Résolution sur la crise politique en Moldavie suite à l'invalidation des élections locales à Chisinau  
2018/2783(RSP) - 05/07/2018  

Le Parlement européen a adopté par 343 voix pour, 35 contre et 160 abstentions, une résolution sur la crise politique en Moldavie suite à l'invalidation des élections locales à Chisinau.

La résolution a été déposée par les groupes PPE, S&D, ALDE, GUE/NGL et Verts/EFA.

Le Parlement s’est dit vivement préoccupé par la décision d’invalider les résultats des élections du maire de Chișinău par la cour suprême de Moldavie, décision qui repose sur des motifs fallacieux et opaques. Cette décision a sensiblement compromis l'intégrité du processus électoral.

Le Parlement a rappelé qu’Andrei Nastase a remporté les élections municipales anticipées à Chișinău à l’issue de deux tours de scrutin, qui ont eu lieu le 20 mai et le 3 juin 2018, avec 52,57 % des voix contre Ion Ceban, qui a obtenu 47,43 % des voix, et que ce résultat avait été reconnu par des observateurs internationaux. Cependant, les tribunaux de Chișinău ont annulé les élections municipales au motif que les deux candidats s’étaient adressés aux électeurs sur les réseaux sociaux le jour de l’élection, après la fin de la période légale de campagne. La Cour Suprême a confirmé ce jugement. Les députés ont noté que l’«appel aux urnes» que les tribunaux ont considéré comme constituant une pression et une prise d'influence indue sur les électeurs est une pratique électorale courante en Moldavie et n’a jamais entraîné l’annulation d'une élection auparavant.

Les députés se sont déclarés profondément solidaires des milliers de personnes qui manifestent dans les rues de Chișinău pour que les autorités moldaves prennent les mesures requises afin de garantir que les résultats des élections municipales de Chișinău soient respectés.

Exprimant sa préoccupation par la dégradation alarmante des normes démocratiques en Moldavie, le Parlement a reconnu que la décision des tribunaux, dont le biais politique et l'influence qu'ils subissent à cet égard sont de notoriété publique, témoignent de la captation de l'État ainsi que d'une profonde crise institutionnelle en Moldavie.

Dans ces circonstances, les députés ont considéré que les conditions politiques pour l'octroi d'une assistance macrofinancière (AMF) n'ont pas été remplies, et rappelle que «l’octroi d'une AMF est subordonné à la condition préalable que le pays bénéficiaire respecte des mécanismes démocratiques effectifs, y compris le pluralisme parlementaire et l'État de droit, et garantisse le respect des droits de l'homme». Ils ont prié instamment la Commission de suspendre tous les versements à la Moldavie au titre de l’AMF. Toute décision concernant de futurs versements ne devrait être prise qu’après la tenue des élections législatives prévues et subordonnée à la condition que ces élections respectent les normes internationalement reconnues et soient évaluées par des organes spécialisés, ainsi qu’au respect des conditions liées à l’aide macrofinancière.

Le Parlement a demandé que la Commission suspende l’aide budgétaire en faveur de la Moldavie en s’appuyant sur le précédent de juillet 2015, lorsqu’elle a été suspendue dans le prolongement de la crise bancaire. Le mécanisme de suspension devrait contenir une liste de conditions à appliquer pour les autorités moldaves, parmi lesquelles la validation des élections à Chișinău ainsi que, dans le contexte de l’affaire de la fraude bancaire, la réalisation d’enquêtes effectives, axées sur des résultats et entièrement transparentes, le recouvrement des avoirs et l’engagement de poursuites contre les personnes responsables. Les députés ont invité le SEAE et la Commission à suivre de près l’évolution de la situation dans tous ces domaines et à tenir le Parlement dûment informé.

S’inquiétant de la concentration du pouvoir économique et politique dans les mains d’un petit groupe de personnes, de la détérioration de l’état de droit, des normes démocratiques et du respect des droits de l’homme, de la politisation excessive des institutions de l’État, de la corruption systémique, des lacunes des enquêtes sur la fraude bancaire de 2014 et du pluralisme limité des médias, le Parlement a invité les autorités moldaves à :

  • réformer le système judiciaire et nommer de nouveaux juges afin d’éviter que le pouvoir judiciaire n’intervienne dans le processus électoral et politique ou ne compromette de toute autre manière l’expression démocratique de la volonté des citoyens moldaves ;
  • déployer des efforts résolus pour recouvrer les fonds volés à la suite de la fraude bancaire de 2014 par laquelle près d’un milliard de dollars ont été subtilisés dans le système financier moldave et traduire les responsables en justice, indépendamment de leur affiliation politique ;
  • donner suite aux recommandations du BIDDH de l’OSCE et de la commission de Venise sur la réforme électorale ;
  • respecter les bonnes pratiques et les principes internationaux et de garantir l'instauration d'un environnement favorable à la société civile.