procédure ordinaire : la procédure ordinaire repose sur la détermination d’un statut de réfugié dans le pays tiers et sur l’octroi par les États membres, aux ressortissants de pays tiers ou apatrides, du statut de réfugié, de préférence, ou de la protection subsidiaire. Cette procédure doit avoir lieu dès que possible, et dans un délai de 8 mois à compter du moment de l’enregistrement, par les États membres, des ressortissants de pays tiers ou des apatrides. Ce délai peut être prorogé de 4 mois.

La proposition détaille les différentes étapes de cette procédure qui comporte : i) l’identification par les États membres des personnes pour lesquelles ils entendent entamer une procédure de réinstallation soit sur signalement du HCR ou, le cas échéant, de l’Agence de l’Union pour l’asile ou d'autres organismes internationaux concernés, soit de leur propre initiative ; ii) l’enregistrement des ressortissants de pays tiers ou les apatrides concernés en évaluant que ces personnes remplissent toujours les critères d’éligibilité requis ; iii) l’octroi du statut de réfugié de plein droit aux personnes à réinstaller en cas de décision positive sur les critères d’éligibilité.

À l’issue d’une décision positive, les États membres favoriseront l’intégration rapide, efficace et harmonieuse des personnes concernées.

La réinstallation doit être la solution privilégiée par rapport à la protection internationale sur le territoire des États membres et ne doit pas se doubler d'une procédure d’asile. En conséquence, les demandes de protection internationale émanant de personnes réinstallées selon une procédure ordinaire, qui ont fait l'objet d'une évaluation complète de leur qualification pour le statut de réfugié et de leur droit à bénéficier de la protection subsidiaire, ne seront pas recevables.

2) procédure accélérée : la procédure accélérée est prévue pour les cas où il existe des motifs humanitaires précis ou un besoin urgent de protection juridique ou physique justifiant une admission rapide de ressortissants de pays tiers ou d’apatrides sur le territoire des États membres. Cette procédure doit être exécutée dans les meilleurs délais possibles et dans les 4 mois suivant le moment où des États membres ont enregistré les ressortissants de pays tiers ou les apatrides. Ce délai peut être prorogé de 2 mois.

Bien qu'il faille observer le même niveau de sécurité que pour la procédure ordinaire, l’évaluation du besoin de protection internationale des ressortissants de pays tiers ou des apatrides doit être limitée à une évaluation de leur droit à prétendre à la protection subsidiaire, sans examiner leur qualification pour le statut de réfugié.

A noter que contrairement à la procédure ordinaire, les personnes concernées devraient, lors de l’admission dans l’État membre de réinstallation, pouvoir demander une protection internationale. L’État membre dans lequel la personne a été réinstallée devrait être chargé de l’examen de cette demande (en n’appliquant donc pas les notions de 1er pays d’asile et de pays tiers sûr).

Procédures décisionnelles : la proposition instaure un cadre destiné à structurer la mise en œuvre par l’Union de ses engagements en matière de réinstallation. Toutefois, afin d’être en mesure de réagir à des flux migratoires changeants et à l’évolution de la situation internationale, le cadre ne détermine pas l’ampleur de la réinstallation et les régions ou pays tiers à partir desquels cette réinstallation aura lieu.

Il est prévu :

  • qu’un haut-comité pour la réinstallation, présidé par la Commission, soit créé et ait pour mission d’assurer une orientation politique pour la mise en œuvre du cadre de l’Union pour la réinstallation. Ce dernier inclura des représentants du Parlement européen, du Conseil, de la Commission, du Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, et des États membres ainsi que des représentants de l’Islande, du Liechtenstein, de la Norvège et de la Suisse, si ces États décident de participer ;
  • qu’un acte d’exécution du Conseil établissant un plan de réinstallation annuel de l’Union soit adopté déterminant le nombre total maximum de personnes à réinstaller, ainsi que le nombre de personnes devant être réinstallées par chaque État membre dans le cadre de ce total et le budget prévu pour assurer la gestion financière de ces personnes ;
  • qu’un acte d’exécution de la Commission établissant un programme de réinstallation ciblé de l’Union soit adopté, en tenant compte des discussions tenues avec le haut-comité pour la réinstallation. Pour chaque programme de réinstallation ciblé de l’Union, la Commission devra mentionner une justification détaillée, le nombre précis de personnes à réinstaller et la participation des États membres concernés conformément au plan de réinstallation annuel de l’Union, ainsi que la zone géographique d’où émaneront les personnes à réinstaller. L’application de la procédure ordinaire sera, dans ce contexte, considérée comme étant la norme.

Coopération : la coopération entre différents intervenants est indispensable, y compris avec les pays tiers à partir desquels la réinstallation aura lieu. Eu égard aux connaissances spécialisées dont il dispose pour faciliter les différentes formes d’admission, le HCR continuera de jouer un rôle clé pour la réinstallation dans le cadre de la présente proposition. La future Agence de l’Union pour l’asile pourra soutenir des États membres en coordonnant la coopération technique entre eux. Les États membres pourront en outre solliciter l’assistance d’autres partenaires, comme par exemple de l’Organisation internationale des Migrations (OIM) ou d'organisations de la société civile.

Évaluation et réexamen : la Commission devra faire rapport sur l’application du règlement au Parlement européen et au Conseil en temps utile pour en permettre le réexamen. Compte tenu des liens étroits existant entre les deux actes, le calendrier de réexamen de la présente proposition législative devra être aligné sur celui du règlement (UE) nº 516/2014 portant création du Fonds AMIF.

Dispositions territoriales : conformément aux dispositions du protocole nº 21, annexé au TFUE, le Royaume-Uni et l’Irlande ne participent pas à l’adoption de la présente proposition mais peuvent décider de s’y associer à tout moment après son adoption.

Il en va de même pour le Danemark, conformément aux dispositions du protocole nº 22 concernant la position du Danemark, annexé au TFUE.

L’Islande, la Norvège, la Suisse et le Liechtenstein peuvent décider de participer, à titre volontaire, au cadre de l’Union pour la réinstallation établi par le présent règlement.

INCIDENCE BUDGÉTAIRE : pour chaque personne réinstallée, les États membres participant à l’AMIF pourront recevoir une somme de 10.000 EUR prélevée sur le budget de l’Union. Le nombre total maximum de personnes à réinstaller dans l’Union chaque année sera déterminé par des actes d'exécution du Conseil.

Il est à noter que les États membres ne recevront des fonds que pour les réinstallations effectuées conformément au cadre de l’Union pour la réinstallation. Les réinstallations effectuées en application de programmes de réinstallation nationaux, hors de ce cadre, ne seront pas cofinancées par le budget de l’Union.

L’exercice 2017 doit être considéré comme un exercice transitoire entre le programme de réinstallation mené conformément aux conclusions du 20 juillet 2015 sur la réinstallation et l’entrée en vigueur de la présente proposition. En conséquence, l'incidence budgétaire pour 2017 devrait être inférieure à celle pour les exercices suivants.