Enquête sur le blanchiment de capitaux, l'évasion fiscale et la fraude fiscale  
2017/2013(INI) - 16/11/2017  

La commission d’enquête chargée d’examiner les allégations d’infraction et de mauvaise administration dans l’application du droit de l’Union en matière de blanchiment de capitaux, d’évasion fiscale et de fraude fiscale adopté le rapport de Jeppe KOFOD (S&D, DK) et de Petr JEŽEK (ADLE, CZ) sur l’enquête sur le blanchiment de capitaux, l’évasion fiscale et la fraude fiscale.

Pour rappel, le 8 juin 2016, le Parlement a constitué une commission d’enquête chargée d’examiner les allégations d’infraction et de mauvaise administration en ce qui concerne l’application du droit de l’Union en matière de blanchiment de capitaux, d’évasion fiscale et de fraude fiscale (PANA). La commission a été constituée après la publication des «Panama Papers» qui constituent à ce jour la plus grande révélation d’informations en matière de blanchiment de capitaux, d’évasion fiscale et de fraude fiscale.

Les députés se sont félicités que le Conseil cherche à constituer une liste commune de l’Union européenne des pays et territoires non coopératifs en matière fiscale. Ils ont demandé qu’une liste de l’Union soit prête d’ici la fin de 2017 tout en soulignant que la procédure d’examen conduite par le sous-groupe sur les pays tiers du groupe «Code de conduite (fiscalité des entreprises)», n’était pas entièrement transparente et ne permettait pas au Parlement d’exercer son pouvoir de contrôle.

Le rapport a déploré qu’un grand nombre de parties prenantes aient refusé de rencontrer les délégations de la commission PANA ou de se rendre à ses auditions, ou qu’elles n’aient pas répondu aux questions de manière satisfaisante.

Les députés ont par ailleurs condamné l’assassinat de Daphne Caruana Galizia, journaliste maltaise qui était en première ligne dans la lutte contre la corruption et le blanchiment de capitaux, qui avait travaillé  sur les Panama Papers et qui a été assassinée le 16 octobre 2017.

Les principales conclusions de la commission d’enquête sont les suivantes:

·        il est nécessaire d’afficher une plus grande volonté politique, d’adopter une meilleure réglementation et d’appliquer et de contrôler plus strictement les règles existantes afin de lutter contre les pratiques consistant en des flux de capitaux entre territoires, offshore et onshore, dans le but de ne pas payer d’impôts ou d’en payer le moins possible ou de blanchir de l’argent;

·        grâce aux sociétés écrans, aux paradis fiscaux et à des structures financières complexes, certaines multinationales et personnes fortunées ont réussi à dissimuler leurs capitaux aux autorités fiscales et ont ainsi profité d’un vide juridique leur permettant de soustraire leur fortune et d’échapper à l’impôt;

·        l’absence de définition commune de ce qui constitue un centre financier offshore (CFO), un paradis fiscal, une juridiction opaque, une juridiction fiscale non coopérative et un pays à haut risque en matière de blanchiment constitue l’un des principaux facteurs qui empêchent l’adoption d’une législation efficace pour lutter contre les phénomènes d’évasion fiscale, de fraude fiscale et de blanchiment de capitaux;

·        le manque de coopération et de coordination législative en matière d’évasion fiscale, de fraude fiscale et de blanchiment de capitaux, tant au niveau des institutions et agences de l’Union, des États membres et des autorités compétentes qu’en leur sein, constitue un problème systémique;

·        certains États membres ont tendance à fournir peu d’information, ou des informations de qualité médiocre et montrent peu d’enthousiasme à sévir contre l’évasion et la fraude fiscales;

·        l’échange d’informations et l’application adéquate de la législation sont essentiels dans la lutte contre l’évasion fiscale, la fraude fiscale et le blanchiment de capitaux; la publication publique pays par pays des informations fiscales de toutes les grandes entreprises est donc justifiée;

·        la lutte contre la fraude fiscale continue de se heurter à l’identification correcte des bénéficiaires effectifs finaux; la commission note toutefois une amélioration progressive de la réflexion en faveur de la création d’un registre des bénéficiaires effectifs finaux;

·        les asymétries réglementaires entre pays sont le vecteur essentiel des pratiques permettant aux intermédiaires et aux facilitateurs d’aider les évadés fiscaux à rester dans la légalité;

·        des règles et des normes internationales contraignantes sont nécessaires pour mieux définir et réglementer la profession de gestionnaire de patrimoine, en grande partie non réglementée;

·        une approche européenne commune, fondée sur la transparence de la part des bénéficiaires finaux, est nécessaire pour lutter contre les sociétés de façade et les sociétés «boîtes aux lettres» dans les pays tiers, les pays et territoires d’outre-mer et les régions ultrapériphériques;

·        la Commission ne dispose pas des ressources suffisantes pour garantir l’application pleine et entière de la législation de l’Union contre le blanchiment, la fraude fiscale et l’évasion fisale;

·        le traitement des questions de fiscalité est régulièrement bloqué au niveau du Conseil par certains États membres qui veulent protéger les paradis fiscaux; la règle de l’unanimité des États membres pour les votes en matière de fiscalité devrait donc être abolie;

·        les institutions des États membres, chargées de mettre en œuvre et de faire appliquer la réglementation en matière de fraude fiscale et de blanchiment des capitaux, devraient être totalement indépendantes de toute influence politique;

·        les sanctions ne sont pas toujours appliquées ou suffisamment dissuasives dans les cas qui le méritent; les députés regrettent à cet égard que des États membres continuent à s’opposer à ce que l’Union prenne des sanctions à l’égard de pays tiers dont la fiscalité est jugée dommageable pour l’Union.

Sur la base des conclusions de la commission PANA, les députés ont identifié plusieurs cas de mauvaise administration en liaison avec la législation de l’Union, notamment en ce qui concerne:

·        l’absence de communication spontanée d’informations fiscales de l’autorité compétente d’un État membre à un autre État membre si elle a des raisons de supposer qu’il peut exister une perte d’impôt ou de taxe dans l’autre État membre;

·        l’inaction des autorités des États membres en présence de preuves d’un manquement grave et persistant dans l’identification des bénéficiaires effectifs au titre de l’application des obligations de vigilance à l’égard de la clientèle prévues par la troisième directive antiblanchiment, et le manquement de la Commission à veiller à l’application effective de cette directive;

·        la non-présentation par la Commission d’une liste des pays tiers présentant des carences stratégiques dans leurs régimes de lutte contre le blanchiment;

·        la non-application par les autorités des États membres de sanctions administratives et d’autres mesures administratives aux établissements déclarés responsables d’une infraction grave aux dispositions nationales adoptées en vertu de la troisième directive antiblanchiment;

·        le manque de coopération loyale des États membres dans le cadre du groupe «Code de conduite» (fiscalité des entreprises).

Un certain nombre de questions relatives à l’objectif d’évaluer l’ampleur du problème étant restées sans réponse, les députés ont proposé de prolonger les missions d’enquête dans le cadre d’une commission permanente ou d’un groupe de travail de haut niveau au sein du Parlement européen.